Intervention de Adrien Taquet

Séance en hémicycle du vendredi 7 janvier 2022 à 15h00
Évaluation des politiques de prévention en santé publique

Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles :

Nous partageons votre volonté, mais il est de notre responsabilité de trouver un modèle économique viable. Les expérimentations en cours arriveront à leur terme en 2023 ou en 2024. Une généralisation devrait pouvoir être envisagée sur cette base.

L'expérimentation « Mission : retrouve ton cap » a porté ses fruits. Dans le cadre de la LFSS pour 2022, l'Assemblée l'a généralisée à la France entière et étendue aux jeunes de 3 à 12 ans, pour un montant de 32 millions d'euros. C'est une excellente nouvelle pour les jeunes sujets au surpoids ou à l'obésité.

Nous savons que les territoires d'outre-mer sont particulièrement touchés par le surpoids et l'obésité, notamment du fait du fait d'une alimentation peu favorable à la santé et d'un manque d'activité physique. M. Ratenon l'a expliqué clairement. Je tiens à lui dire, ainsi qu'aux autres députés d'outre-mer, que le ministère des solidarités et la santé a engagé, en lien étroit avec les acteurs de terrain, l'élaboration d'un volet outre-mer du programme national nutrition santé (PNNS), afin de prendre en considération les spécificités et les enjeux de ces territoires. Le résultat de ce travail sera publié à la fin du premier trimestre de 2022. La Réunion, qui a initié dès 2020 le programme réunionnais de nutrition et de lutte contre le diabète (PRND), sera évidemment partie prenante de cette démarche.

Voilà les premiers éléments de réponse que je pouvais vous apporter. J'aurai l'occasion, au cours de notre discussion, de revenir sur d'autres actions conduites par l'État depuis le début du quinquennat, mais nous sommes avant tout réunis pour échanger sur les dix-huit propositions formulées par les rapporteurs. Je le dis sans détour : rassurez-vous, le Gouvernement est parfaitement en phase avec la grande majorité des recommandations que vous formulez. Certaines rejoignent d'ailleurs celles qui ressortent de la mission confiée par Olivier Véran au professeur Franck Chauvin sur la modernisation de notre santé publique. Permettez-moi, désormais, de revenir sur celles de vos idées qui me semblent particulièrement importantes.

Vous appelez tout d'abord au lancement d'une campagne nationale de prévention, d'information et d'action sur la lutte contre la sédentarité. Cette première proposition me semble déjà satisfaite puisqu'une telle campagne a été conduite en août 2021, portée par un slogan dans lequel nous nous reconnaissons tous : « C'est trop bon de faire du sport ! » Elle a vocation à revenir chaque année, pendant un mois, jusqu'en 2024.

La deuxième proposition de votre rapport porte sur l'addiction aux écrans, un sujet évoqué par plusieurs d'entre vous cet après-midi. Ce fléau touche l'ensemble des Français, en particulier les enfants, notamment – vous l'avez souligné – en cette période de pandémie, marquée par le confinement. Je tiens d'ailleurs à souligner que la santé est aussi au cœur de mon engagement de secrétaire d'État chargé de l'enfance. Je peux aujourd'hui affirmer devant vous – j'y reviendrai peut-être au moment des questions – qu'une feuille de route portant spécifiquement sur l'usage responsable des écrans et une meilleure prise en charge des addictions et des vulnérabilités est en cours de finalisation au sein du ministère des solidarités et de la santé – le ministre lui-même prend d'ailleurs part à ce travail – et que nous nous tenons à votre disposition pour enrichir son contenu avec vos éventuelles suggestions.

La mise en place de tests de capacité physique et de forme pour tous, qui fait l'objet de votre troisième proposition, est actuellement à l'étude. Deux mesures sont en cours de déploiement au niveau local afin de creuser cette idée. Sur le plan pratique, une expérimentation est en cours dans l'académie de Créteil. Elle consiste à faire passer une batterie de tests physiques aux écoliers afin d'adapter la pratique qui leur est proposée et donc peut-être – je le précise à l'intention de Mme Karamanli – de mieux prendre en considération leur avis et leur parole pour l'élaboration de ces programmes. Sur un plan plus théorique – certains orateurs ayant appelé de leurs vœux le développement de la recherche sur ces questions –, une vaste étude est actuellement menée avec le soutien de la Fédération française de cardiologie afin de mesurer la capacité physique des collégiens français sur la base d'une cohorte de 10 000 jeunes. Selon les résultats de ces deux initiatives locales, nous pourrons effectivement être amenés à mettre en place votre recommandation à une échelle plus large.

Unifier les objectifs de la prévention et établir des priorités, ancrer l'éducation physique et sportive dans les apprentissages fondamentaux, enrichir la formation des enseignants sur la pratique du sport ou encore assurer la promotion du sport dans chaque école : comment ne pas partager l'esprit de telles recommandations ?

Bien sûr, nous pouvons débattre des modalités de mise en œuvre de ces objectifs. Les textes de loi sont là pour ça, notamment celui portant sur la démocratisation du sport, que le Sénat examinera dans les prochains jours et qui a été adopté ici, à l'initiative de la majorité parlementaire que je salue. Y figure notamment l'idée – à laquelle je veux vous assurer de notre soutien plein et entier – d'une prise en charge d'un bilan médico-sportif par l'assurance maladie – quatorzième proposition de votre rapport.

À maints égards, la place de l'école, évoquée par nombre d'entre vous, est centrale, dans ce rapport comme dans les politiques menées. La généralisation dans les écoles du dispositif Trente minutes d'activité physique quotidienne, lancé dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, est ainsi en cours. Il ne s'agit pas de l'imposer à toutes les écoles mais de laisser celles-ci y adhérer sur la base du volontariat.

Si, aujourd'hui, plus de 4 000 écoles sont officiellement associées à ce dispositif, ce sont dans les faits plus de 12 000 écoles qui le proposent à leurs élèves. Pour appuyer le développement de cette mesure et en faire la promotion, une circulaire à destination des établissements scolaires est en cours de rédaction par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Votre treizième proposition, par laquelle vous appelez à un renouvellement des cours de récréation des écoles, va être satisfaite. Nous travaillons à de nouveaux référentiels de conception et d'aménagement des établissements scolaires afin de rendre leurs cours et leurs espaces de pratique sportive mieux adaptés à la diversité des jeux et à la motricité, comme vous l'avez préconisé. En bref, il s'agit de faire en sorte que les cours d'école ne soient pas que des terrains de football réservés aux joueurs les plus talentueux – même si le rapporteur, ou plutôt le capitaine Juanico ne serait pas forcément opposé à une telle idée ! – mais également des espaces de pratique sportive accessibles à toutes et à tous.

Le développement des maisons sport-santé, qui fait l'objet de votre dix-septième proposition, est un objectif que nous partageons totalement. Comme je le disais à l'instant, 452 maisons sport-santé ont vu le jour ou ont été labellisées comme telles au cours de cette législature, notre objectif étant d'atteindre les 500 établissements d'ici à la fin 2022. Dans la même logique, l'inscription de ces maisons sport-santé dans la loi permettra de solidifier l'assise juridique de ces structures.

La discussion que nous avons ensemble aujourd'hui est essentielle et le rapport qui nous est présenté permet de l'éclairer de manière précise et rigoureuse. Les chiffres, que vous connaissez, sont vertigineux : selon la Fédération française de cardiologie, depuis quarante ans, les jeunes de 9 à 16 ans ont perdu 25 % de leur capacité physique. C'est donc un fléau et, pour reprendre l'expression du rapporteur, une bombe à retardement.

La pratique sportive et la lutte contre les écrans sont des leviers d'action majeurs. Mais il y en a d'autres, qui se nichent dans le quotidien des jeunes et des moins jeunes. Au ministère des solidarités et de la santé, nous croyons profondément au sport que l'on pratique sans s'en rendre compte, aux mobilités actives et à tout ce qui encourage le mouvement au cours d'une journée. Se déplacer à pied ou à vélo, chaque fois que c'est possible, dès le plus jeune âge, c'est faire du sport sans s'en rendre compte et cela permet d'acquérir des réflexes favorables à la santé tout au long de la vie.

Il s'agit là d'une responsabilité partagée par tous les hommes et femmes politiques que nous sommes parce que le principal frein au développement des mobilités actives dans notre pays a trop longtemps été la crainte de ne pas pouvoir se déplacer de manière autonome et active dans des conditions optimales de sécurité. En la matière, bien sûr, les pratiques sont en train de changer, à l'initiative du Gouvernement, avec par exemple un plan Vélo ambitieux, mais aussi, évidemment, à l'initiative de nombreux élus locaux qui font le choix d'infrastructures sécurisées pour favoriser la marche ou le vélo.

Ce que je dis à propos de la lutte contre la sédentarité vaut bien sûr également à propos de la prévention de la perte d'autonomie. Un déplacement que l'on ne peut pas faire de manière active, en marchant ou en pédalant, passé un certain âge, c'est toujours un pas de plus vers la perte d'autonomie. Vous le savez peut-être, une mission a été confiée au député Jean-Marc Zulesi pour mettre les mobilités actives au service de la prévention de la perte d'autonomie. Cet enjeu est essentiel à l'heure où notre société s'apprête à connaître, vous le savez, une transition démographique majeure, ce qui nous oblige à trouver des solutions pour permettre à chacun de vivre le plus longtemps possible, autonome et en bonne santé.

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