Intervention de Jean-Paul Mattei

Séance en hémicycle du vendredi 5 novembre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Gestion des finances publiques ; transformation et fonction publiques ; crédits non répartis ; régimes sociaux et de retraite ; remboursements et dégrèvements ; gestion du patrimoine immobilier de l'État ; pensions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Mattei, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Le compte d'affectation spéciale "Gestion du patrimoine immobilier de l'État" mutualise les recettes provenant des ventes de biens immobiliers de l'État afin de financer des acquisitions et des opérations importantes dites « du propriétaire ».

Le projet de loi de finances estime les recettes du CAS à 370 millions d'euros en 2022, dont les trois quarts devraient provenir du produit de cessions, le quart restant correspondant aux recettes issues des redevances et des loyers. Cette estimation est identique à celle de l'an dernier en raison du report de projets de cession inaboutis en 2021 et de la difficulté d'anticiper avec précision quels biens seront vendus, la date de leur cession et le montant des recettes. Pour ce qui est des dépenses, il est demandé des crédits de paiement s'élevant à 420 millions d'euros et des autorisations d'engagement d'un montant de 370 millions d'euros. En conséquence, un solde négatif de 50 millions d'euros est anticipé pour le CAS, ce qui impliquera de puiser dans sa trésorerie. Au 1er janvier 2021, celle-ci s'élevait encore à 785 millions d'euros.

Les dépenses du CAS sont portées par le programme 723 Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État, le seul à être abondé puisque le CAS ne contribue plus au désendettement de l'État depuis que le législateur en a décidé ainsi dans la loi de finances pour 2017. Les dépenses annoncées sont en hausse par rapport à ce que prévoyait la loi de finances pour 2021 : ainsi, 85 millions d'euros d'AE et 145 millions de CP supplémentaires sont demandés. Cela s'explique par le montant et le nombre des opérations structurantes programmées. Par opération structurante, j'entends les projets d'acquisition, de construction, d'agrandissement ou de remise à neuf.

Le CAS participera ainsi à plusieurs grands projets immobiliers : « Quai d'Orsay 21 », destiné à rénover le site historique du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ; création, sur le site de Saclay, d'un pôle d'excellence scientifique de dimension internationale regroupant organismes de recherche, grandes écoles, universités et entreprises privées ; projet du ministère de la transition écologique visant à restructurer les locaux de Saint-Mandé qui accueillent les opérateurs de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), Météo-France ou le service hydrographique et océanographique de la marine ; construction de la Cité du renseignement à Saint-Ouen pour le ministère de l'Intérieur ; enfin, l'achat d'une parcelle dans le futur centre hospitalier universitaire Grand Paris-Nord, CHU de dernière génération et d'envergure internationale qui remplacera notamment les hôpitaux Bichat et Beaujon.

Si je me réjouis du rôle joué par le CAS dans ces grands projets immobiliers et dans de nombreux autres chantiers plus modestes, je m'inquiète des conséquences de ceux-ci sur sa pérennité dans les prochaines années. On peut en effet s'interroger sur l'utilité de certains grands chantiers ministériels cofinancés par le CAS qui n'ont pas été révisés à l'aune du développement du télétravail et de la déconcentration administrative dans les territoires, comme celui du « Quai d'Orsay 21 ». Ainsi, malgré le rôle qui lui est confié, le CAS n'occupe finalement qu'un rôle marginal dans la politique immobilière de l'État, celle-ci restant portée par les programmes ministériels, y compris pour les dépenses importantes dites « du propriétaire ».

À ce propos, il suffit de le comparer au poids qu'occupent le programme 348 Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants, dont le budget demandé pour 2022 est de 266 millions d'euros sur une enveloppe pluriannuelle de 1 milliard d'euros, ou la mission "Plan de relance" dont le volet dédié à la rénovation énergétique des bâtiments publics est doté de 2,7 milliards d'euros. Cette situation résulte de l'étroitesse des recettes du CAS, qui reposent sur une mutualisation des produits des cessions. C'est pourquoi je suis favorable à une diversification de ses sources de financement par le biais de valorisations alternatives des biens immobiliers appartenant au domaine.

Dans le prolongement de cette idée, je suis logiquement opposé aux recommandations du rapport de la commission sur la relance durable de la construction de logements, présidée par François Rebsamen, qui compromettraient encore davantage les recettes du CAS en lui faisant supporter une péréquation, voire une compensation des pertes de recettes consécutives à l'application de la décote dite Duflot pour les administrations occupantes. J'avais contribué, dès 2018, à réformer cette décote pour corriger les effets d'aubaine qu'elle créait.

J'ajouterais un dernier mot sur la pénurie des matériaux et la hausse du prix des matières premières. Cette situation fait craindre un dérapage budgétaire des projets immobiliers de l'État, à commencer par ceux financés par le CAS mais aussi ceux retenus dans le cadre de l'appel d'offres du plan de relance. Plus généralement, je m'inquiète de la capacité des entreprises, notamment des PME, à répondre à la demande de l'État dans ce contexte.

En conclusion, je vous invite à adopter les crédits de ce compte d'affectation spéciale. Je voudrais également remercier M. Raphaël Cazaux pour son aide précieuse.

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