Intervention de Didier Paris

Séance en hémicycle du jeudi 3 février 2022 à 9h00
Création du conseiller territorial — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Paris :

Le problème de l'enchevêtrement des compétences entre région et département n'est pas nouveau, loin de là, chacun le sait. Il a probablement été encore accentué par l'instauration des grandes régions, ou même par la loi NOTRE. Il n'est d'ailleurs pas certain que la loi 3DS, que nous voterons la semaine prochaine sur la base du texte de la commission mixte paritaire (CMP), résolve cette difficulté précise, même si elle améliorera nettement les conditions d'exercice de nombreuses politiques publiques.

Nos concitoyens – comment les en blâmer – ont le plus grand mal à identifier le centre des décisions territoriales et ont trop souvent le sentiment que celles-ci n'ont pas d'effet sur leur quotidien. De plus, ils apprécient généralement davantage la politique que le politique, et nourrissent à l'égard de ce dernier un sentiment généralisé de défiance.

Ce sont là quelques-unes des raisons du très grave niveau d'abstention que nous avons connu au printemps dernier. Un tiers seulement des électeurs se sont déplacés, 13 % uniquement chez les jeunes âgés de 18 à 24 ans, ce qui montre suffisamment l'état de crise dans lequel se trouve ce processus démocratique.

Le mode de scrutin des élections régionales et départementales ne fait malheureusement qu'accentuer le problème, que les incroyables défaillances dans la distribution du matériel électoral ont encore aggravé. Les élections départementales se font au scrutin binominal majoritaire ; il est proportionnel avec prime majoritaire et sections départementales pour les régionales. En tant que directeur de campagne de la liste de la majorité présidentielle en Bourgogne-Franche-Comté, j'ai pu constater que nos concitoyens ignorent tout du mode électoral précis, tout comme j'étais moi-même rigoureusement incapable, le soir de l'élection, de deviner combien nous aurions de conseillers dans chaque département, avant que le préfet ait bien voulu finir tous ses calculs.

Alors, que faire ? Nous ne sommes évidemment pas, en tout cas avec ce texte, à la veille d'un grand soir de la réforme territoriale ; cependant l'idée de créer un conseiller territorial doit être inscrite au nombre de nos travaux, même si elle ne résoudra évidemment pas tous les problèmes.

Le thème n'est pas nouveau, chacun le sait. La proposition a été avancée à plusieurs reprises. Recommandée par le comité Balladur, votée sous le gouvernement de François Fillon, la réforme a été abrogée, sans mise en pratique, sous la présidence de François Hollande. Elle n'a donc jamais été concrétisée, jamais plébiscitée, mais jamais réellement abandonnée non plus. En son temps, de nombreuses critiques lui furent opposées, et sans doute sont-elles encore d'actualité : le risque d'instituer une tutelle des régions sur les départements et de cantonaliser les régions ; la complexité technique de son application ; le risque de rendre la pratique institutionnelle assez confuse, d'autant qu'elle provoquerait un problème d'identité des collectivités territoriales.

Cependant, la proposition de résolution du groupe MODEM a le mérite de reposer les questions centrales et lancinantes de l'intérêt de nos concitoyens pour l'action publique et de leur bonne compréhension des rouages qui la gouvernent. Les réponses passent nécessairement par une meilleure incarnation des responsables politiques territoriaux et donc, pourquoi pas, par un rapprochement des conseillers départementaux et régionaux.

L'excellent rapport de Stéphane Travert, déposé en conclusion de la mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale, présidée par Xavier Breton, ne tranche pas, mais il nous invite à réfléchir au moins au rapprochement des modes d'élection des conseillers régionaux et départementaux, tout en reconnaissant que cela doit ouvrir la voie à une nouvelle réflexion sur la possibilité de rapprocher les « figures » du conseiller départemental et du conseiller régional avec la création du conseiller territorial. Nous pouvons reconnaître que ce dernier peut être un facteur de lutte contre l'abstention, améliorer la lisibilité de l'action publique et la coordination de la décision politique, et sans doute mieux incarner ce que doit être un décideur local.

Même si un travail complémentaire de réflexion plus globale est sans doute nécessaire, la proposition de résolution « invite le Gouvernement à mener les réflexions nécessaires à l'harmonisation des modes de scrutin aux élections départementales et régionales et à en tirer la conséquence par la création du conseiller territorial qui siégerait dans les deux assemblées ». Dans ces conditions, il n'y a pas de raison sérieuse de ne pas la suivre ; le groupe LaREM, que j'ai l'honneur de représenter devant vous, la votera.

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