Intervention de Olga Givernet

Séance en hémicycle du mercredi 21 février 2018 à 21h30
Débat sur la régulation des jeux d'argent et de hasard

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlga Givernet, rapporteure du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques :

Madame la présidente, monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, chers collègues, je souhaite tout d'abord saluer l'utilité du comité d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale, qui, huit ans après la loi de 2010 sur les jeux d'argent et de hasard, a permis de poser les bonnes questions. Il nous offre aujourd'hui, avec mon collègue Régis Juanico, la possibilité de rendre compte du suivi des mesures proposées il y a une année.

Les jeux d'argent et de hasard divertissent en France plus de 30 millions de personnes. C'est un secteur dynamique qui crée de nombreux emplois. Il intervient dans quatre segments de jeux : les paris hippiques, les jeux de grattage et de tirage, les casinos et les jeux en ligne. C'est avant tout un loisir qui fait vivre nos commerces et rêver les joueurs. C'est aussi un secteur économique qui représente une véritable richesse pour notre pays – et je ne pense pas uniquement au retour financier pour l'État.

Mais, on le sait aussi, qui dit jeux d'argent et de hasard, dit risque d'addiction, risque de fraude, risque de blanchiment. Dans une optique de santé et d'ordre publics, cette activité doit être réglementée et régulée. Je rappelle que la loi interdit en principe les jeux d'argent et de hasard. L'ensemble des activités menées légalement sont donc autorisées par dérogation, avec deux objectifs : lutter contre le marché illégal et protéger les joueurs.

Il est intéressant que, parmi les seize recommandations du rapport d'information initial, celles qui faisaient consensus aient le mieux avancé. Quant à celles qui ont été rejetées ou n'ont pas trouvé de début d'application, nous confirmons la nécessité de les prendre en compte telles qu'elles ont été définies initialement.

Nous avons toutefois voulu moduler la proposition no 10, qui vise à soumettre les opérations de jeux à la lecture automatisée d'un document d'identité car nous souhaitons la rendre un peu plus flexible. L'interdiction des jeux aux mineurs reste certes fondamentale et plus encore sa bonne application, mais elle est appliquée de façon hétéroclite, avec un taux de tolérance dans les commerces encore bien trop haut.

Les moyens de développement du secteur des jeux d'argent et de hasard sont aujourd'hui décuplés par l'évolution technologique. La Française des jeux l'a bien compris : en faisant évoluer ses outils vers le numérique, cette entreprise détenue par l'État enregistre encore cette année des résultats records. Ce n'est pas le cas pour tous les opérateurs. Nous ne pouvons nier les tensions existant entre eux, et certains font face à des difficultés économiques, aggravées par l'aspect concurrentiel du secteur.

Lors des auditions que nous avons réalisées, tous les opérateurs ont souligné le manque de coordination qui subsiste entre l'ensemble des interlocuteurs institutionnels. Ce manque a également été rappelé par la Cour des comptes, qui compte parmi les partisans d'une réorganisation de la régulation.

Nous avons pourtant des expériences positives. En 2010, quand la loi a autorisé le développement des jeux en ligne, elle s'est posé la question de la régulation et a donné une réponse claire : la création de l'ARJEL, l'Autorité de régulation des jeux en ligne, à qui elle a donné les moyens de réguler les opérateurs, de les coordonner et de surveiller le marché. Cette autorité indépendante, dont l'efficacité a été soulignée par la Cour des comptes, détient des compétences larges : elle délivre des agréments aux opérateurs, surveille la bonne application de la loi, lutte contre la corruption et le blanchiment ainsi que contre l'addiction des joueurs. Son indépendance garantit une interface neutre entre les joueurs, l'opérateur et l'État, qui, je le rappelle, collecte les taxes. Elle permet le respect de la libre concurrence, ce qui est loin d'être anodin quand on sait que même les monopoles du secteur ont tendance à se concurrencer eux-mêmes.

À l'heure où l'on s'interroge sur la possibilité d'ouvrir le capital de la Française des jeux, je n'y vois pour ma part pas d'inconvénient, à condition que nous, pouvoirs publics, prenions la mesure de ce besoin d'harmonisation de la régulation. Un traitement équitable des opérateurs face à la loi et à ses intentions est nécessaire. La transversalité des moyens de contrôle mis à disposition des opérateurs est à portée de main – je citerai pour seul exemple l'accès généralisé au fichier des interdits de jeu.

Ce rapport d'information propose donc d'aller plus loin en permettant, entre autres, la création d'une instance de régulation unique et indépendante. C'est une idée juste car elle protégera nos concitoyens, assurera une équité de traitement entre les opérateurs, garantira la neutralité du service public et sera à même d'appréhender les évolutions rapides de l'ensemble du secteur. Je souhaite, chers collègues, monsieur le ministre, que nous arrivions rapidement à légiférer en ce sens.

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