Intervention de Bernard Perrut

Séance en hémicycle du jeudi 21 octobre 2021 à 9h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Perrut :

Après quatre lois de financement de la sécurité sociale décevantes, la crise des gilets jaunes – dont l'ombre continue de planer avec la hausse des tarifs de l'énergie et désormais du carburant –, les manifestations régulières des soignants et une crise sanitaire inédite, le dernier budget de la sécurité sociale du quinquennat offrait l'occasion de rattraper tous les manquements passés : nous l'espérions du moins. Force est pourtant de constater qu'il ne se trouve pas à la hauteur de nos attentes, même si un certain nombre de mesures vont dans le bon sens.

Regardons d'abord les chiffres. Si le déficit de la sécurité sociale sera cette année moins lourd que prévu, grâce aux effets combinés de la sortie de crise sanitaire et de la reprise économique, il reste toutefois abyssal ; aucun plan de financement solide n'est prévu pour le résorber. Cela ne peut signifier qu'une chose : encore et toujours, nous générons de la dette, qui pèsera sur les générations futures.

Ainsi, en reportant de 2024 à 2033 l'extinction de la CADES, financée par la CSG et la CRDS, vous augmentez les impôts des Français durant neuf années supplémentaires ! Jean-Pierre Door a très bien parlé à ce sujet de bombe à retardement, de non financement des mesures et, finalement, de soins à crédit.

Au-delà de ces légitimes considérations comptables, ce budget ne prévoit pas les réformes structurelles que nous attendions. Alors que la crise sanitaire a fait ressortir l'importance de l'accompagnement des plus vulnérables, les mesures financières restent bien loin du big bang tant souhaité par les acteurs du secteur. Après de nombreux rapports consacrés à la question, après la nomination d'une ministre déléguée chargée de l'autonomie, ici présente, et dont je salue la volonté, la loi sur la dépendance promise depuis maintenant trois ans ne sera jamais présentée ; vous n'avez eu de cesse de la reporter, en dépit de son urgence.

Or aider nos aînés à vivre dignement, repenser leur autonomie, doit constituer une préoccupation majeure au sein du pacte social. Ce ne sont pas 10 000 soignants supplémentaires pour 7 500 EHPAD, soit un tiers temps de plus par établissement et par an, qui assureront l'accompagnement dans la dignité des personnes âgées en perte d'autonomie. Il est indispensable de promouvoir une nouvelle vision du vieillissement. Nous devons renforcer la prévention tout au long de la vie, encourager le maintien à domicile, inventer des solutions intermédiaires de logement afin que l'établissement médicalisé devienne le dernier recours, soutenir le secteur des services à la personne, rendre plus attractifs ses nombreux emplois non délocalisables ; en somme, adapter la société tout entière, de manière positive, au vieillissement de la population. C'est cela que nous attendons !

Concernant le secteur médico-social, ni l'extension aux sages-femmes et aux aides-soignants des accords du Ségur de la santé, ni la revalorisation de l'aide à domicile ne peuvent se substituer à de véritables réformes de fond. Les moyens financiers ont certes le mérite d'exister, mais ils ne règlent pas tout : les soignants réclament plus de considération, des perspectives de carrière, de meilleures conditions de travail.

Madame la ministre déléguée, monsieur le ministre délégué, je suis convaincu que vous entendez les revendications des associations confrontées à une pénurie sans précédent de professionnels, avec des conséquences graves pour l'accompagnement des personnes handicapées, qu'elles se trouvent en établissement ou à domicile. Les conditions de travail se dégradent, notamment par manque de reconnaissance et de revalorisation des métiers concernés, si bien que les démissions se multiplient dans l'indifférence générale.

Parmi les lacunes du projet de loi, on note aussi l'absence de mesures concernant les retraites : une réforme de plus reléguée au programme du futur candidat à la présidence de la République.

Je souhaiterais également aborder le sort réservé aux familles, grandes perdantes de ce budget. Le détricotage de notre politique familiale continue. Alors que le nombre de naissances s'effondre depuis 2014, vous avez réduit de 8,5 % la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) et désindexé les prestations familiales, sans rétablir l'universalité des allocations. Les mesures prises en matière de pensions alimentaires et le récent allongement du congé paternité ne suffisent pas. Nous devons relever le plafond du quotient familial à 3 000 euros, revaloriser chaque année les prestations au niveau de l'inflation, prolonger le crédit d'impôt pour frais de garde jusqu'aux 12 ans de l'enfant, réformer le congé parental. La politique familiale constitue un investissement pour l'avenir ; nous devons proposer des réponses plus fortes !

Concernant l'organisation de notre système de santé, nous mesurons l'ampleur des besoins, et combien il doit être tenu compte de chaque territoire. Ne conviendrait-il pas d'instaurer un objectif régional de dépenses d'assurance maladie, l'ORDAM, afin d'y décliner les grandes orientations définies par l'État ? Ne faudrait-il pas un nouvel acte de décentralisation de notre politique de santé, en vue de privilégier la proximité avec des régions et autres collectivités promues au rang de véritables partenaires, ce qui permettrait d'adapter nos réponses ? La région Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple, serait prête à travailler avec vous, monsieur le ministre délégué, dans le cadre d'une cogouvernance avec l'agence régionale de santé (ARS), dont je salue au passage l'efficacité. Notre objectif n'est-il pas que chacun trouve le bon soin au plus près de chez lui et au bon moment ?

En conclusion, ce budget repose malheureusement, comme le précédent, sur de nouvelles dettes et sur des estimations aléatoires. Quant aux avancées, n'ont-elles vraiment aucun rapport avec certaines perspectives politiques ? Je n'ignore pas, madame la ministre déléguée, monsieur le ministre délégué, que vous n'êtes pas responsables de tout, que la crise sanitaire n'est certes pas de votre faute : c'est pourquoi j'attends beaucoup de l'examen du texte en séance.

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