Intervention de Olivier Dussopt

Séance en hémicycle du vendredi 10 décembre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Présentation

Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics :

Mesdames et messieurs les députés, j'ai plaisir à vous retrouver aujourd'hui pour débuter l'examen, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances (PLF) pour 2022.

Le texte que vous avez voté en première lecture, dernier PLF du quinquennat, finance les grandes priorités établies par le Gouvernement et par l'Assemblée pour les années à venir. Il marque de véritables progrès, dont nous pouvons être fiers : réarmement des missions régaliennes de l'État ; soutien massif aux plus précaires ; investissement dans la jeunesse et dans le futur grâce à la hausse des crédits alloués à l'éducation, à la recherche et à la transition écologique. C'est un beau budget, à la hauteur de nos ambitions et de ce que méritent les Français.

Vous connaissez les engagements du Gouvernement et du Président de la République tenus dans ce PLF : ce quinquennat marque une diminution inédite de la fiscalité des entreprises comme des ménages. Plus de 50 milliards d'euros ont ainsi été rendus aux Français. En la matière, nous n'avons pas dévié du principe qui a toujours guidé notre action : dire ce que l'on fait et faire ce que l'on dit.

Je regrette la décision du Sénat de ne pas poursuivre la discussion budgétaire que nous avions entamée sur la première partie du texte ; en rejetant l'article d'équilibre, il a rejeté le texte dans son intégralité. J'ai cependant confiance dans le fait que cette nouvelle lecture sera l'occasion de nouvelles améliorations.

Nous pourrons perfectionner de manière substantielle ce projet de loi autour de trois priorités. La première est d'affiner les dispositifs de soutien et de protection que nous avons mis en place en sortie de crise. La deuxième est de poursuivre l'accompagnement de l'économie vers la sortie de crise malgré l'incertitude de la situation sanitaire. La troisième est de confirmer le soutien que l'État apporte aux collectivités territoriales ; ce PLF veut marquer l'approfondissement de la coopération étroite avec ces dernières.

Nous abordons cette nouvelle lecture avec l'expérience de notre lutte contre la crise du covid. Nous souhaitons perfectionner certains dispositifs de soutien aux ménages et aux entreprises, qui accompagnent notre pays sur le chemin de la sortie de crise.

Le bouclier tarifaire est un instrument essentiel de protection du pouvoir d'achat de nos concitoyens face à la hausse des prix de l'énergie – je présenterai des amendements afin de le compléter. Je serai ainsi heureux de discuter de la mise en œuvre d'un mécanisme complémentaire au dispositif de bouclier tarifaire déjà existant, qui gèle le prix du gaz et limite à 4 % la hausse des tarifs d'électricité, ainsi que nous nous y étions engagés et bien que la hausse des cours puisse se révéler plus importante que ce que nous imaginions il y a quelques semaines.

Le mécanisme que nous vous proposons, qui complète et enrichit les dispositifs introduits en première lecture, est simple. Dans le contexte exceptionnel de hausse des prix que nous connaissons actuellement, il permet au Gouvernement de déroger au tarif proposé par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour lisser la hausse de prix, éviter les allers-retours des tarifs de l'électricité et mieux protéger les ménages. Les petits fournisseurs pourront bénéficier d'une avance de trésorerie en attendant les compensations tarifaires. Ce mécanisme permettra à nos concitoyens d'aborder avec sérénité la période qui se profile, l'évolution des prix de l'énergie s'annonçant très incertaine.

Le renforcement du bouclier tarifaire conforte l'ensemble des autres mesures déployées dans ce PLF en faveur du soutien au niveau de vie des Français. Pour aider les personnes dans les situations les plus précaires, il a été décidé de maintenir 190 000 places d'hébergement d'urgence tout au long de l'année 2022. Il s'agit d'un record. Les crédits consacrés à l'hébergement d'urgence auront ainsi progressé de 1,8 à 2,7 milliards d'euros entre 2017 et 2022 : cette augmentation est inédite. Ce PLF soutient les plus précaires et encourage le travail, notamment en permettant de défiscaliser et de désocialiser les pourboires versés aux salariés touchant un revenu inférieur à 1,6 SMIC. Je salue l'initiative de la majorité présidentielle sur ce sujet.

Cette majorité a pris sa part de responsabilité dans ce combat. Je considère comme une victoire collective l'adoption d'un amendement prorogeant de deux ans la majoration du plafond de l'avantage fiscal « Coluche », afin d'encourager, en période de sortie de crise, les dons en faveur des organismes d'aide aux plus démunis. Au-delà du pouvoir d'achat, la discussion de ce texte a aussi permis d'assurer la protection des Français à l'égard des risques sanitaires. Ce PLF prévoit ainsi la prolongation jusqu'au 31 décembre 2022 de l'application de la TVA au taux réduit de 5,5 % sur les masques de protection et les gels hydroalcooliques. Il sera d'ailleurs proposé de généraliser cette mesure aux équipements de protection individuelle, et je remercie l'ensemble des députés pour leurs contributions et les améliorations ainsi permises.

Nous portons aussi une attention toute particulière aux dispositifs de soutien à l'égard des entreprises. Nous proposons une avance supplémentaire de 150 millions d'euros à destination des aéroports pour couvrir les dépenses de sûreté et de sécurité de ce secteur rudement affecté par la crise sanitaire. Comme nous l'avons fait pendant la crise, sans manquer à notre parole, nous continuerons de soutenir les secteurs mis en difficulté par l'évolution du contexte sanitaire. Cette avance sera remboursée par la dynamique du transport aérien ces prochaines années.

Le tourisme a, lui aussi, été particulièrement touché par la pandémie : le Premier ministre a annoncé une réponse supplémentaire à ce secteur avec le plan Destination France. Nous proposerons par conséquent d'inscrire les crédits nécessaires au fonds public de garantie des opérateurs de voyages et de séjours.

Pour autant, ces dispositifs ne signifient nullement un retour au « quoi qu'il en coûte ». Face à la crise, nous avons pris des décisions qui relevaient de l'urgence. Nous sommes maintenant dans le temps du sur-mesure. Sans aucunement méconnaître l'extrême nécessité du « quoi qu'il en coûte » au plus fort de la crise, nous sommes revenus à une action publique affinée, plus nuancée et moins coûteuse pour nos concitoyens, sans laisser de côté les mesures nécessaires pour renforcer notre économie.

Nous ciblerons les aides apportées ainsi que les secteurs soutenus. Le Parlement et le Gouvernement ont œuvré de concert pour prolonger certains dispositifs de crise, comme le fonds de solidarité, qui peut être ouvert par décret. Mais sa mise en œuvre se fera au cas par cas, en fonction des besoins économiques et financiers réels des demandeurs, en tenant compte du niveau des coûts fixes. En d'autres termes, ce PLF marque le passage du « quoi qu'il en coûte » au « quoi qu'il arrive », dans la continuité directe de l'amélioration de nos performances en matière de finances publiques.

À ce titre, je suis heureux de rappeler que les prévisions en matière de dette et de déficit pour notre État sont meilleures que celles que nous redoutions en avril 2021. Nous tiendrons notre objectif de 5 % de déficit public en 2022, comme nous nous y sommes engagés au moment de la présentation du PLF en septembre dernier. Pour mémoire, en avril dernier, nous craignions 5,3 % de déficit pour 2022.

C'est le bon équilibre entre le soutien infaillible que nous avons apporté aux acteurs économiques et la préservation des capacités financières de l'État, qui rend possibles les résultats économiques que nous connaissons, lesquels doivent être encouragés dans le cadre d'une sortie progressive des mécanismes de crise.

Le bilan de notre action est incontestablement positif : l'économie française repart avec vigueur et côtoie les sommets européens avec au moins 6,25 % de croissance du PIB en 2021 et 4 % en 2022. La Banque de France prévoit plutôt une croissance pour 2021 de 6,7 %, ce qui entraînerait des recettes nouvelles permettant de réduire le déficit public pour 2021.

Pour nos concitoyens, cet environnement économique exceptionnel a des conséquences très directes : le taux de chômage s'est ainsi stabilisé en dessous de 8 % de la population active, au plus bas depuis plus de dix ans. Le taux d'emploi s'élève, quant à lui, à 67,5 %, niveau le plus élevé depuis 1975, ce qui signifie que nous sommes en passe de réussir notre pari de ramener vers l'emploi des hommes et des femmes qui en étaient durablement éloignés. Nous avons d'ores et déjà atteint l'objectif de retrouver notre niveau d'activité d'avant la crise, que nous nous étions fixé pour 2022.

Avec ce PLF, nous souhaitons encourager et conforter ces résultats économiques. C'est la raison pour laquelle nous vous avons demandé d'adopter les crédits nécessaires au plan d'investissement France 2030, à hauteur de 3,5 milliards d'euros de crédits de paiement (CP) et de 34 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE).

Ces dépenses, ces crédits et ces actions s'accompagnent d'un ambitieux plan d'investissement dans les compétences, clé de voûte d'une croissance durable et aussi inclusive que possible. Ainsi, 15 milliards d'euros ont été mobilisés depuis le début du quinquennat pour développer les qualifications des personnes les plus éloignées de l'emploi ou en situation de handicap, et répondre aux défis de l'économie de demain, en permettant aux entreprises de s'appuyer sur des personnes formées, dont les compétences répondent à leur besoin de compétitivité.

Nous poursuivons nos efforts en faveur des entreprises et de l'innovation. Le PLF pour 2022 voté en première lecture traduisait déjà de grands progrès en la matière. En particulier, le crédit d'impôt en faveur de la recherche collaborative permettra de maintenir une incitation à la sous-traitance des dépenses de recherche auprès des organismes publics malgré la disparition du mécanisme de doublement d'assiette du crédit d'impôt recherche, qui s'éteindra le 1er janvier prochain. C'est la démonstration que nous pouvons trouver des solutions innovantes pour atteindre nos objectifs de politique publique. Je donnerai un avis favorable à l'amendement de la majorité visant à relever le plafond de dépenses éligibles à ce crédit d'impôt « collaboration » ; il va dans le bon sens et permet de franchir une étape en matière de soutien à l'innovation et à la recherche.

Ces aides sont bienvenues pour accompagner notre économie dans sa dynamique de reprise. Elles ne constituent cependant pas un blanc-seing pour la dépense : c'est pourquoi ce PLF prévoit des outils nouveaux en matière de lutte contre la fraude fiscale. Le projet de loi améliore substantiellement l'efficacité des dispositifs de prévention et de contrôle. Il permet de renforcer la lutte contre la fraude fiscale en ouvrant par exemple la possibilité pour les greffiers des tribunaux de commerce d'alerter l'administration fiscale, ou encore en facilitant la détection de la contrebande de tabac dans les colis de l'e-commerce.

Il prolonge également, pour deux années, l'expérimentation visant à rémunérer les aviseurs fiscaux. Pour rappel, ce dispositif a été créé en 2016 afin d'autoriser l'administration fiscale à indemniser ceux qui lui auraient fourni des renseignements ayant amené à la découverte d'un manquement aux règles de fiscalité internationale. L'efficacité de cette action n'est plus à démontrer : au 1er septembre 2021, ils avaient permis le recouvrement de 110,32 millions d'euros de droits et pénalités. Nous souhaitons poursuivre avec ce système, et je salue les travaux de la majorité comme de l'opposition sur ce sujet.

Au-delà de la fraude, j'ai présenté en première lecture plusieurs mesures destinées à mettre fin à des « trous fiscaux », c'est-à-dire des failles de la législation fiscale contraires à nos objectifs de lutte contre les dispositifs d'optimisation fiscale.

Enfin, la nouvelle lecture de ce PLF nous permettra d'ajuster les dispositifs mis en place en faveur des collectivités territoriales, comme depuis le début de ce quinquennat.

Nos discussions permettront de tirer les conséquences d'amendements adoptés en première lecture mais aussi de compléter le montant des garanties constitutionnelles que nous devons aux régions en raison des compétences qui leur ont été transférées. Nous proposerons par exemple d'ajuster la fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui leur revient.

Cette nouvelle lecture nous permet également de préciser les modalités de l'expérimentation de recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) pour les départements qui candidateront avant le 30 juin 2022 et qui entreront dans l'expérimentation au 1er janvier 2023, en cohérence avec l'article 35 du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS).

Elle nous permet enfin de cofinancer avec les régions la formation menant aux diplômes d'infirmiers et d'aides-soignants à hauteur de 139 millions d'euros en autorisations d'engagement et 39 millions d'euros en crédits de paiement. Cette mesure forte et symbolique nous permet d'accompagner et d'améliorer la formation des professions médicales, auxquelles nous devons tant.

Ce budget est juste et sérieux, il traduit nos résultats et conforte notre politique. Il permet d'investir dans la croissance future et soutient les grandes orientations du quinquennat comme les mesures prises face aux crises que nous avons rencontrées depuis. La nouvelle lecture de ce PLF doit donner l'occasion de poursuivre nos efforts et de consolider les dispositions que nous proposons. Je vous remercie des travaux menés en commission des finances et dans cet hémicycle, depuis le début de l'examen de ce texte.

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