Intervention de Sébastien Jumel

Réunion du mardi 20 mars 2018 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Jumel :

Sur la forme, je m'étonne qu'après avoir renvoyé toutes les propositions de loi des groupes de l'opposition à la « niche », le groupe majoritaire s'autorise, pour transposer à la va-vite et en catimini une directive européenne, le recours à une proposition de loi, et sans étude d'impact qui plus est, alors que l'absence d'étude d'impact nous a systématiquement été opposée chaque fois que nous avons voulu améliorer le sort de nos concitoyens à travers nos propositions de loi.

Sur le fond, la directive que cette proposition de loi entend transposer a suscité en son temps une mobilisation citoyenne sans précédent ; tandis qu'Élise Lucet lançait une pétition contre son adoption, l'humoriste Nicole Ferroni la qualifiait de « directive caca-boudin ».

Si nous adoptons cette proposition de loi, l'opacité sera désormais la règle et la transparence l'exception. Les journalistes, les salariés ou les lanceurs d'alerte qui, par souci de l'intérêt général, porteront à notre connaissance des faits délictueux ou simplement immoraux devront faire la démonstration de leur bonne foi ; en d'autres termes, on inversera la charge de la preuve.

Si une exception au secret des affaires est prévue pour les salariés, la réserve que constitue le caractère nécessaire de sa divulgation ne manquera pas de nourrir la jurisprudence des tribunaux.

S'il existe également des dérogations pour les journalistes, elles ne sont, selon les ONG qui se sont penchées sur la question, qu'un piètre hommage aux grands principes de la liberté d'informer et ne vaudront pas grand-chose devant une juridiction armée d'un nouveau droit érigeant le secret des affaires en principe, et la révélation d'informations d'intérêt public en exception.

On peut s'interroger enfin sur ce qu'il en sera de la dénonciation d'activités légales mais pour le moins immorales, ou de pratiques d'optimisation fiscale agressives.

Le jour où le Gouvernement annonce renforcer les moyens pour aller à la chasse aux chômeurs, qui devront, eux aussi, faire la démonstration de leur bonne foi dans la recherche d'emploi, le groupe majoritaire considère quant à lui que les détenteurs du secret des affaires sont nécessairement de bonne foi et que ceux qui veulent le divulguer sont de mauvaise foi. (« Quel raccourci ! » sur les bancs des commissaires LaREM) C'est peut-être un raccourci, c'est en tout cas notre interprétation de cette proposition de loi, qui transpose dans notre droit l'action consensuelle des lobbies bruxellois et de la Commission européenne.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.