Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du lundi 22 novembre 2021 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

Aujourd'hui, monsieur le ministre – je m'adresse à Olivier Véran –, nous entamons une nouvelle lecture du budget de la sécurité sociale, et une fois de plus, vous chercherez à démontrer coûte que coûte que vous n'avez jamais autant investi dans la santé. Tous les artifices seront au rendez-vous : vous mettrez de côté l'inflation ; vous mettrez de côté les économies réalisées les années passées ; vous mettrez de côté l'augmentation et le vieillissement de la population ; vous mettrez de côté tout ce qui rend votre plan ridiculement faible, alors que pour maintenir à flot l'hôpital et le système de santé dans son ensemble, il faudrait un investissement massif et structurel dans l'assurance maladie. Les soignants sont abattus. Ils ont fait preuve d'abnégation, de dévouement et de sacrifices durant de longues années ; or tout ce que vous avez à leur offrir, ce sont des mensonges et de l'hypocrisie. Ce n'est pas en arrivant tout sourire, monsieur le ministre, avec un chèque de 1,7 milliard d'euros pour éponger les frais supplémentaires liés à la crise du covid, que vous nous rassurerez.

Structurellement, les hôpitaux continuent d'être saignés, et le système de santé est à bout de souffle. Chaque jour apporte son lot de mauvaises nouvelles : la fermeture des urgences de nuit à Moissac, dans le Tarn-et-Garonne, la fermeture à deux reprises, en trois mois, des urgences de nuit de l'hôpital Maillot à Briey, en Meurthe-et-Moselle, un nouveau désert médical à Nieul-le-Dolent, en Vendée, après le départ du dernier médecin – la liste est longue ! Derrière ces fermetures et ces départs, des vies sont en jeu.

Vous affirmez que vous augmentez le nombre de personnels formés, mais la réalité est un cercle vicieux fait de départs et de turnover. Tous les témoignages le confirment. Sabine, une infirmière à l'hôpital Nord de Marseille, se dit désabusée : « Nous voyons partir des piliers du service, des anciens. Il y a une immense fatigue, et l'usure de devoir former sans arrêt les nouveaux collègues. » Charlotte, une infirmière de 26 ans qui a démarré sa carrière en pleine crise du covid, témoigne : « Énormément de gens ont quitté l'hôpital parce qu'ils ont été dégoûtés de ce qui s'est passé avec le covid. En maternité, les trois quarts des sages-femmes se mettent en libéral ; elles ne veulent plus travailler à l'hôpital. Je suis diplômée depuis un an et demi, et j'ai envie de quitter l'AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris). » Une médecin en pédiatrie au centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes relate : « Aujourd'hui, j'avais six enfants à hospitaliser, mais je n'avais plus de lits ni dans l'hôpital, ni même dans le département. » À l'Institut mutualiste Montsouris, la moitié des lits de médecine interne sont fermés depuis la rentrée, ainsi que 30 % des capacités de l'ensemble de l'hôpital. « En vingt ans de carrière, je n'ai jamais vu ça », reconnaît une docteure en médecine interne. L'équipe d'infirmières est passée de huit titulaires avant la crise à deux aujourd'hui : « c'est le cercle vicieux de la désaffection », ajoute-t-elle.

Alors que nous réitérons nos alertes depuis le début du mandat, et qu'aucun retour à la normale n'a jamais eu lieu, les services de l'État commencent enfin à se réveiller. Dans le Grand Est, l'ARS a déclaré l'état d'urgence, en raison du manque de personnel. La solution proposée : former plus et mieux – telle est la devise ! Mais, monsieur le ministre, c'est une fausse bonne idée. Qui dispensera les formations, alors que les services manquent de personnel ? Ne savez-vous pas que, pour former des stagiaires, des aides-soignants ou des infirmiers, il faut du temps ? Résultat : les stagiaires sont mal accueillis, mal formés et maltraités, par manque de temps ; ils font le travail de soignants au lieu d'apprendre la profession. Au mieux, ils changent d'avis une fois diplômés et partent vers d'autres métiers ; au pire, ils ne terminent pas la formation. Ne parlons pas de Parcoursup pour l'entrée en institut de formation en soins infirmiers, qui ferme la porte à des futurs « super-infirmiers », mais qui l'ouvre à des personnes qui ne sont absolument pas faites pour ce métier. Non, tout le monde ne peut pas pratiquer ces beaux métiers ! Non, il n'est pas donné à tout le monde d'exercer dans le soin ! Stoppez cela rapidement !

Enfin, je ne vous apprendrai rien, monsieur le ministre, sur les conditions de formation des externes et des internes en médecine – vous faisiez grève, à votre époque, pour les dénoncer.

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