Intervention de élisabeth Borne

Réunion du mercredi 21 mars 2018 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

élisabeth Borne, ministre des transports :

Je remercie Mme Sophie Panonacle et Mme Sophie Auconie pour les travaux qu'elles ont menés afin de produire ce rapport d'application de la loi pour l'économie bleue. Je vous remercie également de l'occasion qui m'est donnée de rendre compte de l'action du Gouvernement dans la mise en oeuvre de ces dispositions, ainsi que des orientations prises depuis bientôt un an, le Gouvernement ayant particulièrement à l'esprit l'importance du fait maritime pour la France.

J'apporterai quelques éléments d'éclairage sur les principales thématiques abordées par la loi. Elle comporte plusieurs mesures de simplification administrative. L'encadrement des activités maritimes est en effet issu d'une longue tradition administrative, et celle-ci doit s'adapter aujourd'hui aux attentes des acteurs et aux évolutions technologiques. Je ne détaillerai pas l'ensemble des mesures de simplification déjà prises, mais proposerai d'approfondir cette démarche dans le cadre du projet de loi d'orientation sur les mobilités, en cours d'élaboration.

Par ailleurs, la loi a pointé la nécessité de renforcer la compétitivité du pavillon et des armateurs français. La possibilité d'exercer l'activité avec le registre international français a été élargie : cela a permis à vingt-six navires de plaisance commerciale de rejoindre ce registre, dont cinq provenaient d'un pavillon étranger et dix étaient liés à des constructions neuves ou des acquisitions de navires par un propriétaire français.

Les textes nécessaires à l'installation de casinos – ou de salles comportant des machines à sous – dans nos navires ont été publiés et permettent aux compagnies de proposer cette activité qui renforce leur attractivité. Le moment venu, il conviendra d'ajuster le dispositif pour tenir compte du Brexit, comme vous l'indiquez dans vos propositions.

La loi prévoyait également un élargissement des exonérations de charges, auparavant partielles pour certaines activités comme les services en mer ou le transport de marchandises. Après le débat sur le projet de loi de finances 2018, le Premier ministre a entendu la demande unanime de maintien de ces mesures. Il l'a confirmé lors du Comité interministériel de la mer (CIMer) de novembre dernier.

En matière sociale, le rapport prévu à l'article 46 concernant le régime de protection sociale et de retraite des marins a été transmis au Parlement. Il met en évidence le rôle clé de ce régime pour les professions maritimes. Le Gouvernement sera attentif à ce sujet, qui sera intégré à la réflexion globale sur l'avenir des régimes de retraite.

Enfin, la loi pour l'économie bleue comporte des dispositions relatives à la sûreté du transport maritime. Elle a étendu la possibilité d'employer des agents privés de sécurité sur les navires. Auparavant, ces personnels – qui peuvent être armés – n'intervenaient qu'en zone de piraterie. Aujourd'hui, 360 agents privés de sécurité ont été agréés. Ces mesures de sûreté sont suivies au niveau interministériel. Afin de faciliter leurs contrôles, je proposerai une disposition dans le projet de loi d'orientation sur les mobilités.

Pour faire écho aux recommandations de votre rapport, j'insisterai sur plusieurs points que vous abordez particulièrement. Vous soulignez la nécessité de renforcer la compétitivité des ports français. Je partage cette analyse et le CIMer de novembre 2017 a conforté la nécessité d'instaurer une gouvernance performante et durable par axes pour améliorer la fluidité du passage portuaire. Des travaux sont en cours pour mettre en place ou moderniser les conseils de coordination interportuaire, afin d'assurer la cohérence stratégique des ports d'un même axe ou d'une même façade – GPM, ports fluviaux et ports décentralisés. Ces conseils sont déjà en place sur l'axe Seine, l'axe Méditerranée-Rhône-Saône, la façade Atlantique et aux Antilles-Guyane. Conformément aux décisions du CIMer de novembre 2017, le préfet de la région Hauts-de-France doit proposer la préfiguration du conseil de coordination de l'axe Nord.

Vous avez raison, la desserte des ports est fondamentale. Le volet « programmation et financement des infrastructures » intégré au projet de loi d'orientation sur les mobilités prendra en compte ces enjeux. Nous devons développer des solutions alternatives à la route – fluviales ou ferroviaires –, sous peine d'être confrontés à de grandes difficultés. C'est d'autant plus nécessaire que les navires – les porte-conteneurs en particulier – sont de plus en plus grands.

S'agissant de la compétitivité réglementaire, notamment en matière de droit domanial, compte tenu de l'urgence à sécuriser la situation juridique des conventions de terminal, nous avons élaboré un projet d'article législatif afin d'adapter le cadre juridique aux spécificités portuaires. Cette rédaction est en cours de concertation avec les professionnels.

Concernant la fiscalité foncière, à la suite d'une recommandation du CIMer, nous avons engagé un travail avec la direction de la législation fiscale, en lien avec l'Union des ports de France, pour définir des bases taxables normées, connues et communes à tous les ports de commerce et à leurs zones industrielles et logistiques. Cela doit s'intégrer dans une réflexion plus globale sur le modèle économique de nos ports, qui est un sujet majeur.

Enfin, à propos des questions environnementales liées au dragage, vous mentionnez l'interdiction qui sera faite en 2025 d'immerger les sédiments de dragage en application de la loi pour l'économie bleue. Cette interdiction ne concerne que les sédiments de dragage pollués. Afin de fixer le seuil et développer une filière de valorisation pour ces sédiments qui ne pourront être immergés, nous avons initié des études au sein des différents services concernés du ministère. Il s'agit d'abord de réaliser des études comparatives avec les autres pays européens. Puis nous examinerons l'impact socio-économique en fonction des seuils retenus.

Sur la gouvernance de la politique maritime, vous proposez de créer une commission unique rattachée au Premier ministre, pour assurer la concertation sur la politique maritime. Lors du dernier CIMer, le Premier ministre a demandé à M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, de présider une réunion du Conseil national de la mer et des littoraux (CNML). Cette réunion, qui s'est tenue le 25 janvier dernier, a été l'occasion de présenter un plan d'action global sur les enjeux maritimes.

J'ai mentionné au début de mon propos nos premières actions de simplification. De nouvelles propositions sont prévues dans le projet de loi d'orientation sur les mobilités. Il s'agira d'une part de simplifier les cadres existants pour les activités traditionnelles et, d'autre part, de favoriser le développement de nouvelles activités côtières, qui peuvent être sources d'emplois.

Je proposerai aussi de donner une base aux autorisations d'expérimentation de navires autonomes et d'engager un travail avec les acteurs français pour bâtir le cadre des futurs navires autonomes. Les mêmes réflexions s'engagent au niveau de l'Organisation maritime internationale (OMI) ; nous devons pouvoir y contribuer.

Les outre-mer ne sont pas oubliés dans ce plan d'action. Nous renforçons notamment les moyens de lutte contre la pêche illégale en Guyane, en créant une unité de contrôle supplémentaire au nord de la Guyane, conformément aux accords de Guyane. Un appui sera également apporté au gouvernement de Nouvelle-Calédonie pour la surveillance du parc naturel de la mer de Corail.

Des actions de validation des acquis de l'expérience ont été mises en place pour les marins, avec trois missions successives réalisées début 2018 en Guyane, Martinique et Guadeloupe. Enfin, un travail approfondi sera engagé sur l'offre de formation en lien avec la mer, en collaboration avec tous les ministères concernés. S'agissant de la préservation de la biodiversité outre-mer, les grands ports maritimes sont très mobilisés pour mener des actions favorisant la restauration écologique des récifs coralliens.

Comme vous pouvez le constater au travers des quelques éléments que je viens de vous présenter, la loi pour l'économie bleue a été mise en oeuvre par le Gouvernement, qui ne s'est pas arrêté là puisqu'il a défini, en outre, dans les six premiers mois de cette mandature, des axes ambitieux pour sa politique maritime. Je ne doute pas que les acteurs et les parlementaires feront émerger d'autres propositions. À cet égard, j'ai noté la mise en place d'un groupe d'études sur l'économie maritime au sein de votre Assemblée : je souhaite que nous puissions avoir de nombreux échanges. Mes services sont à votre disposition pour vous apporter tout élément utile.

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