Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du mercredi 7 février 2018 à 21h30
Protection des données personnelles — Après l'article 17

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Avis défavorable. Nous avons examiné votre amendement de façon approfondie, mais il nous semble que le RGPD satisfait une partie de vos demandes. Le considérant 78 du règlement, ainsi que son article 25, impose déjà aux responsables de traitement de proposer des biens ou services qui offrent par défaut ou dès leur conception le plus haut niveau de protection des données personnelles. Seules les données nécessaires pour chaque finalité spécifique de traitement doivent être traitées.

De plus, le considérant 32 du RGPD donne une définition du consentement qui implique que l'utilisateur d'un smartphone ne pourra pas se voir imposer l'utilisation, par défaut, d'un navigateur donné. Il pourra demander au fabricant du téléphone de lui permettre d'installer un autre navigateur plus respectueux, par exemple, dans la collecte de données, en faisant valoir qu'il n'a pas librement consenti au traitement de ses données par le navigateur qui aurait été préinstallé.

Dans votre exposé des motifs, vous constatez que « la quasi-totalité des smartphones commercialisés en France [… ] sont équipés d'un système d'exploitation [… ] qui impose par défaut le même moteur de recherche à leurs utilisateurs ». Vous estimez que « l'utilisation d'un seul service collectant des données à caractère personnel pour d'autres fins que celle de la fourniture de service en question ne permettrait pas d'obtenir un consentement libre de la personne concernée ».

Il nous semble qu'en allant au-delà des obligations imposées par le RGPD – en prévoyant par exemple que les produits soient livrés sans logiciel préinstallé, ou que les clauses contractuelles qui conduiraient les fabricants et les distributeurs de terminaux mobiles à installer par défaut un certain système d'exploitation plutôt qu'un autre seraient nulles – nous risquerions d'enfreindre les règles du droit de la concurrence. Celui-ci sanctionne les abus de position dominante, mais il est beaucoup plus délicat d'imposer à titre préventif des obligations restrictives, plus difficiles à justifier.

Le Gouvernement a en outre, je l'ai redit plusieurs fois, fait le choix de ne pas surtransposer le RGPD, afin de construire un marché européen du numérique vraiment unifié, et qui n'oblige pas les acteurs économiques à se conformer à une multitude de législations différentes selon les pays dans lesquels ils opèrent.

Nous sommes évidemment sensibles à votre objectif de promotion du développement des acteurs qui offrent des services plus respectueux de la protection des données personnelles. L'Europe a là l'opportunité de se doter d'un véritable avantage compétitif. Mais cette réflexion me semble vraiment devoir être conduite dans un cadre européen, et une expertise approfondie des implications juridiques, économiques et industrielles de vos propositions est indispensable.

Je suis tout à fait disposée à poursuivre ces échanges constructifs, avec tous les parlementaires qui le souhaiteraient.

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