Intervention de Emmanuelle Wargon

Séance en hémicycle du lundi 31 janvier 2022 à 16h00
Mal-logement

Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement :

« Gouverner, c'est d'abord loger son peuple » affirmait l'abbé Pierre, comme l'a rappelé Mme Mathilde Panot – il est normal que nous fassions tous référence à lui lors un débat sur le mal-logement. Ce sujet est à la fois une préoccupation forte des Français et – je le réaffirme – l'une des priorités d'action de ce gouvernement. Deux jours avant la publication du rapport annuel de la Fondation Abbé-Pierre sur le mal-logement, c'est aussi un sujet d'actualité. Je salue le choix de votre assemblée d'avoir inscrit cette question majeure à l'ordre du jour.

Soyons clairs : la priorité de ce gouvernement est de bien loger son peuple et d'assurer à chacun l'accès à un logement digne.

Pour cela, nous avons lutté depuis 2017 contre les multiples visages du mal-logement. Nous menons cette lutte pour ceux qui sont en situation de fragilité dans leur logement, c'est-à-dire pour ceux qui vivent dans un logement insalubre, victimes de marchands de sommeil, ou qui sont en situation de précarité énergétique. Nous menons cette lutte pour ceux qui sont sans abri ou en hébergement d'urgence, et qu'il faut accompagner dans leur parcours vers le logement. Enfin, nous soutenons autant que possible le développement d'une offre de logements abordables, en premier lieu en matière de logement social et très social.

Nous avons, d'abord, mené des actions très concrètes pour améliorer les conditions de vie dans le logement. Sous ce quinquennat, nous nous sommes attaqués aux logements insalubres et dégradés et aux marchands de sommeil qui les exploitent.

Dès 2018, avec la loi ELAN, nous avons pris des dispositions essentielles contre les marchands de sommeil qui étaient trop longtemps restés dans une quasi-impunité. Nous les frappons désormais au portefeuille en confisquant systématiquement leurs biens. Nous avons instauré l'obligation pour les syndics et les agences immobilières de signaler toute suspicion d'agissements de marchands de sommeil. Personne n'avait eu le courage d'une telle action jusqu'à présent.

Nous avons également choisi de prendre à bras-le-corps le sujet de l'habitat indigne. Nous avons créé une police unique de l'habitat, simplifiant ainsi les procédures – je salue le travail mené par le député Guillaume Vuilletet sur ce sujet.

Notre action a des effets très concrets : depuis 2017, 700 millions d'euros ont été engagés par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et ont permis le traitement de 62 000 logements indignes. À chaque fois, grâce à cette mobilisation, des vies sont changées.

L'État accompagne aussi, avec les moyens et effectifs nécessaires, la ville et la métropole de Marseille suite au drame de la rue d'Aubagne en 2018. J'étais à Marseille ce matin même pour constater avec les élus les progrès dans la mise en place de dispositifs d'intervention opérationnels pour le centre-ville.

Nous nous sommes également souciés des copropriétés dégradées. Le plan Initiative copropriétés que nous avons lancé en 2018 prévoit un budget de 2,7 milliards d'euros pour dix ans ; 500 millions ont déjà été engagés par l'ANAH en trois ans pour réhabiliter près de 100 000 logements.

Nous agissons parallèlement contre un autre visage de l'indignité, celui de la précarité énergétique. En effet, près de 5 millions de logements sont des passoires énergétiques. Pour en finir avec cette situation intolérable, nous misons sur la rénovation énergétique massive de nos logements : c'est le combat que j'ai mené comme secrétaire d'État à l'écologie hier et que je poursuis comme ministre du logement aujourd'hui.

Pour cela – et je suis fière de le revendiquer – nous avons mis en place une aide unique, plus simple, plus lisible et plus juste : MaPrimeRénov', qui connaît un succès incontestable depuis 2020. Comparée au crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) qui lui préexistait, cette aide se concentre davantage sur les ménages aux revenus modestes et les fait sortir durablement de la précarité énergétique.

En 2021, près de 660 000 dossiers ont été engagés, pour un montant de plus de 2 milliards d'euros. Sur cette somme, près de 1,3 milliard d'euros bénéficie à des ménages aux revenus modestes. Je suis fière de défendre le bilan de cette politique au nom du Président de la République et du Gouvernement.

Nous sommes loin des objectifs incantatoires de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte voulue par le gouvernement socialiste précédent, qui posait un principe sans dégager aucun moyen. Nous agissons au plus près des Français : en partenariat avec les collectivités locales, nous avons lancé le 1er janvier 2022 un service public de la rénovation de l'habitat, France Rénov', qui est unique et simple d'accès. Ce sera un lieu d'accueil, où trouver une écoute et des réponses, dans le but d'améliorer l'habitat, notamment afin de soutenir les Français pour les projets de rénovation les plus ambitieux.

Parallèlement, nous avons accompli des avancées majeures dans la lutte contre les passoires thermiques grâce à la loi « climat et résilience ». Nous avons interdit la mise en location de ces passoires à partir de 2025, pour les logements classés G, et 2028 pour les logements classés F selon un calendrier échelonné et en fondant ces interdictions sur un nouveau diagnostic de performance énergétique opposable. Nous avons rendu obligatoire un audit lors de la vente de maisons qui sont des passoires thermiques et les plans pluriannuels de travaux pour les copropriétés. Notre gouvernement a eu le courage d'instaurer des règles qui changeront le quotidien des Français et qui les accompagneront pour sortir de la précarité énergétique, améliorer leur confort et gagner en pouvoir d'achat.

À présent, je veux évoquer l'action menée par le Gouvernement en matière d'accès au logement des personnes sans abri. Il faut dire les choses très clairement, loin de toute exagération et de toute polémique politicienne. On estime que plus de 300 000 personnes sont sans domicile fixe en France, mais cela ne veut pas dire que 300 000 personnes dorment dans la rue, car la très grande majorité est hébergée : 200 000 personnes le sont dans l'hébergement généraliste, chaque soir, et 100 000 personnes le sont dans le cadre du dispositif national d'accueil pour les demandeurs d'asile.

Une estimation, qui sera actualisée grâce au recensement mené par l'INSEE cette année, montre qu'environ 10 000 personnes dorment dans la rue chaque soir ; c'est évidemment 10 000 personnes de trop. C'est pour elles que je me bats chaque jour. De tels chiffres nous obligent, collectivement, à l'humilité et à la plus grande détermination. C'est avec détermination que nous avons augmenté le budget dédié à l'hébergement et à l'accompagnement vers le logement, d'un montant de 1 milliard d'euros entre le dernier budget du quinquennat de François Hollande et le dernier budget de cette législature.

Avec ces moyens exceptionnels, nous avons mené une action sans précédent en matière de mise à l'abri. Nous avons augmenté de 50 % le nombre de places d'hébergement d'urgence pour atteindre 200 000 places au printemps 2021. Nous avons surtout mis fin à la gestion au thermomètre, qui conduisait à fermer des places d'hébergement d'urgence dès qu'il faisait un peu moins froid pour les rouvrir à l'automne suivant. C'est une avancée historique qui était attendue par les acteurs du secteur ; en effet, nous devons cette protection aux personnes en été comme en hiver.

Nous élaborons la trajectoire pluriannuelle de ces places avec les associations gestionnaires, dont je veux souligner l'engagement quotidien et sans faille au service des personnes en grande difficulté.

Le plan « logement d'abord », qui est opérationnel depuis le début de l'année 2018, témoigne d'un profond changement d'approche. Les résultats sont déjà là. Depuis le début du quinquennat, plus de 330 000 personnes ont accédé au logement depuis la rue ou depuis un hébergement. Pour cela, nous avons créé 32 000 places d'intermédiation locative et 5 000 places en pension de famille. Les attributions de logements sociaux aux personnes issues de la rue ou de l'hébergement ont progressé de 45 % entre 2017 et 2021. Cette politique n'est pas menée par l'État seul, mais avec les quarante-cinq collectivités territoriales engagées à ses côtés dans les territoires où ce plan est mis en œuvre de manière accélérée. Je veux les remercier en rappelant combien elles ont contribué à ces résultats très encourageants.

En outre, nous avons mené une action offensive pour maintenir les ménages dans leur logement en renforçant la prévention des expulsions locatives. Nous avons prolongé à trois reprises la trêve hivernale depuis le début de la crise sanitaire. Nous avons également travaillé avec les préfets pour réduire le nombre d'expulsions, passé de 16 700 en 2019, à la moitié de ce chiffre en 2020. J'ai donné consigne qu'elles se fassent toutes avec une solution de relogement ou, au moins, d'hébergement. Nous avons aussi renforcé la prévention, avec la création d'équipes mobiles pour aller vers les personnes qui ne sollicitaient pas les services sociaux mais qui étaient dans des situations difficiles pour limiter les risques d'expulsion. Nous avons enfin créé un fonds d'aide aux impayés locatifs pour soutenir le Fonds de solidarité pour le logement.

Je voudrais saluer le travail mené avec beaucoup d'humanité par le député Nicolas Démoulin, dont les propositions pour prévenir les expulsions locatives présentées en 2021 ont été précieuses et ont, pour certaines, déjà pu être traduites dans la loi.

Enfin, toute politique de lutte contre le mal-logement doit reposer sur le développement offensif, optimiste, volontariste, d'une offre de logements abordables. Suite à une année 2020 qui a vu la production de logements plonger du fait de la crise sanitaire, nous avons soutenu une relance efficace et rapide de la construction. Les résultats sont là : la construction a repris un très bon rythme : 470 000 permis de construire ont été délivrés en 2021. Malgré un quinquennat marqué par une crise sanitaire inédite, 100 000 permis de construire de plus auront été délivrés pendant ce quinquennat par rapport au quinquennat précédent, n'en déplaise aux Cassandre de gauche comme de droite.

Ce chiffre n'est pas une fin en soi et il ne rend pas compte de certaines disparités : je regrette que la reprise ne soit pas de même ampleur pour le logement collectif et dans les zones tendues et que certaines collectivités ou certaines métropoles ne délivrent que très peu de permis de construire pour des logements collectifs. Elles ont une importante part de responsabilité à l'égard des Français qui attendent un logement et pour l'avenir de notre pays.

Au sein de la construction, je porte bien sûr une attention toute particulière au logement social, où habitent les classes moyennes aussi bien que nos concitoyens les plus modestes. C'est un modèle que je revendique et dont nous pouvons être fiers.

J'ai conclu au début de l'année 2021 un protocole ambitieux avec le mouvement HLM, la Caisse des dépôts et Action logement, qui établit un niveau exceptionnel de 1,5 milliard d'euros d'aides à la pierre sur deux ans pour soutenir la construction de logements sociaux.

Afin d'inciter les collectivités à autoriser les opérations de logement social, le Gouvernement a voulu inscrire dans la loi de finances pour 2022 la compensation intégrale aux collectivités de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pour le logement social pendant dix ans. Il s'agit d'une avancée majeure proposée par François Rebsamen et de nombreux autres élus dans le cadre de la commission que le Premier ministre et moi lui avons demandé de former.

En 2021, si la production de logements sociaux a connu un rebond de 8 % par rapport à 2020, celui-ci n'est pas suffisant. Nous espérions mieux. Certes, cela marque une inflexion positive, mais nous devons poursuivre notre mobilisation. On peut néanmoins noter que la production de PLAI, qui s'adressent à des personnes en situation de précarité, a progressé de 10 %, d'après les données consolidées, par rapport au dernier quinquennat. En outre, la production de PLAI adaptés, à très bas loyers, a plus que triplé depuis 2017.

C'est ce gouvernement qui a proposé, pour soutenir le développement du logement social à long terme, dans le cadre du projet de loi 3DS de pérenniser le dispositif de l'article 55 de la loi SRU et l'obligation faite aux communes de construire des logements sociaux. La commission mixte paritaire réunie sur ce texte se tient en ce moment même. Je voudrais saluer le travail mené par le rapporteur, Mickaël Nogal, et par l'ensemble de la majorité sur ce texte.

Alors que certains proposent la suppression du logement social, nous en avons défendu la pérennisation, avec quelques adaptations, le tout dans un partenariat concret et réaliste avec les élus locaux, de droite comme de gauche.

Enfin, parce que le développement de l'offre de logements abordables et de la mixité sociale passe aussi par le parc privé, je voudrais souligner le fait que nous avons prolongé et rouvert à de nouvelles candidatures l'encadrement des loyers dans le projet de loi 3DS. Nous avons également procédé à la refonte du dispositif Louer abordable, qui s'appelle désormais « Loc'Avantages », pour inciter davantage de propriétaires de biens existants à les louer sur le marché locatif à un prix inférieur à celui fixé par le marché pour la résidence principale de ménages dont les revenus sont limités.

Vous le voyez, la lutte contre le mal-logement est un combat que ce gouvernement a mené sur tous les fronts : la lutte contre l'insalubrité et contre la précarité énergétique, la mise à l'abri des personnes sans domicile fixe et leur accompagnement vers le logement, le soutien aux modèles du logement social et du logement abordable.

Les effets de certaines des mesures adoptées pendant ce quinquennat seront appréciés pendant le prochain. Ce combat requiert de la persévérance et de la continuité. Nous y sommes prêts.

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