Intervention de Jean-Louis Masson

Séance en hémicycle du mardi 17 avril 2018 à 15h00
Immigration maîtrisée droit d'asile effectif et intégration réussie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Masson :

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mesdames les rapporteures pour avis, chers collègues, j'aurais aimé monter à cette tribune pour dénoncer une loi d'affichage ; j'aurais aimé pointer son caractère purement symbolique puisqu'elle succède à une loi de 2015 impossible à évaluer du fait de son application récente, et qu'elle précède de peu le projet de réforme du régime d'asile européen, en cours d'élaboration et qui devrait déboucher sur l'adaptation de textes directement applicables en France.

J'aurais placé mon propos sous le haut patronage de Montesquieu, pour lequel les lois inutiles affaiblissent les lois essentielles. J'aurais moqué votre définition du changement, qui tient plutôt de la révolution à 360 degrés, pour marcher sans avancer, monsieur le ministre d'État.

J'aurais facilement mis en évidence que ce projet de loi, à l'image de quelques autres, vendus à grand renfort de communication sur le changement, n'est qu'un chapelet d'ajustements technocratiques, comme en témoigne le débat autour des délais – quinze jours par-ci, un mois par-là – alors que la procédure s'étirera vraisemblablement encore sur des années : OFPRA, CNDA, arrêté préfectoral d'expulsion, recours devant le tribunal administratif, puis la cour administrative d'appel, éventuel retour à la case départ devant l'OFPRA sur la base d'un nouveau motif.

Bref, un projet de loi timide, mis en scène avec une démonstration de force. Nous aurions glosé sur l'étendard médiatique que représente le dispositif relatif à l'excision – pratique barbare que nous condamnons tous – , dispositif faussement généreux tant il est irréaliste. Selon l'ONU, 30 millions de femmes auront été victimes de mutilations sexuelles d'ici à 2023 : pouvons-nous, sérieusement, y faire face ?

Mes chers collègues, la France ne doit pas choisir les causes à défendre parmi les atteintes aux droits de l'homme. Elle doit toutes les condamner. Dans l'ensemble des pays qui appliquent la charia, la lapidation est une peine et des mutilations sont possibles. Or aucune disposition n'est prévue à ce sujet dans le texte soumis à notre examen. Pourtant, la Cour européenne des droits de l'homme, dans un arrêt de 2001, fait observer l'incompatibilité du régime démocratique avec les règles de la charia.

J'aurais aimé m'en tenir à cela, je vous l'assure. Personne, dans les rangs de la droite républicaine, ne remet en cause le droit d'asile, pour autant qu'il s'agisse d'un asile justifié et encadré. Mais les migrations restent l'un des plus grands enjeux politiques de notre temps. Le projet de loi n'inversera pas la tendance et ne constituera en rien un outil efficace pour relever ce défi. C'est un texte timide et l'immigration incontrôlée se poursuivra de plus belle.

La réalité a été décrite avec talent par MM. Larrivé et Ciotti. Ce texte écarte d'emblée tous les sujets de fond susceptibles d'opérer un vrai changement. Que l'on soit d'accord ou pas, la résolution des défis à venir passera par une décision sur le droit du sol, l'instauration de quotas, une répression accrue, la transformation de l'OFPRA et de la CNDA en véritables juridictions, une action géopolitique et diplomatique plus consistante.

Les migrations sont l'un des grands enjeux de notre temps, étouffé par les tabous. C'est pourtant le plus mal pensé. Le droit du sol n'est pas débattu, nous lui préférons un bricolage à Mayotte. La possibilité d'établir des quotas est d'emblée écartée, le durcissement des sanctions est oublié puisque le délit de séjour irrégulier, abrogé en 2012, n'est même pas rétabli.

Loin d'améliorer la situation, ce projet de loi l'aggravera. Administration préfectorale, juges et policiers : tous les acteurs de terrain le redoutent et s'en alarment à juste titre. Vous devriez, monsieur le ministre d'État, les écouter.

Selon le Conseil d'État, au lieu de simplifier le droit d'asile, ce texte le complexifiera. Or, compliquer le droit, c'est allonger d'autant les délais de gestion, sans améliorer les situations d'urgence.

Enfin, rien ne permet d'affirmer, à ce jour, que l'administration sera en mesure de réaliser les éloignements.

Autre erreur majeure : votre projet de regroupement à l'initiative de l'enfant est un dévoiement juridique qui modifie la nature du regroupement familial, lequel suppose des capacités d'accueil de la famille, de la part des demandeurs, qui doivent prouver leur intégration, leur stabilité, ou encore leurs ressources. Les mineurs ne sauraient représenter ce socle indispensable à l'intégration. Ils seront livrés soit à la dépendance sociale soit aux organisations criminelles.

Aujourd'hui, la réalité est que police et justice sont confrontées à des mineurs faussement isolés et de nouvelles filières de faux mineurs dont il revient aux services de police et de gendarmerie d'apporter la preuve qu'ils isolés et mineurs.

Monsieur le ministre de l'intérieur, la réalité est que la mairie de Paris vous appelle au secours face à la violence de groupes de mineurs livrés à eux-mêmes au nord de la capitale. Voulez-vous vraiment faire venir leur fratrie et inciter des filières à s'organiser en ce sens ?

Voilà la réalité. Ce n'est pas le réalisme accusé d'être une surenchère qui nourrit le populisme, monsieur le ministre d'État : ce sont bien la démagogie et l'inefficacité.

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