Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mercredi 21 février 2018 à 21h30
Débat sur la régulation des jeux d'argent et de hasard

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Je salue la proposition, bien qu'elle me semble techniquement difficile à mettre en oeuvre. Il faut sans doute y réfléchir, tout en veillant à ne pas retarder la possibilité de jouer. Nous savons tous que certains jeux, notamment relatifs aux courses hippiques, que vous demandez par ailleurs d'encourager, s'effectuent dans une certaine rapidité. Il faut néanmoins éviter la vente en dur de produits de jeux à des mineurs. Nous pouvons réfléchir, pourquoi pas, à l'obligation pour jouer de présenter un papier d'identité. Nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir soit lors des questions soit lorsque nous examinerons le prochain projet de loi.

Deuxièmement, vous proposez de substituer le produit brut des jeux aux mises comme assiette de la fiscalité sur le poker en ligne et, plus largement, de mettre à l'étude cette substitution pour l'ensemble des prélèvements portant sur les jeux d'argent et de hasard. Or plusieurs arguments peuvent être opposés à cette substitution d'assiette, à commencer par le risque d'inciter les opérateurs à augmenter le taux de retour au joueur, qui, pour le coup, a un effet addictif.

Même si, je l'ai bien compris, votre rapport d'information n'établit pas de corrélation entre les deux facteurs, il semble intuitif que plus le retour aux joueurs augmente, plus leur addiction peut être importante. Cette question est ancienne, monsieur Juanico, vous le savez fort bien. Elle a été débattue sous d'autres gouvernements. Je vous propose donc que nous y réfléchissions. Je ne ferme pas la porte, mais je ne vous donne pas non plus un accord de principe. Je serai favorable à toute étude menée par le Parlement, le Gouvernement ou toute autre autorité, qui pourrait nous aider à éviter une addiction trop forte de la part des joueurs.

Troisièmement, en matière de gouvernance, vous suggérez la création d'un comité interministériel responsable de la définition de la politique publique des jeux d'argent et de hasard. Je souligne, comme l'a fait notamment Mme El Haïry, que le jeu, comme d'autres sujets, relève de plusieurs ministères : le budget, l'intérieur, l'agriculture, la santé, les sports et l'économie.

Pour ma part, je ne suis pas favorable à une politique interministérielle en tant que telle. La création d'un tel comité me paraît superfétatoire dans la mesure où les échanges de travail entre les ministères – je peux en témoigner personnellement – sont réguliers. J'ai eu l'occasion de le mesurer dans d'autres fonctions : pour avoir travaillé au ministère des sports, j'ai pu observer par exemple que la filière cheval est partagée entre plusieurs ministères, ce qui ne l'empêche pas d'être efficace, quand les pouvoirs publics s'y intéressent. Du reste, en dépit du caractère interministériel de cette politique, il convient, à l'heure actuelle, de la transformer. J'ai d'ailleurs proposé récemment au ministre de l'agriculture, dont j'attends la réponse, que Jean Arthuis travaille de manière générale à la reconstitution de la filière hippique. Cet homme de bien, dont tout le monde ici connaît les qualités qu'il a apportées à l'exercice de ses éminentes fonctions précédentes ou actuelles, pourrait nous éclairer. Il serait à votre disposition, si son nom était retenu in fine.

Toujours en matière de gouvernance, je partage le constat selon lequel le cloisonnement des modes d'intervention de la régulation est obsolète et peu réactif. Vous proposez de confier la régulation des jeux d'argent et de hasard à une autorité administrative indépendante unique, qui accomplirait le travail tant de l'ARJEL que du ministère des comptes publics, particulièrement de la direction du budget, plusieurs fois citée dans le rapport d'information. J'entends votre proposition. Je souhaite que nous y réfléchissions, madame et monsieur les rapporteurs, peut-être lors de l'ouverture du capital, voire de la privatisation de La Française des jeux.

Si nous devions revenir devant vous avec un projet de loi concernant les jeux, nous pourrions réfléchir du même coup à confier la régulation des jeux d'argent et de hasard à cette autorité administrative indépendante unique, à condition que le Gouvernement et le législateur, qui amendera le projet de loi, lui fixent des objectifs importants.

J'espère, mesdames et messieurs les députés, avoir répondu précisément aux interrogations soulevées dans ce rapport d'information comme dans la discussion. Je suis évidemment à votre disposition pour répondre à vos questions.

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