Intervention de Vincent Ledoux

Séance en hémicycle du vendredi 7 janvier 2022 à 15h00
Accueil des migrants au sein de l'union européenne et réforme du règlement dublin iii

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Ledoux :

L'accélération des migrations de toutes natures est un des faits majeurs de notre temps : il est à la fois un enjeu de souveraineté pour notre nation et un défi pour le projet européen. À rebours des idéologues et des extrémistes de tous bords, il nous faut tracer une approche volontariste, cohérente et positive de la politique migratoire afin que notre pays et l'Union européenne soient des acteurs souverains dans le processus des migrations. Nous ne devons jamais perdre la capacité de contrôle sans laquelle aucune organisation politique n'est légitime. Cela nous impose d'adapter et de renforcer nos outils pour orienter les migrations dans un sens favorable à nos pays comme aux pays d'origine des migrants.

Au plan européen, la révision du règlement Dublin III sera sans aucun doute un des temps forts de la présidence française de l'Union européenne. Il nous faut conserver le principe selon lequel un seul État est responsable de l'examen d'une demande d'asile, même si le demandeur se déplace d'un État vers un autre, tout en prenant en compte le fait que ce système entraîne une charge plus importante pour les pays de première entrée, qui assurent également le contrôle des frontières extérieures. Il nous faut donc dépasser les comportements non coopératifs entre États membres, afin d'améliorer le fonctionnement d'ensemble. Cela permettra de mieux lutter contre les passeurs, de renforcer les frontières extérieures et d'approfondir les partenariats avec les États tiers. Nous devons concilier les objectifs de solidarité et de responsabilité : solidarité envers les États de première arrivée, mais aussi pleine responsabilité de la part de chacun des États ayant un rôle d'examen des premières demandes d'asile.

Depuis septembre 2020, nous disposons d'une base de travail solide, avec la proposition de la Commission européenne qui prévoit notamment une procédure de filtrage aux frontières extérieures de l'Union afin de procéder rapidement à des vérifications d'identité. En complément, le 11 novembre dernier, le Parlement européen a adopté l'accord sur la transformation du bureau européen d'appui en matière d'asile en une agence d'asile européenne à part entière, ce qui permettra d'harmoniser le traitement des demandes d'asile en apaisant les relations entre États membres et en améliorant le taux de reconduite.

Ces avancées européennes me paraissent indissociables d'initiatives nationales destinées à redonner du sens et de l'ambition à notre stratégie migratoire. Alors que nos compatriotes ne perçoivent trop souvent les migrations que sous leurs aspects les plus subis et anxiogènes – la vision de migrants massés aux frontières de l'Europe, ou encore les mineurs non accompagnés à la charge des départements –, l'enjeu est de valoriser et d'activer tous les leviers de migrations aux effets visiblement bénéfiques, tant pour la France que pour les pays d'origine.

En premier lieu, dans les territoires, il faut accélérer la politique d'intégration des primo-arrivants et des bénéficiaires de la protection internationale. Il faut donc accroître la déconcentration de cette politique, sous le pilotage du ministère de l'intérieur, par la mise en place de feuilles de route départementales, avec l'appui de comités associant les services de l'État, les directions territoriales de l'OFII – Office français de l'immigration et de l'intégration –, les acteurs du service public de l'emploi, les représentants des collectivités territoriales, ainsi que les acteurs économiques et les associations. Afin que le temps de l'instruction de la demande d'asile ne soit plus un temps perdu, je propose en outre d'expérimenter des partenariats public-privé pilotés par les préfectures afin de repérer les talents et d'accélérer l'insertion des migrants.

En second lieu, il nous faut activer tous les outils gagnant-gagnant avec les pays d'origine des migrations. Nous devons promouvoir notre politique d'attractivité en faveur des étudiants des pays du Sud, notamment africains, en attirant vers la France les meilleurs étudiants et en leur proposant des cursus adaptés aux besoins de leurs économies dans la perspective du retour. Nous devons également implanter en plus grand nombre des campus français dans les grandes universités des pays du Sud. Il faut également favoriser les migrations professionnelles circulaires en accordant des visas adaptés comme les titres de séjour « passeport talent », et en faisant monter en puissance le dispositif « Jeune professionnel » prévu par des accords bilatéraux avec des États africains partenaires, afin de favoriser les mobilités croisées. Il faut également mieux faire connaître et rendre plus efficaces les dispositifs d'aide au retour pour en faire un véritable accompagnement à la réinstallation et à la réinsertion.

Nous pourrions également orienter une partie des fonds envoyés par les migrants dans leurs pays d'origine vers l'investissement productif, dans un cadre sécurisé permettant de contribuer à des projets bénéficiant par ailleurs d'apports de la part d'investisseurs institutionnels publics ou privés. Au plan européen comme au plan national, il nous faut conduire une politique migratoire qui ne soit jamais subie mais qui soit, au contraire, un levier de coopération internationale. Ce doit être une politique véritablement ambitieuse, avec des bénéfices et des résultats concrets tant pour les migrants que pour nos compatriotes.

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