Intervention de Marie Pique

Réunion du jeudi 24 mai 2018 à 11h30
Commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques

Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires :

Les DDCSPP et les DDPP sont étanches, si je puis dire, les unes par rapport aux autres : chacune est compétente dans son département et n'a pas autorité sur les autres. De surcroît, on l'a dit, le niveau régional n'a pas autorité sur le niveau départemental. Donc personne ne peut donner d'ordre à personne.

En 2005, j'y reviens, les agents de la DGCCRF de Mayenne constatent la présence de salmonelle et demandent le retrait-rappel des produits concernés. L'information se diffuse alors au sein du réseau et, puisqu'une autorité s'exerce, tous les enquêteurs font leur travail. Aujourd'hui, il faut passer par un certain nombre de strates, d'autorités hiérarchiques qui compliquent le travail quotidien des agents.

Aussi, pour la CFDT, l'organisation territoriale est à revoir et nous souhaitons que votre commission examine ce point. En effet, le rôle de la DGCCRF est vraiment de contrôler les entreprises, de veiller au bon fonctionnement du marché – c'est pourquoi d'ailleurs nous sommes rattachés à Bercy. Le rôle de la DGAL, lui, consiste plutôt à accompagner les filières du secteur agricole. Chaque direction générale a par conséquent une mission différente, a sa raison d'être, et les agents de l'une ne font pas le même métier que les agents de l'autre.

La question a été posée de savoir s'il ne fallait pas qu'un seul chef de file par site de production, qu'il dépende de la DGAL, de la DGCCRF ou bien de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Pour répondre, je prendrai l'exemple du scandale de la viande de cheval causé par l'usine Spanghero. Si l'on avait appliqué le principe d'un chef de file par secteur, il est vraisemblable que les services vétérinaires auraient été désignés puisque le produit incriminé était d'origine animale. Or le problème n'était absolument pas sanitaire mais de tromperie, de fraude : on a fait passer de la viande de cheval pour de la viande de boeuf. Reste qu'il s'agit bien d'une crise alimentaire. Vous voyez bien que la DGCCRF et la DGAL ont chacune leur raison d'être, l'important étant que chacune connaisse sa mission. Le protocole d'accord, le plan national de contrôles officiels pluriannuel (PNCOPA), expliquent bien qui doit faire quoi en cas d'alerte. D'ailleurs, lors de l'affaire Lactalis, la DGCCRF a réagi et fait son travail. Il ne se pose donc pas, je le répète, de problème de répartition de compétences entre les deux directions générales, là n'est pas la question.

La véritable compétence de la DGCCRF, il faut le comprendre, c'est bien de contrôler des filières, la traçabilité, les factures, mais aussi de traquer des fraudes… Et c'est un métier. Mme Deflesselle, directrice adjointe de la DDCSPP de Mayenne, vous a indiqué que la DGCCRF n'avait contrôlé « que » la traçabilité des produits concernés – et c'est bien parce que la DGCCRF a contrôlé leur traçabilité que nous avons pu, après publication de l'arrêté ministériel du mois de décembre 2017, procéder au retrait-rappel : si nous nous étions contentés des déclarations de Lactalis, nous n'aurions retiré que douze lots ! Ainsi, nous avons pu en retirer beaucoup plus et pu faire en sorte que Lactalis retire de lui-même toute la production. La traçabilité, j'y insiste, est donc essentielle.

Il faut par ailleurs rappeler les conditions historiques de la création de ces deux directions générales. L'idée d'une grande police sanitaire ne nous satisfait pas puisque, vous l'aurez compris, nous exerçons deux métiers différents. Opérer, au même endroit, personnes et animaux plutôt que dans un hôpital pour les uns et dans une clinique vétérinaire pour les autres vous paraîtrait absurde ; eh bien, il est tout aussi absurde de vouloir une grande police sanitaire. Simplifier l'administration à outrance reviendrait en effet à une perte de compétences. La DGCCRF a été créée en 1985 au moment de la libéralisation des prix. Quand on y réfléchit, c'était une idée très moderne d'avoir fusionné la lutte contre la fraude et la direction des prix puisque c'est le moyen de contrôler le marché. La DGCCRF a été investie de trois missions : la veille concurrentielle des marchés, la sécurité des produits industriels et alimentaires et la protection économique du consommateur. Ces trois missions sont cohérentes les unes avec les autres. Or le fait d'avoir « partitionné » les agents, les uns dans les régions au sein des DIRECCTE et les autres dans les départements au sein des DDPP et des DDCSPP, a cassé le réseau.

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