Intervention de Aude Luquet

Réunion du mercredi 21 mars 2018 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAude Luquet, rapporteure :

Madame la ministre, mes chers collègues, tout d'abord je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de mon collègue M. Michel Vialay avec qui j'ai rédigé ce rapport.

Le constat commun qui se dégage de nos travaux est, d'une part, que la quasi-totalité des textes réglementaires prévus ont été publiés et, d'autre part, que ceux-ci traduisent de manière satisfaisante les intentions ayant présidé à la rédaction de cette loi. En cela, nous ne pouvons que saluer le travail du Gouvernement pour assurer dans des délais globalement satisfaisants l'application d'un texte dense et complexe.

Toutefois, quelques mesures ne sont pas entrées en application. Je prendrai trois exemples.

Le premier relève de la sécurité routière. L'une des dispositions de l'article 7 de la loi vise à améliorer l'information des entreprises de transport en permettant aux employeurs d'avoir accès aux éléments relatifs au permis de conduire de ceux de leurs personnels qui sont amenés à conduire les véhicules. Or cette mesure n'est pas entrée en application. L'ensemble des organisations de transporteurs déplorent cette situation qui met la vie d'usagers entre les mains de personnes considérées comme n'étant plus aptes à la conduite. Nous regrettons que la volonté de législateur soit ainsi ignorée, alors que cette mesure avait fait l'objet d'un consensus. Sur les 17 000 conducteurs d'autobus ou d'autocars en France, quinze à vingt sont repérés chaque année comme ayant perdu leur permis de conduire sans en avoir informé leur employeur. Le jour où un accident se produira avec un chauffeur de transport en commun circulant sans permis, la responsabilité de l'État, qui n'a pas mis en oeuvre ces dispositions, pourrait être engagée.

Mon deuxième exemple concerne la lutte contre la fraude. L'une des principales difficultés à laquelle se heurtent les transporteurs pour recouvrer les amendes est celle de la fiabilité des adresses des contrevenants. C'est pourquoi l'article 18 de la loi prévoit la création d'une plateforme d'échanges qui doit permettre de confronter l'adresse déclarée lors de la verbalisation avec celle du fichier des comptes bancaires et assimilés, et le répertoire national commun de la protection sociale. Toutefois, deux ans après la promulgation de la loi, le décret d'application de l'article 18 qui doit être signé par le ministre de l'économie et des finances n'a toujours pas été publié. Cette réponse n'est pas satisfaisante. Même si le décret n'est pas de votre responsabilité directe, avez-vous sensibilisé le ministre de l'économie et des finances sur l'utilité de mettre en oeuvre cette mesure très attendue ?

Mon troisième exemple concernera les violences faites aux femmes. Le sentiment d'insécurité dans les transports en commun est fort, en particulier pour les usagères. Le dispositif de l'article 22 de la loi n'est guère ambitieux. Il se limite à prévoir un bilan annuel sur les atteintes à caractère sexiste dans les transports publics collectifs de voyageurs transmis à trois instances consultatives : le Défenseur des droits, l'Observatoire national des violences faites aux femmes et le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. L'article 22 oblige par ailleurs la SNCF et la RATP à faire de la prévention des violences et atteintes sexistes un axe prioritaire de la formation de leurs agents de sécurité, ce que font ces deux entreprises. En revanche, le bilan annuel est resté lettre morte, car la loi ne précise pas qui a la responsabilité de l'établir. Par ailleurs, le texte ne prévoit pas de transmission des bilans aux services de l'État et omet de prévoir que les services destinataires devront les publier ou en publier une synthèse. La loi est donc largement perfectible sur tous ces points.

Au-delà de l'analyse de la mise en application de la loi dite « Savary », notre mission d'information a formulé une trentaine de préconisations, dont la plupart font consensus et seraient d'une mise en oeuvre relativement simple. Pour mémoire, je citerai les mesures suivantes.

Premièrement, confier à la préfecture de la région Île-de-France ou à la préfecture de police de Paris une compétence globale pour l'ensemble de la RATP ou du réseau SNCF d'Île-de-France en matière de fouille ou de contrôle des usagers car actuellement, chaque préfet départemental est compétent, ce qui complique le travail de la « Surveillance générale » (Suge) ou du groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR), certains trains traversant trois ou quatre départements en quelques minutes.

Deuxièmement, permettre aux contrôleurs d'utiliser des caméras piétons lorsque la situation l'exige, à l'instar de ce que la loi autorise pour les agents des services de sécurité. En effet, l'expérience montre que lorsque les esprits s'échauffent, la tension retombe quand les caméras piétons sont activées.

Troisièmement, remplacer la demande d'autorisation d'agir en civil par une simple déclaration, le préfet conservant toujours la possibilité de refuser une action en civil de manière expresse. Actuellement, une autorisation préalable, très rarement refusée, est nécessaire, ce qui est particulièrement chronophage.

Quatrièmement, la loi « Savary » permet aux entreprises de transport de demander au ministère de l'intérieur la réalisation d'enquêtes administratives pour ses personnels les plus sensibles, comme les conducteurs ou les aiguilleurs. À la demande unanime des acteurs rencontrés, la mission propose d'étendre ce criblage au personnel d'entretien ou au personnel intérimaire.

Cinquièmement, s'agissant de la fraude d'habitude, le seuil a été abaissé de dix à cinq infractions sur l'ensemble des réseaux. Mais en l'absence d'échange d'informations entre les exploitants, les fraudeurs par habitude sont en pratique ceux qui ont fraudé au moins cinq fois sur le même réseau. Le seul moyen de respecter la loi à la lettre serait de constituer un fichier commun de fraudeurs.

Pouvez-vous, Madame la ministre, apporter une réponse aux trois dispositions qui ne sont pas entrées en application et que j'ai citées en exemples, et me dire si les préconisations que je viens rapidement d'énoncer ont quelques chances d'être mises en oeuvre ?

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