Intervention de éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du lundi 21 février 2022 à 16h00
Choix du nom issu de la filiation — Présentation

éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

…que je veux saluer, respectueusement, chaleureusement, qui nous aident à donner vie à une nouvelle loi de liberté et d'égalité pour chacun de nos concitoyens.

Cette loi vise aussi à simplifier la vie de milliers de Français qui vivent au quotidien des difficultés, voire des souffrances qu'il ne tient qu'à nous, Gouvernement et Parlement, d'alléger, voire d'apaiser, par une réforme qui est au fond de grand bon sens. Oui, il est de notre devoir d'adapter les règles à notre société, car ce n'est pas le droit qui façonne celle-ci mais bien l'inverse. Je le redis sans détour et avec force : j'approuve cette réforme.

J'approuve cette réforme car, j'en suis convaincu, elle va améliorer la vie de nombre de nos concitoyennes et concitoyens. Je l'approuve car elle répond à des attentes fortes de simplification. Je l'approuve car il n'est pas normal d'obliger, par exemple, nos compatriotes à porter le nom de leur bourreau. Porter son nom, oui ; le supporter comme on supporte un fardeau, non. J'approuve enfin cette réforme car elle va faciliter la vie des mères qui doivent présenter leur livret de famille à tout bout de champ parce que leurs enfants ne portent pas leur nom. Vous l'aurez compris, j'approuve cette réforme parce qu'elle est juste.

Cependant, je l'ai entendu aussi, cette réforme a suscité des inquiétudes. Certaines sont légitimes et je me suis efforcé et m'efforcerai d'y répondre jusqu'au dernier moment. D'autres semblent un peu plus politiciennes. D'aucuns ont parlé de « grand chambardement ». D'autres, dans une espèce de surenchère réactionnaire de mauvais aloi, ont parlé de « déconstruction de la famille » – rien que ça. Je souhaite devant vous insister encore une fois : cette proposition de loi n'a pas pour ambition de changer notre société mais bien de résoudre des problèmes concrets auxquels nos concitoyennes et concitoyens sont confrontés dans leur quotidien.

Vous me permettrez donc de revenir quelques instants sur ce qui s'est passé au Sénat, que l'on peut résumer en un mot : détricotage en bonne et due forme.

S'agissant du nom d'usage, tout d'abord, vous aviez souhaité en première lecture que le parent dont le nom n'a pas été transmis puisse unilatéralement adjoindre son nom à celui de l'enfant, à condition d'en avoir préalablement informé l'autre parent. C'était une demande forte des mères célibataires, prônée haut et fort par le collectif Porte mon nom.

Le Sénat a supprimé ce dispositif. À la place, il voulait que le juge soit saisi par le parent qui souhaitait ajouter son nom, c'est-à-dire que l'on revienne purement et simplement au droit actuel. C'est contraire à l'esprit même de cette proposition de loi de liberté et d'égalité. Mais, au-delà, c'est surtout très injuste puisque cela revient à faire peser sur la mère la responsabilité de saisir le juge. Car, oui, il faut le dire, c'est bien des mères qu'il s'agit la plupart du temps.

Je me félicite donc que votre commission ait rétabli la possibilité d'adjoindre unilatéralement au nom de l'enfant le nom d'usage du parent qui ne l'a pas transmis. C'est très bien ainsi. Cette faculté, en effet, ne retire rien au parent dont l'enfant porte le nom puisqu'on ajoute simplement le nom de l'autre parent. C'est une question d'égalité qui répond à des attentes concrètes et fortes d'hommes et de femmes, mais surtout de femmes. Il était temps de changer les choses en la matière.

Pour ce qui est du changement de nom de famille pour les majeurs, enfin, le Sénat a refusé purement et simplement la réforme proposée et renvoyé à un aménagement inutilement lourd et bureaucratique qui aurait allié tous les inconvénients des deux systèmes sans en présenter aucun des avantages. C'était assurément une fausse bonne idée. Pour choisir entre le nom du père et le nom de la mère ou l'adjonction des deux noms, une procédure passant par une instruction des services de la Chancellerie et un arrêté du ministre n'est pas justifiée. En tout cas, à nos yeux, elle ne l'est plus. Il était donc indispensable de rétablir la procédure simplifiée de changement de nom, ce que votre commission a fait dès jeudi. Je m'en félicite et l'en remercie.

Ce texte est bien trop important pour en faire une proie de certaines considérations bassement politiciennes que j'ai lues ici et là dans la presse.

Je voudrais prendre un instant pour remercier les parlementaires qui se sont saisis de mon invitation à travailler ensemble en bonne intelligence et dans une logique transpartisane. Je pense bien sûr aux parlementaires à ma gauche, qui ont accompagné l'élan progressiste de cette proposition de loi. Mais je pense aussi à certains à ma droite qui ont compris que nul ici ne voulait déstructurer quoi que ce soit mais plutôt apaiser les douleurs et simplifier la vie de ces hommes et femmes pour qui le nom de famille est synonyme de souffrance ou de difficultés quotidiennes.

Je ne sais s'il votera in fine le texte mais je veux saluer le député Schellenberger – vous lui transmettrez, si vous voulez bien – qui nous a accompagnés pour intégrer à cette loi un délai de réflexion, sur lequel je reviendrai dans un instant. C'est là une amélioration concrète du texte.

Je voudrais également remercier le rapporteur Vignal qui n'a pas ménagé sa peine pour parvenir à la rédaction qui vous est présentée. Il a pu compter sur le soutien des députées Camille Galliard-Minier – et sa maîtrise fine des enjeux juridiques –, Aude Luquet et Alexandra Louis, qui nous accompagnent depuis longtemps sur tous les sujets d'égalité.

Je veux conclure en évoquant très rapidement le principal ajustement apporté au texte par rapport à la première version issue de l'Assemblée : je parle du délai de réflexion. Votre commission a fait le choix judicieux d'introduire un délai de réflexion pour le changement de nom dans le cadre de la procédure simplifiée. Vous vous souvenez que nous avions évoqué cette question lors des débats en première lecture.

Il est raisonnable, plus même, il est responsable d'empêcher que le changement de nom se fasse sur un coup de tête car, oui, si cette loi a autant de force, c'est parce que changer de nom n'est pas une broutille. Tout en le simplifiant, il est donc important de donner à cet acte toute la solennité qui convient. Désormais, il faudra donc confirmer devant l'officier de l'état civil, après un délai qui ne pourra être inférieur à un mois, la volonté de changer de nom. Ce délai et cette confirmation soulignent l'importance et la solennité de la démarche de changement de nom. Avec cette modification, je crois que le texte a désormais atteint un équilibre presque parfait.

Vous le savez maintenant, je crois en cette réforme avec vigueur, avec enthousiasme. Elle simplifie la vie de nos concitoyens, elle est logique et surtout elle est juste.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.