Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du vendredi 10 décembre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Nos discussions sur le budget pour 2022 sont en voie de s'achever, et les plans de communication du Gouvernement se portent bien… le pays, lui, beaucoup moins.

Depuis les bancs de cet hémicycle, j'hallucine toujours autant devant le décalage systématique entre ses déclarations et la réalité que subissent de plein fouet les Français. J'ai entendu mardi, ici même, Bruno Le Maire affirmer fièrement que sa politique de reconquête industrielle fonctionnait ; il a même osé déclarer que, depuis le début de cette crise, il n'avait laissé tomber aucune entreprise, aucun salarié ni aucun entrepreneur. Évidemment, c'est faux ! Je rappelle que 284 000 emplois ont été supprimés rien qu'en 2020 dans notre pays, et que les fermetures de sites industriels se multiplient, comme PPG à Bezons ou encore Bergams à Grigny. Je pense que si Bruno Le Maire allait faire ce numéro de claquettes de vente dans l'une des 1 100 entreprises qui ont subi un plan social en 2020 – soit trois fois plus qu'en année ordinaire –, il ne recevrait pas vraiment le même accueil que devant le fan club qui lui sert de majorité.

Le ministre de l'économie et des finances a pourtant même osé préciser que non seulement sa reconquête industrielle fonctionnait, mais que c'était grâce aux baisses d'impôt et au plan France 2030. C'est encore faux ! Je rappelle que les baisses d'impôts de production sont captées aux deux tiers par les grands groupes et qu'aucun rapport ni aucune étude, même pilotée par France Stratégie, ne montre que cette banale politique de l'offre aurait un effet quelconque sur l'emploi, sur les salaires ou sur l'investissement ; elle ne serait pas pour rien, en revanche, dans l'explosion des dividendes durant ce quinquennat.

Quant au plan France 2030, c'est du pur bluff puisque, sur les 30 milliards annoncés, il n'y a pour le moment pas un euro supplémentaire par rapport à la moyenne des dix dernières années. Par ailleurs, on ne sait toujours pas combien de ces milliards seront comptabilisés en crédits d'impôt ni combien correspondront à des dispositifs anciens. Heureusement que vous avez, monsieur le ministre du budget, mes chers collègues de la majorité, la droite de cette assemblée pour alimenter votre propagande en vous faisant passer pour des dépensiers !

Bruno Le Maire nous appelait, toujours mardi dernier, à être fiers de sa politique économique et des emplois qu'elle aurait créés, se vantant même d'avoir obtenu « le taux d'emploi le plus élevé depuis un demi-siècle en France ». C'est purement n'importe quoi ! Je rappelle que les chiffres, en la matière, sont totalement faussés par le nombre d'emplois à temps partiel et de contrats précaires, sans parler de l'arnaque totale du statut d'autoentrepreneur, puisque, en relevant, dès le début de ce mandat, le plafond de ce que peuvent gagner les autoentrepreneurs, vous en avez multiplié le nombre, ce qui vous permet de vanter des créations d'entreprise imaginaires, qui ne sont en réalité que l'accumulation de travailleurs réduits à travailler à la tâche, comme au XIXe siècle.

Mais le déni n'a pas de limite avec ce gouvernement, puisque Bruno Le Maire nous a, une nouvelle fois, asséné que la France allait très bien, qu'elle avait même « réussi son redressement économique » et que la croissance, prévue à 6 %, serait la meilleure de toute la zone euro. Encore faux ! Je vous rappelle, une fois de plus, que ces 6 % de croissance ne sont qu'un rebond mécanique à la hauteur de la gravité de la crise de 2020 et qu'ils n'effacent en rien les deux ans de pertes de production de richesses, lesquelles vous autorisent d'ores et déjà à menacer le pays de futures réformes structurelles.

Mes chers collègues, monsieur le ministre délégué, vous aurez beau répéter tous les jours votre propagande dans cet hémicycle et sur toutes les chaînes de télé, elle n'en deviendra pas pour autant crédible ou réelle. Le ton de plus en plus martial que vous employez est d'ailleurs à la hauteur de vos mensonges, de plus en plus gros !

Il est vrai que les faits sont douloureux à admettre, mais ils sont là : en cinq ans, votre bilan a produit plus d'inégalités que jamais sous la Ve République ; l'Institut des politiques publiques a même démontré que, sur l'ensemble de votre quinquennat, les 5 % les plus pauvres n'y ont au mieux rien gagné, tandis que les 1 % les plus riches y ont gagné en moyenne 3 500 euros. Oui, madame Verdier-Jouclas, vous êtes les champions du passe… mais du passe-plat pour les riches !

Vous ne pouvez pas ignorer les chiffres, mais vous n'en avez pas honte, parce que vous n'avez honte de rien. Vous continuez la même politique jusqu'au bout, jusqu'au dernier centime du budget, « jusqu'au dernier quart d'heure du mandat », comme dirait Jupiter.

Il y aurait pourtant tant de choses à faire pour se montrer, ne serait-ce qu'un peu, à la hauteur de la crise sanitaire et sociale et des besoins de la bifurcation écologique.

Il y aurait tant à faire, et ce sans même parler des recettes récupérables grâce à la révolution fiscale que j'ai déjà eu largement l'occasion de présenter ici au nom de la France insoumise : 120 milliards d'euros facilement obtenus dès notre premier plan de finances rectificatif en 2022, que nous mettrons en place en reprenant notamment une grande partie des 50 milliards que vous avez attribués aux plus riches.

Il y aurait tant à faire aussi en puisant dans les 700 milliards de capacités d'emprunt mis à disposition de la Banque de France par la Banque centrale européenne et dont vous avez décidé de n'utiliser que moins d'un tiers, et ce, alors même que nous en aurions besoin pour une grande loi d'urgence sociale, un vrai plan d'urgence pour nos hôpitaux, pour nos écoles, pour nos services publics et pour la bifurcation écologique.

Nous n'avons jamais eu autant besoin d'avoir un gouvernement à la hauteur ; pourtant, tout ce dont nous écopons, c'est de vos bons mots et de vos tromperies. Il est urgent de rectifier ces cinq années de budgets catastrophiques, dont les conséquences en matière sociale et écologique ne vont faire que s'aggraver.

Nous voterons donc contre ce PLF, et vous pouvez compter sur nous pour agir dès notre arrivée au pouvoir, dans quelques mois, sous la présidence de Jean-Luc Mélenchon.

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