Intervention de élisabeth Borne

Réunion du mercredi 21 mars 2018 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

élisabeth Borne, ministre des transports :

Mesdames, messieurs les députés, je tiens à remercier la rapporteure Mme Aude Luquet pour ce travail très intéressant et très fouillé et à insister sur l'importance des dispositions contenues dans la loi « Savary ». Celle-ci recouvre trois champs d'intervention : la prévention et la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique et le terrorisme dans les transports publics de voyageurs, avec évidemment l'objectif de mieux protéger les passagers des transports publics contre les risques terroristes dans le contexte que l'on a connu au cours des années 2015 et 2016 ; la police du transport public de voyageurs afin de renforcer la lutte contre la fraude, en particulier dans les transports ferroviaires et guidés, à la suite de la publication, en avril 2015, d'un rapport de la Cour des comptes qui mettait en exergue le préjudice économique lié à la fraude dans les transports ; enfin, la lutte contre les violences faites aux femmes dans les transports, quelques mois avant l'adoption du plan national de lutte contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles de juillet 2016.

La loi a créé ou renforcé plusieurs dispositions législatives relatives à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique et le terrorisme dans les transports publics de voyageurs. Elle a intégré différentes dispositions, notamment l'extension et le renforcement des prérogatives des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP. Je ne reviendrai pas ici sur les prérogatives nouvelles qui ont été mises en place. Je rappellerai que celles-ci s'accompagnent de contreparties comme la formation et le contrôle de ces agents, et l'adoption d'un code de déontologie. Ces prérogatives visent à permettre aux autres exploitants de se doter de services de sécurité internes soumis au code de la sécurité intérieure et non au code des transports. Elles visent également à la mise en oeuvre de mesures de criblage des nouveaux personnels occupant des postes « sensibles » afin de lutter contre les risques de radicalisation au sein de ces entreprises.

Au titre de la police du transport public de voyageurs, la loi comporte effectivement une série de dispositions tendant, d'une part, à fiabiliser le recueil de données personnelles du contrevenant via de nouvelles mesures telles que l'obligation de justifier de son identité, le droit de communication des données entre les exploitants et les administrations publiques afin de rendre plus fiable le relevé d'identité des contrevenants et, partant, d'améliorer le recouvrement des amendes, et, d'autre part, à renforcer le dispositif répressif avec notamment le délit de fraude d'habitude que vous avez rappelé.

Par ailleurs, au titre de la lutte contre les violences faites aux femmes dans les transports, la loi prévoit que la prévention de ces violences et des atteintes à caractère sexiste dans les transports constitue un axe prioritaire de l'action de la SNCF et de la RATP. Comme vous l'avez mentionné, cela fait l'objet d'un rapport annuel.

S'agissant de la mise en oeuvre de la loi, je veux souligner que huit des neuf textes d'application ont d'ores et déjà été publiés. Le dernier, celui qui doit permettre d'accéder aux adresses, est piloté par la Direction générale des finances publiques (DGFIP). J'ai sensibilisé mes collègues, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics, sur l'importance de ce texte qui, pour l'instant, se heurte à de nombreuses difficultés juridiques. Il est impératif d'être en mesure d'expertiser, dans les prochaines semaines, la possibilité de dépasser toutes les difficultés juridiques qui ont été mises en avant ces derniers mois et, le cas échéant, de pouvoir adapter, dans le cadre de la loi d'orientation sur les mobilités, ces dispositions pour les rendre effectives.

S'agissant de la constitution d'un fichier des fraudeurs entre entreprises, nous pouvons étudier cette piste mais, comme pour tout fichier portant sur des données personnelles, le sujet est très sensible. Bien évidemment, cela se ferait sous le contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et en respectant les règles habituelles en termes de protection des données personnelles.

Au-delà de ces dispositions, nous avons continué à travailler, dans la continuité des Assise de la mobilité et du groupe de travail « sécuritésûreté », présidé par M. Savary. L'objectif est d'être à l'écoute des besoins des opérateurs et des autorités organisatrices pour pouvoir proposer, le cas échéant, de nouvelles mesures afin de renforcer la sécurité dans les transports.

Le projet de loi d'orientation sur les mobilités permettra notamment de couvrir un champ qui ne l'est pas aujourd'hui s'agissant des contrôles à bord des navires et des bateaux fluviaux. Il faut par ailleurs étudier plus avant la mise en oeuvre d'une expérimentation de caméras individuelles pour les agents chargés du contrôle des titres de transport. Toutefois, je veux souligner que la SNCF vient à peine de lancer la mise en application des mesures prévues pour les services de sécurité et que la RATP a prévu de commencer l'expérimentation de ce dispositif à compter de l'été prochain. Là encore, si le sujet est certainement utile, il est aussi sensible puisqu'il s'agit de filmer les voyageurs. Il convient donc d'avancer prudemment. Attendons un premier retour d'expérience des services de sécurité, qui sont désormais dotés de prérogatives de puissance publique. Voyons peut-être comment fonctionne ce dispositif pour ces agents des services de sécurité internes à la SNCF et à la RATP.

Nous travaillons également pour faciliter la détection de comportements « anormaux » dans les transports – intrusions, rixes, abandon de colis. J'ai engagé un travail visant à définir un cadre juridique, en lien avec la CNIL, qui permette d'expérimenter de façon concrète les systèmes de vidéoprotection intelligents. Dans le même esprit, je souhaite encourager les entreprises de transport, notamment la SNCF et la RATP, à faire appel à des équipes cynotechniques pour détecter la présence d'explosifs. C'est particulièrement efficace pour réduire les temps d'intervention en cas de colis abandonnés – et ceux-ci sont de plus en plus nombreux, les voyageurs étant aujourd'hui beaucoup plus attentifs que par le passé en raison du climat que l'on connaît.

Les problèmes que rencontrent les femmes dans les transports restent un axe majeur d'action. La quasi-totalité des femmes disent en effet avoir été confrontées à des problèmes de harcèlement ou d'incivilité dans les transports. Dans notre esprit, le bilan annuel qui doit être établi relève de la responsabilité de l'autorité organisatrice. S'il y a une ambiguïté sur le sujet, nous pourrons apporter des précisions dans le cadre de la loi d'orientation sur les mobilités. Nous allons aussi proposer la création d'un cadre standardisé qui permettra de faire des synthèses. Il est nécessaire d'avancer encore sur ce point. Je souhaite notamment qu'on puisse promouvoir des outils de signalement pour les femmes qui rencontrent des difficultés dans les transports. J'aurai l'occasion de lancer un « hackathon », ou en tout cas un appel à innovation sur les applications qu'on pourrait leur proposer pour les aider.

Je m'associe aussi au secrétariat d'État chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la répression contre les comportements sexistes. Je pense que le dispositif prévu dans le projet de loi qui a été présenté ce matin en conseil des ministres sur l'outrage sexiste pourra très utilement s'appliquer dans les transports, y compris en donnant la possibilité à tous les agents assermentés de verbaliser. Ce sera une disposition importante pour prévenir les comportements sexistes et permettre aux femmes de voyager en toute sécurité dans les transports. Enfin, comme vous le savez, le Gouvernement et moi-même encourageons le développement du service dit « de la descente à la demande » pour les bus en soirée.

Voilà ce que je peux vous indiquer sur la mise en application de la loi « Savary ». Je pense qu'on peut encore progresser dans le sens des recommandations que vous avez formulées. Le futur projet de loi d'orientation sur les mobilités sera aussi l'occasion d'améliorer les dispositifs dans le sens que je viens d'évoquer.

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