Intervention de Brigitte Bidault

Réunion du jeudi 24 mai 2018 à 11h30
Commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques

Brigitte Bidault, secrétaire générale du syndicat national des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes-Confédération générale du travail (CGT) :

Voilà.

Étant donné l'ampleur et la complexité de toutes les réglementations, étant donné la technicité des domaines de contrôle, à quoi s'ajoute la décision de diminuer les effectifs, il ne nous est plus possible d'assurer comme il se devrait nos missions de service public, tant à l'égard des consommateurs que vis-à-vis de tous les secteurs professionnels.

Avant la déstructuration de notre administration, les enquêteurs pouvaient s'appuyer sur des réseaux techniques internes que toutes les réformes évoquées ont mis à mal. Or la CCRF intervient dans l'impulsion des politiques économiques de la France, dans le contexte européen, en protégeant l'ordre public économique. En effet, en contrariant les pratiques frauduleuses et en participant au maintien de l'égalité, gage de stabilité et de visibilité pour les entreprises, elle contribue à assainir le terrain économique. La fraude a un coût pour l'économie nationale et aussi pour l'emploi. La lutte contre la fraude est donc une nécessité. L'affaire Spanghero a ainsi eu des répercussions sur l'emploi local. C'est pourquoi on nous considère comme un service de police économique.

Le rôle de la CCRF ne peut donc pas se réduire à une connaissance théorique des marchés et doit disposer des moyens d'une vérification approfondie.

Retrouver son efficacité, c'est aussi, pour la CCRF, pouvoir recourir à un réseau de laboratoires qui soient beaucoup plus que de simples prestataires. Le SCL doit retrouver un rôle prépondérant de propositions sur les contenus, les modes de preuve et les méthodes d'analyse. Il doit donc pleinement retrouver sa place au sein du réseau.

Enfin, alors que le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance organise, pour le moins, une conception nouvelle des missions de contrôle, l'affaire Lactalis interroge le rôle des parlementaires, plus précisément la place du contrôle public comme du contrôle exercé par les entreprises elles-mêmes – les autocontrôles – dont les résultats, dès lors qu'ils laissent entrevoir des risques en matière de sécurité alimentaire et, plus largement, de santé, doivent être portés à la connaissance des administrations de contrôle. Cette interrogation doit également porter sur le formalisme de la procédure des contrôles de la première mise sur le marché (CP2M) qui, depuis trop longtemps, a éloigné le contrôle de la recherche de la fraude. L'affaire qui, aux plans international, européen et national, engage au premier chef la responsabilité de Lactalis, premier fabricant mondial de produits laitiers et acteur majeur du marché du lait infantile, montre les limites des processus d'autocontrôle des entreprises.

Pour conclure, notre syndicat sollicite la représentation nationale afin que l'affaire Lactalis ne reste pas sans suites. C'est pourquoi, pour ce qui concerne nos craintes sur l'avenir de notre administration, nous avons élaboré une plateforme revendicative aux termes de laquelle nous demandons la sortie de la CCRF de l'ensemble des processus de réorganisation de l'administration territoriale de l'État, établis sous les quinquennats de MM. Sarkozy puis Hollande. Vous l'avez compris, notre proposition consiste à restaurer la CCRF en tant qu'administration nationale publique de l'État, dotée d'une chaîne de commandement et d'un réseau déconcentré.

Nous souhaitons l'arrêt des suppressions d'emplois – encore quarante-cinq en moins cette année, je le répète, soit plusieurs directions qui disparaissent. Nous réclamons des effectifs et donc la définition d'un plan pluriannuel de recrutement – pour la CCRF et donc pour ses laboratoires.

Nous souhaitons également que cesse l'atteinte portée à l'exercice de nos missions au niveau départemental et infradépartemental, même si tous les niveaux d'intervention sont importants. Nous devons en effet agir au plus près des territoires, là où les fraudes doivent être cherchées, identifiées et contrôlées.

Nous exigeons l'arrêt de toutes les délégations de service public s'agissant de contrôles devant être réalisés par des professionnels et de manière impartiale et indépendante.

Nous exigeons de même la définition d'une politique de recherche et développement ambitieuse pour nos laboratoires, le développement d'analyses sur les produits de grande consommation, en lien avec les enjeux sanitaires et écologiques puisque nous aurons sûrement à traiter davantage encore que nous ne le faisons les problèmes liés aux nanoparticules et aux perturbateurs endocriniens.

Les agents de la CCRF s'étonnent encore et toujours d'être mis sous le feu des projecteurs quand surviennent des crises alors qu'ils sont confrontés à de plus en plus d'obstacles pour accomplir leur mission à la hauteur des attentes légitimes des citoyens et des opérateurs économiques. Les mêmes agents comprennent de moins en moins qu'en apparence on renforce leurs missions et leurs prérogatives, et qu'au lieu de leur donner les moyens de les assumer, on complexifie les procédures.

En tant que parlementaires, vous avez la responsabilité de proposer et de voter les crédits nécessaires à la protection des consommateurs. La société de confiance que souhaite imposer le Gouvernement est à notre avis chimérique. L'affaire Lactalis montre bien qu'il existe une limite à la confiance entre les opérateurs économiques tant les intérêts des uns entre en contradiction avec les intérêts des autres.

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