Intervention de Alain David

Séance en hémicycle du mercredi 21 février 2018 à 21h30
Débat sur la régulation des jeux d'argent et de hasard

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain David :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, le rapport d'information du comité d'évaluation et de contrôle rappelle qu'en France, le cadre légal du jeu repose sur un principe d'interdiction, assorti d'une liste de dérogations qui s'est allongée au fil des années : courses de chevaux en 1891, casinos en 1907, cercles de jeux en 1923, Loterie nationale en 1933, paris sportifs en 1984, compétitions de jeux vidéo, etc. Un tel régime de prohibition, très dérogatoire aux règles de l'économie de marché, de liberté d'établissement et de libre prestation de services, se justifie pour des raisons d'ordre et de santé publics, de lutte contre la fraude et contre les risques de dépendance.

Chacune des dérogations successives à l'interdiction générale des jeux d'argent s'est traduite par la mise en place d'un mode de régulation spécifique, si bien que, par strates successives, on est parvenu à un empilement peu intelligible, reposant sur un double cloisonnement, par segment de jeu et par canal de distribution.

Cette organisation n'a pas changé depuis la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, qui avait fixé quatre objectifs à la politique publique de régulation des jeux : prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs ; assurer l'intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu ; prévenir les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ; enfin, veiller au développement équilibré et équitable des différents types de jeu afin d'éviter toute déstabilisation économique des filières concernées. Pourtant, la multiplication des interlocuteurs allonge les délais de réponse des pouvoirs publics, alors que le secteur des jeux n'échappe pas à un processus continu d'innovation qui lui impose d'être réactif.

Il convient donc, plus de sept ans après la promulgation de la loi de 2010, de prendre en compte l'accélération de la révolution technologique et de réunifier les modes de régulation, comme le proposent dans leur rapport nos collègues Olga Givernet et Régis Juanico.

Si l'on regarde les chiffres du rapport d'information relatifs au développement des différentes catégories de jeu, on constate que les paris sportifs, en dur comme en ligne, bénéficient d'un développement important et que les jeux de loterie et de grattage se maintiennent à un niveau élevé, tandis que les casinos amorcent une timide reprise, après des années de marasme. La vraie surprise réside dans l'échec du poker en ligne et dans la faible rentabilité des opérateurs dits « alternatifs » apparus à la faveur de l'ouverture à la concurrence des jeux en ligne opérée par la loi de 2010.

Le jeu en ligne est loin d'avoir été l'eldorado attendu puisque le nombre d'opérateurs est tombé de quarante-deux en 2010 à quatorze en 2017. Le marché des jeux en ligne se caractérise en effet, depuis sept ans, par un dynamisme différencié des trois segments autorisés – paris sportifs, paris hippiques et poker – mais aussi par la faible rentabilité commune des opérateurs. L'ARJEL a calculé qu'entre 2010 et 2016, l'activité des jeux d'argent et de hasard ouverte à la concurrence avait généré une perte d'exploitation totale de l'ordre de 485 millions d'euros, l'année 2016 se soldant à elle seule par une perte globale de 14 millions d'euros.

Ces mauvais résultats ont plusieurs causes. D'abord la définition des segments de jeux en ligne autorisés par la loi du 12 mai 2010 est étroite, ce qui complique l'adaptation aux innovations du marché et rend parfois l'offre illégale comparativement plus séduisante. On peut également invoquer la vive concurrence entre opérateurs en ligne : aiguillonnés par l'offre illégale, il leur arrive de frôler la ligne jaune du plafond du taux de retour aux joueurs de 85 %, voire de la dépasser, ce qui peut nuire à leur rentabilité.

Par ailleurs, le rapport du CEC regrette, à la suite de la Cour des comptes, la définition de l'assiette applicable à cette activité et propose, au moins pour le poker en ligne, de substituer le produit brut des jeux aux mises, et d'étudier l'extension de cette mesure à l'ensemble des jeux d'argent et de hasard. Monsieur le ministre, y êtes-vous favorable ? Que pensez-vous de l'idée de confier, sur cette question de la fiscalité des jeux, une étude d'impact préalable à la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances ?

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