Intervention de Ghislaine Sicre

Réunion du jeudi 24 mai 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Ghislaine Sicre, présidente du syndicat Convergence infirmière :

Pour Convergence infirmière, le nombre de médecins formés n'est pas vraiment la cause de la pénurie. Quand on est sur le terrain, on remarque que certains médecins ferment leur cabinet à dix-sept heures, que souvent ils ne travaillent plus le mercredi après-midi, et qu'ils arrêtent le vendredi soir à seize heures, ce qui pose tout de même problème. Et je ne parle pas de déserts où il n'y a plus du tout de médecins, mais d'endroits où il y en a…

Je peux vous parler d'un cas qui s'est produit pendant les vacances de Noël, période difficile où il n'y a pas de médecins, sauf des remplaçants, qui ne répondaient pas au téléphone. Car voilà ce qui se passe dans un désert médical : personne ne répond et les patients se rendent aux urgences, alors que cela ne devrait pas se faire.

S'agissant des infirmières, le maillage territorial est relativement équilibré. Il n'y a pas de zone désertique. Même si les infirmières sont surchargées dans certains territoires, elles assurent les soins et, surtout, la continuité des soins, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et 365 jours sur 365. Elles prennent en charge 1,5 million de personnes par jour, ce qui n'est pas rien !

Elles sont les seules, parmi les professionnels de santé, à assurer la continuité des soins auprès des patients puisqu'elles se déplacent, dans 80 et 90 % des cas, à domicile, ce que les médecins ne font quasiment plus aujourd'hui. Il faudrait regarder les chiffres ; j'ai vu passer ceux de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) lorsque j'ai préparé notre contribution, mais je n'ai pas fouillé la question par manque de temps.

Les infirmières sont capables de s'organiser pour prendre en charge les patients tout au long de ce cursus. Dès lors qu'elles peuvent être en lien avec un médecin, au moins par le biais de la télémédecine ou d'un outil digital, il leur est aisé de répondre aux besoins des patients dans les déserts médicaux, ou dans les endroits où les médecins ne répondent pas. À mon avis, il ne faut pas se focaliser sur le seul désert médical.

Les infirmières sont le véritable pivot entre le sanitaire et le social et elles peuvent apporter une réponse au discours social.

Pour des soins non programmés, elles peuvent répondre à l'appel d'un patient, à condition d'entrer en communication avec un médecin se trouvant à un autre endroit. Mais pour cela, il faut une bonne couverture réseau, ce qui n'est pas le cas partout en France. Même à côté de Montpellier où j'habite, on rencontre des difficultés.

Les infirmières pourraient assurer une pré-consultation, coordonnée via un outil digital, tel LEO – pour lien, échange, organisation – qui sera opérationnel en septembre. Par ce biais, on peut organiser une visioconférence sécurisée à domicile. Le médecin, à l'autre bout de la chaîne, est à même de voir le patient et de discuter avec lui.

Il existe aujourd'hui des objets connectés. Grâce à eux, on peut remonter au médecin un électrocardiogramme ou tout élément dont il a besoin. On peut assurer la surveillance clinique du patient : description des symptômes, de l'environnement – ce que connaît rarement le médecin s'il ne se déplace pas à domicile – et différents paramètres. On peut faire des photos, qui sont également sécurisées, surveiller l'index de pression systolique (IPS), évaluer la douleur, etc. et transmettre ces données.

On peut effectuer un bilan sanguin par le biais du laboratoire, et via une messagerie sécurisée, l'envoyer au médecin, même s'il est loin. Celui-ci peut envoyer une ordonnance virtuelle, toujours par messagerie sécurisée, à l'infirmière, au laboratoire et au pharmacien, qui peut livrer des médicaments au patient, même s'il est éloigné de ce médecin.

Nous avons imaginé d'organiser une équipe d'infirmières libérales pour assurer les astreintes, avec un paiement par l'Agence régionale de santé (ARS) pour répondre aux besoins. Ces infirmières disposeraient d'une mallette d'urgence, seraient formées aux gestes d'urgence et interviendraient, si nécessaire, en appui des pompiers, par exemple dans le cadre de l'urgence, notamment dans les déserts médicaux. Dans des villes où il y a des médecins, en principe tout est organisé – services d'urgence, pompiers, etc.

Pour assurer le suivi des patients, les infirmières pourraient mettre leur cabinet à disposition : elles l'utilisent peu puisqu'elles effectuent 80 à 90 % de leur activité au domicile des patients. Autant optimiser les dépenses.

Elles pourraient également faire une consultation physique une fois par semaine, pour assurer, notamment, le suivi des pathologies chroniques ; elles seraient assistées, par exemple en visioconférence, par exemple par une infirmière de pratique avancée (IPA), qui jouirait de beaucoup plus d'autonomie qu'il n'est prévu dans le texte actuel, d'où le rejet du projet de décret.

La mairie pourrait aussi proposer un lieu de visioconférence pour permettre au médecin d'effectuer une consultation à distance avec l'infirmière libérale qui serait d'astreinte ; il y aurait une salle d'attente et les patients devraient prendre rendez-vous.

On pourrait également organiser une consultation avec un médecin, qui se déplacerait une fois par semaine, soit dans cette salle de mairie, soit dans le cabinet de l'infirmier. C'est tout à fait faisable.

Enfin, je reviendrai sur les IPA : ces infirmières, dans le cadre de prise en charge organisée ou de mise en place des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), pourraient renouveler des ordonnances chez les patients atteints de pathologie chronique stabilisée – comme il est écrit dans le texte – et prescrire des examens complémentaires.

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