Intervention de Pierre Dharréville

Séance en hémicycle du jeudi 21 octobre 2021 à 9h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Les quelques mesures inscrites dans le budget sont bien loin des besoins identifiés dans le rapport Libault. La hausse de 6 % sera en grande partie absorbée par les revalorisations du Ségur. Les 10 000 personnes supplémentaires en EHPAD sont à rapporter au nombre des établissements : 7 500. Vous nous présentez une bande-annonce mais nous ne sommes pas certains que vous prévoyiez un long-métrage ensuite, d'autant plus que la branche sera financée à 90 % par la CSG – c'est à dire par les salariés et les retraités, les employeurs ne contribuant qu'à hauteur de 6 %, au travers de la contribution solidarité autonomie (CSA). Cela témoigne d'une fiscalisation croissante de la sécurité sociale, tandis que vous refusez nos propositions de financement. Enfin, où est le grand service public de l'autonomie dont nous avons besoin ? La situation est critique pour de nombreuses personnes, leurs aidants et leurs familles. Il n'y a donc pas de quoi, à nos yeux, chanter comme un oiseau sur la cinquième branche.

Vous prévoyez quelques mesures en matière de médicament. La période nous a éclairés, s'il le fallait, sur le comportement des big pharma et sur la marchandisation de la santé qui s'étend dans ce secteur, avec des prises de bénéfices parfois faramineuses et en partie sponsorisées par la sécurité sociale. On ne peut pas en rester là. L'encouragement donné aux hôpitaux de produire des médicaments lorsqu'ils le peuvent dans leurs pharmacies, à condition de leur en donner véritablement les moyens, est une bonne chose. Le pôle public du médicament que nous imaginons s'appuie sur leurs capacités. Mais il faut aller plus loin dans cette direction et nous ne voyons pas poindre cette ambition, alors même que les grands laboratoires externalisent tout en étendant leur emprise.

Je profite de l'occasion pour évoquer la possibilité d'un développement par des acteurs académiques de médicaments biologiques innovants, comme les CAR-T, à des coûts bien plus raisonnables que dans les laboratoires.

J'ajoute encore qu'il faudrait s'engager fortement pour une autre vision des brevets. Le choix – enfin ! – d'introduire dans la fixation des prix un critère de localisation de la production est une mesure de bon sens, que nous avons défendue, avec d'autres, depuis longtemps. Il faudrait, là encore, compléter la palette et agir plus fort face aux pénuries. Au passage, le décret sur la transparence concernant les aides publiques versées aux laboratoires est très insuffisant. J'espère enfin que vous consentirez à taxer les short liners qui se placent sur des segments particuliers pour réaliser des marges.

Nous devons dire les interrogations qui sont les nôtres quant aux décisions concernant le recours aux orthoptistes, un sujet sur lequel les concertations n'ont pas abouti ; le risque d'une expertise médicale à deux vitesses ne saurait s'installer. Nous constatons par ailleurs la multiplication de centres dentaires ou optiques qui ont une pratique industrielle des actes médicaux, loin de toute logique de prise en charge, de soin, de suivi. En un mot, ils font de l'abattage à des fins de profits. Madame la présidente de la commission, vous avez vous-même constaté des actes non seulement inutiles mais mutilants, pratiqués dans certains de ces centres ; ceux-ci jouent de la vulnérabilité de certains patients et du surplomb que peut parfois conférer le savoir médical. La réaction publique n'étant pas au rendez-vous, vous avez déposé un amendement pour y remédier.

Ces abus découlent de la marchandisation de la santé et, si la pratique collective – notamment celle des centres de santé – doit être soutenue, les logiques financières sont tout simplement à bannir. Il faut, d'une part, se donner des outils de régulation et de contrôle adaptés, et mieux encourager, d'autre part, les véritables centres de santé en lien avec les municipalités, le mouvement mutualiste et le service public hospitalier.

Je voudrais enfin évoquer la situation de nombreux services et hôpitaux qui se voient appliquer les mesures destinées à lutter contre les abus de l'intérim médical. Est-il utile de préciser que nous n'aimons pas beaucoup ce système coûteux, qui aboutit à des inégalités salariales peu défendables ?

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