Intervention de Annie Genevard

Séance en hémicycle du mercredi 28 mars 2018 à 21h30
Régime d'ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Genevard :

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte dont nous commençons l'examen, issu de l'initiative sénatoriale, vise à simplifier et mieux encadrer le régime d'ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat.

Le sujet est d'importance d'abord parce qu'il concerne un droit constitutionnel qui veut que l'État proclame et respecte la liberté d'enseignement et en garantit l'exercice. C'est du reste pour ce motif que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 26 janvier 2017 sur la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté a retoqué la volonté de la ministre Vallaud Belkacem de substituer, par ordonnances de surcroît, au régime de déclaration un régime d'autorisation administrative préalable. Nous nous étions alors fermement opposés à cette démarche parce qu'elle menaçait la liberté que permet le hors contrat et ce que peuvent offrir d'utile et de fécond des établissements dont beaucoup, rappelons-le, ne sont pas confessionnels.

L'essor des établissements hors contrat est patent depuis plusieurs années et prend de multiples visages, qu'il s'agisse de pédagogies alternatives, de projets à profils particuliers, d'écoles implantées dans des territoires à besoins sociaux particuliers comme les écoles Espérance Banlieues qui misent sur l'intégration scolaire et sociale des élèves par des méthodes pédagogiques classiques. Il y a là un vivier et une énergie utiles et fondés sur la liberté pédagogique qui ne s'affranchit pas pour autant de la nécessité de respecter les valeurs de la République et les programmes.

Grâce au travail du Sénat, que je veux saluer, le texte a heureusement évolué et respecte la possibilité de créer des écoles libres : c'est pour nous un point capital.

Toutefois, dans le contexte d'essor des écoles hors contrat, un phénomène émerge et interroge : on ne peut ignorer la très forte progression – près de 70 % – des établissements d'enseignement privé musulman selon la fédération qui les regroupe. Certains, on le sait, posent problèmes, non parce que ce sont des écoles musulmanes – il existe des écoles de toutes confessions et ce n'est pas une difficulté en soi – , mais la progression fulgurante de ces écoles est en soi un message à tout le moins de très grande méfiance, voire de rejet, de notre système scolaire jugé par certains corrupteur. Par ailleurs, on le sait, certaines délivrent des enseignements largement inspirés d'un islam qui vise à isoler les enfants de la société dans laquelle nous cherchons précisément à les intégrer.

L'État est aujourd'hui insuffisamment armé pour faire fermer des écoles qui ne respecteraient pas les valeurs de la République ou la qualité de l'enseignement. On a pu hélas le constater dans le cas de l'école coranique de Toulouse.

L'alinéa 6 de l'article 1er introduit utilement les notions de protection de l'enfance et de la jeunesse et de respect de l'ordre public. De même, l'inscription dans la loi de l'inventaire des pièces constitutives du dossier d'ouverture offre une plus grande sécurité juridique.

Mais ne nous leurrons pas, la partie n'est pas gagnée pour autant, d'abord parce que le salafisme, dont je rappelle qu'il considère la charia comme la source unique du droit, fait évidemment de l'endoctrinement des jeunes une de ses priorités, ensuite parce qu'il y a fort à parier que certaines démarches de créations d'école, très organisées sur le plan juridique, offriront toutes les garanties du respect des obligations requises – écoles « Potemkine » au parfait visage destinées à tromper la vigilance des inspecteurs. Au passage, signalons le cas de ces écoles coraniques qui se développent parallèlement à l'école publique. Rien n'est plus désolant et inquiétant que de voir des petites filles revêtir, après l'école, le voile quasi intégral pour aller suivre des cours qui délivreront un message parfois exactement inverse de ce que les professeurs auront tenté de leur inculquer dans la journée.

Le contrôle auquel tous les établissements seront soumis, confessionnels ou non, sera donc essentiel et doit être mené d'une main ferme et compétente, sans naïveté, sans céder aux intimidations de ceux qui ne manqueront pas de crier à la stigmatisation, sans céder à la tentation de relativiser le phénomène en refusant de le nommer ou en le comparant pour le minimiser. Vous avez raison, monsieur le ministre, il faut nommer les problèmes.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous preniez l'engagement de revenir devant la représentation nationale dès lors que la loi sera entrée en application pour dresser un bilan de son application, du déroulement des contrôles et de leurs conclusions.

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