Intervention de Boris Vallaud

Séance en hémicycle du lundi 22 novembre 2021 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

Voilà deux ans, à l'automne 2019, les députés du groupe Socialistes et apparentés présentaient un plan d'urgence pour l'hôpital et pour l'autonomie. Après des années d'efforts demandés à l'hôpital et au personnel soignant, comme d'ailleurs aux assurés sociaux, notre pays était venu à bout de la dette sociale et avait retrouvé les moyens de la solidarité. Mais nous avions aussi, manifestement, atteint un point de rupture, avec une charge de travail par personnel qui devenait insoutenable, avec des fermetures de lits qui dépassaient les seules nécessités du virage ambulatoire, avec une organisation et une gouvernance de l'hôpital de plus en plus contestées qui avaient fini par tenir les soignants éloignés des patients, avec une tarification à l'activité qui avait fini par n'être plus que la caricature d'elle-même et avec un sous-investissement manifeste et désormais chronique qui appelait une réaction prompte et énergique.

Après dix-huit mois de grèves et de crise dans les hôpitaux, alors que déjà nous attendions la grande loi sur l'autonomie dont nous savons désormais qu'elle n'arrivera pas, et que vous n'aviez de promesse que celle de la réforme des retraites, dont nous savons désormais que vous la voulez dure pour les plus faibles, il était temps d'agir pour l'hôpital. Vous avez décidé de ne rien faire – ou si peu ! –, rejetant, sans autre forme de débat que le mépris pour vos oppositions, nos propositions d'augmentation forte de l'ONDAM, de réforme de la tarification, de reprise de la dette des hôpitaux et de relance de l'investissement, de recrutement et d'augmentation des rémunérations.

Vous rejetiez aussi la perspective d'un financement de ces efforts de solidarité par la réaffectation d'une part des ressources destinée jusqu'alors à la CADES : plus de 6 milliards d'euros par an, 48 milliards d'euros de 2020 à 2027, pour améliorer les conditions de travail de tous les personnels hospitaliers, pour ouvrir des lits dans les hôpitaux, en aval des urgences, et pour recruter les personnels qualifiés dont nos EHPAD ont cruellement besoin.

À la veille de la covid, nous faisions une proposition politique simple, lisible, financée et susceptible d'un consensus républicain large. Agnès Buzyn, pour sa part, nous avait fait la leçon, avant de déserter. Il aura donc fallu une crise sanitaire d'une ampleur inédite pour que les soignants commencent d'être entendus avec le Ségur. C'est bien, mais tant reste à faire encore !

Des milliers de lits ont continué de fermer pendant la crise elle-même, les conditions de travail des soignants demeurent très difficiles partout en France, les aides-soignants, les infirmières et les médecins manquent, les services souffrent et parfois ferment, comme ces dernières semaines à Laval, à Lillebonne, à Rennes, à Moissac, à Montauban, à Voiron, au Mans, à Reims, à Châtellerault, à Bayeux, à Ambert, à Draguignan, à Bastia, à Bézannes ou à Aire-sur-l'Adour : partout en France, les déserts médicaux s'étendent et les maires appellent à l'aide. Au congrès des maires, ils ont sonné l'alarme : la République, nous disaient-ils, ne passe plus par chez nous.

Ce PLFSS peut désormais faire la somme de vos retards, de vos renoncements, et même de vos mesures sans vision ni ambition. On trouve dans le texte quelques mesures que nous soutiendrons, comme le prix plancher pour les services d'aide à domicile ou le remboursement de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) jusqu'à 25 ans. Nous voterons l'automatisation de la complémentaire santé solidaire (C2S) pour les allocataires du RSA, les expérimentations d'accès direct aux professionnels de santé ou les dispositions relatives à la prise en charge des séances chez un psychologue mais, en retour, nous ne pouvons que relayer ici les mots des fédérations de patients et de professionnels de santé : vous n'êtes pas à la hauteur des enjeux pour ce qui concerne l'accès aux soins, le reste à charge des plus fragiles ou la santé mentale qui, après les assises annoncées avec tambour et trompette, demeure le parent pauvre de votre bilan.

Ces mesures sont de bien faibles progrès. La liste de vos renoncements est longue. Ni grande loi sur l'autonomie, ni réforme systémique et juste des retraites, ni engagement structurel sur l'hôpital, ni vraie réforme de la tarification, ni réflexion sur la gouvernance, ni remise en cause d'un ONDAM qui ne dit plus rien des politiques de santé, ni mesures fortes sur l'installation des médecins : votre projet de loi esquive les vrais débats, ceux de la crise que nous venons de traverser et qui nous a ramenés à l'essentiel – la centralité de l'homme, le primat de la vie sur toute autre considération et le caractère inextricable de l'homme et de la nature.

En somme, votre texte ne construit aucune politique globale de santé au service d'une société du soin. Il ne fait que constater que les déficits se creusent, que le budget de la sécurité sociale est en déséquilibre grave et que vous n'avez pas mis à contribution ceux qui le peuvent, que c'est à l'avenir que vous réservez les mauvaises nouvelles. Que les Françaises et les Français sachent désormais que demain leur sera dur. Vous voterez seuls ce projet, comme vous aurez gouverné seuls depuis cinq ans.

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