Intervention de Brahim Hammouche

Séance en hémicycle du jeudi 2 décembre 2021 à 21h30
Financement de la transition écologique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrahim Hammouche :

Ce n'était pas une critique, monsieur le rapporteur !

Le vocabulaire utilisé, notamment sur le caractère supposément austéritaire des règles en vigueur, le montre bien, et nous ne pouvons y souscrire. Mais au-delà de ce débat sémantique, nous avons avec vous des désaccords de fond avec vous, et nous entendons les assumer.

Chers collègues, des règles budgétaires sont indispensables au sein d'une zone monétaire, notamment pour une question de stabilité financière et de bon fonctionnement de la politique monétaire, comme l'illustre bien l'aléa moral constitué par la crise de la zone euro et la crise des dettes souveraines qui en est la conséquence. Nous vous rejoignons sur le constat de l'inadaptation des règles actuelles. Le cadre maastrichtien souffre de nombreux défauts. Il prend mal en compte les déséquilibres structurels, pourtant tout aussi dangereux que les déséquilibres budgétaires pour la pérennité de la zone euro, comme le montre le cas de l'Espagne. Le caractère procyclique du cadre actuel est regrettable, de même que sa complexité.

Plus encore, le monde de la covid-19 n'est plus le monde de Maastricht.

L'environnement économique actuel est tout d'abord marqué par la très forte hausse des niveaux d'endettement public dans les pays européens. Si l'endettement moyen des États membres de la zone euro était de 66 % de leur PIB en 2007, il est désormais proche de 100 %. Cette moyenne cache de plus de très fortes disparités : la dette italienne atteint 160 points de PIB alors que la dette allemande est inférieure à 70 points de PIB et devrait rapidement retrouver la barre des 60 points. Une partie des pays fortement endettés sont ceux qui ont le plus souffert de la crise des dettes souveraines, avec des stigmates permanents sur leur appareil productif, mais aussi de la crise de la covid-19, en raison de la forte dépendance de leurs économies vis-à-vis du tourisme international.

Il faut aussi souligner la déconnexion entre niveau de dette et coût de cette dernière pour les finances publiques, en raison de la baisse structurelle des taux d'intérêt observée dans les pays développés. Ce contexte de taux bas réduit l'efficacité de la politique monétaire et réhabilite l'importance de la politique budgétaire dans la stabilisation de l'économie.

La zone euro sort renforcée de la crise de la covid-19. Nous avons su apprendre de nos erreurs de 2008-2009 et bâtir une faculté de relance, de résilience, vraiment européenne, avec un endettement commun. Nous actons pour la première fois – c'est historique – la nécessité de transferts budgétaires entre les États du cœur de la zone euro et les États de la périphérie, davantage fragilisés par la crise de la covid-19.

Nous sommes aussi d'accord avec vous pour affirmer que la transition énergétique nécessitera d'importants financements. Et je crois pouvoir dire que nous avons fait en la matière de nombreux progrès, notamment dans le développement des actifs « verts », comme les obligations assimilables du Trésor vertes, domaine dans lequel la France est en pointe, ou encore dans la dévolution de 34 milliards d'euros du plan France relance à la transition énergétique. Peut-être devrions-nous aller plus loin encore, notamment dans la pénalisation des actifs « bruns ». Nous pouvons et nous devons agir pour le verdissement de notre système financier et pour sa mobilisation durable en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique.

Les étoiles, chers collègues, sont alignées pour une réforme du cadre budgétaire de la zone euro : prise de conscience de son inadaptation, création de Next Generation EU et nouvelle coalition en Allemagne nous permettent de l'espérer.

La réforme que vous nous proposez ne nous semble pas prioritaire. D'abord, elle apparaît à de nombreux égards comment une fausse bonne idée, notamment en raison de la difficulté de définir ce qu'est un investissement « vert ». Ensuite, d'autres réformes nous apparaissent plus déterminantes pour le futur de la zone euro : remplacement des critères de déficit et de dette sur le PIB par une cible de dette, création d'un dispositif d'assurance des dépôts dans le cadre de l'union bancaire, finalisation de l'union des marchés des capitaux ou encore véritable surveillance, avec des pénalités, des déséquilibres macroéconomiques.

Nous souhaitons enfin formuler une proposition ambitieuse. Pérennisons Next Generation EU et finançons ensemble, avec un endettement commun, les dépenses d'investissement pour faire face à la transition énergétique. Nous sommes tous ensemble face au changement climatique, répondons-y ensemble ; c'est ensemble que nous avancerons.

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