Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du mardi 27 mars 2018 à 15h00
Programmation militaire pour les années 2019 à 2025 — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, monsieur le président et rapporteur de la commission de la défense, mes chers collègues, durant trois jours de débats intenses menés au pas de course, nous avons défendu une ligne alternative sur plusieurs sujets que je me dois de remettre en exergue.

Tout d'abord, nous nous opposons fermement à l'obsession des 2 % du PIB dédiés au budget de la défense. Ce chiffre ne repose ni sur une approche scientifique ni sur une étude des besoins du terrain – c'est ce que nous avons tenté en vain de montrer pour l'évacuer du texte.

Au lieu de cet objectif abstrait, nous avons proposé de mener une réflexion – un audit, avons-nous dit – en collaboration avec tous les soldats, qu'ils soient dans les casernes ou en opération extérieure, et bien évidemment avec les états-majors pour déterminer les véritables besoins des militaires. Peut-être ces besoins représentent-ils 2 % du PIB, peut-être plus, peut-être moins…

C'est cela que nous appelons « une LPM à hauteur d'homme ». La vôtre est à hauteur de Donald Trump, car c'est bien le président Trump qui a tapé du poing sur la table, il y a quelques mois, pour que soit respectée la décision de consacrer 2 % du PIB à l'effort de défense prise lors du sommet de l'OTAN de Newport en 2014.

La France s'est empressée de coopérer avec les contraintes de l'OTAN plutôt que de prendre la mesure des véritables besoins des soldats. Vous avez balayé d'un revers de la main tous nos amendements, toutes nos propositions sur ces points. C'est fort dommage, puisque nous sommes d'accord sur le principe d'augmenter les crédits de l'armée s'ils permettent d'améliorer les conditions de travail, d'entraînement et de survie en opération des militaires et de protéger l'ensemble de notre territoire, y compris nos immenses zones économiques exclusives trop souvent oubliées.

La question de l'Europe de la défense a aussi soulevé quelques interrogations légitimes mais, tant que la France et les autres puissances européennes n'auront pas quitté l'OTAN et sa puissance tutélaire asservie au lobby militaro-industriel, il est vain de se lancer dans une telle aventure. Pourtant, c'est bien une Europe qui défend son territoire et qui agit avec une diplomatie plus performante qu'actuellement, détachée des contraintes budgétaires et diplomatiques américaines, qui nous permettrait d'aller plus loin ensemble.

S'agissant des dépenses militaires, il en est une qui est en décalage avec l'objectif affiché d'avoir un budget à hauteur d'homme : il s'agit bien évidemment de la dissuasion nucléaire. Le coût de la dissuasion est un fardeau de 37 milliards d'euros sur la période couverte par cette LPM – 14,5 millions d'euros par jour, tout de même ! – , imposé sans discussion par le Président de la République qui veut marquer son domaine réservé. Le groupe GDR dénonce fermement les choix faits dans ce domaine, notamment celui de moderniser les missiles porteurs de tête nucléaires M51 et les missiles air-sol moyenne portée améliorés dits « ASMPA ». Là encore, au cours des débats, pas un seul signe d'ouverture de la part de la majorité ou du Gouvernement ! Rien qui ne fasse penser que la dissuasion sera un jour contrôlée par le Parlement ou que le peuple aura son mot à dire ! Rien qui n'aille en faveur d'un audit pour savoir si une seule composante permettrait un meilleur équilibre entre coût, efficacité et dissuasion.

Madame la ministre, la France se doit de continuer les efforts en faveur du désarmement nucléaire mondial qu'elle a réalisés depuis la fin des essais en 1996. Mais nos débats ont donné un aperçu du climat qui règle autour de cette question : la voix du Président, rien que la voix du Président.

Certes, nous ne souhaitons pas un démantèlement unilatéral à court terme, mais nous souhaitons que la France utilise tout son poids diplomatique pour lutter contre la prolifération dans le monde et stabiliser les accords, notamment en Iran et, qui sait, demain, en Corée du Nord.

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