Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du jeudi 21 octobre 2021 à 9h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

De ce point de vue, si le texte comporte des mesures bienvenues en faveur de l'accès aux soins, comme la prise en charge de la contraception jusqu'à 25 ans ou l'accès facilité à la complémentaire santé solidaire, elles n'apportent que des réponses minimes au phénomène de désertification médicale.

Les manquements du texte sont finalement plus nombreux que ses apports.

Ainsi, il ne comporte aucune mesure nouvelle pour la psychiatrie alors que 30 % des postes de praticiens sont vacants. Aujourd'hui, la psychiatrie ne séduit plus les étudiants, compte tenu du niveau des salaires et de la détérioration des conditions de travail. Or depuis 2020, les besoins sont immenses. Nous n'aurons pas de plan ambitieux sur la santé mentale d'ici la fin du quinquennat et nous le regrettons.

Nous ne pouvons pas non plus nous satisfaire des annonces du Président de la République concernant le remboursement des consultations de psychologue, qui feront l'objet d'amendements du Gouvernement sur ce texte. Celles-ci court-circuitent les négociations en cours, sans prendre en compte les attentes et les inquiétudes des professionnels. Les parcours proposés, mettant le généraliste au cœur du dispositif, sont trop lourds et inadaptés aux besoins des patients. Les tarifs des consultations sont trop faibles pour attirer les psychologues dans le dispositif. Les expérimentations menées jusqu'ici n'ont pas convaincu les professionnels : seuls 5 % des professionnels éligibles y ont participé. Nous craignons que le dispositif proposé soit mal calibré et passe à côté de l'objectif de rendre la psychologie accessible à tous.

L'autre grand défi qui nous attend, et sur lequel le projet de loi n'apporte des réponses qu'en partie satisfaisantes, concerne le soutien à l'autonomie. La cinquième branche reste une coquille vide. Faute d'un financement suffisant elle est déjà en déficit.

Nous ne pouvons pas faire reposer le financement de cette branche sur la seule CSG : cela revient à faire contribuer essentiellement les salariés et les retraités, ce qui va à l'encontre de l'esprit de la Sécurité sociale. Nous avons besoin de financements nouveaux, pour prendre en charge ce risque dépendance dont le coût va s'accroître de manière exponentielle dans les années à venir. Notre groupe proposera donc à nouveau la mise en place d'une contribution sur les donations et successions supérieures à 150 000 euros.

Mais d'ores et déjà nous regrettons le véhicule législatif choisi. Y consacrer quelques mesures dans une LFSS, au lieu d'une grande loi dédiée, révèle une logique financière au détriment d'une vision d'ensemble et d'une politique globale de l'autonomie. Une telle politique suppose une reconnaissance des métiers : nous n'avons jamais autant manqué de personnel et le risque de rupture de l'accompagnement et des soins n'a jamais été aussi important.

Plus que jamais nous devons apporter une attention à ces métiers du lien, à ces personnels qui accompagnent les plus vulnérables dans leur quotidien et dont le dévouement rompt la spirale de la solitude. Comment accepter plus longtemps ce paradoxe, qui consiste à si mal rémunérer et à si mal reconnaître des métiers pourtant indispensables à la survie de notre société, des métiers invisibles, peu considéré et pourtant essentiels ?

Malheureusement, je crains que les mesures contenues dans le projet de loi soient insuffisantes au regard des besoins réels. Ainsi, vous annoncez 10 000 recrutements en cinq ans, alors que les besoins sont estimés à 200 000, d'autant qu'aucun recrutement ne sera financé en 2022.

Vous souhaitez créer un tarif plancher de 22 euros pour les services d'aide à domicile : dont acte, mais il est inférieur au coût de revient, qui est de l'ordre de 25 euros, et cette annonce ne suffira pas à relancer l'attractivité du métier. À ce sujet, nous regrettons que la proposition d'un complément « qualité » se fasse par voie d'amendements et nous proposerons que ce tarif plancher soit revalorisé annuellement.

Enfin, vous proposez de porter à au moins deux jours le temps de présence du médecin coordonnateur dans chaque EHPAD, alors que les textes le prévoient déjà pour tous les EHPAD de 45 places au moins, soit l'immense majorité.

Je veux enfin dire un mot des mesures positives contenues dans ce texte.

Nous accueillons favorablement la généralisation du recours au service de recouvrement des pensions alimentaires, ainsi que la création d'un service d'information unique au niveau national pour la gestion de l'allocation personnalisée d'autonomie. C'est un premier pas pour lutter contre les inégalités territoriales. Notre groupe se réjouit de l'adoption par la commission de notre amendement tendant à ce que la prestation de compensation du handicap soit intégrée, et nous espérons que ce vote sera confirmé en séance.

Nous accueillons aussi favorablement les mesures relatives aux indépendants, mais nous proposerons des ajustements afin que le statut de conjoint collaborateur puisse être conservé au-delà de cinq ans s'il est soumis à des règles de cotisations plus sécurisantes.

Des annonces fortes étaient également nécessaires dans le domaine des médicaments. Les tensions d'approvisionnement et les ruptures de stock se sont amplifiées ces dernières années. Les mesures contenues dans le projet de loi vont dans le bon sens – je pense par exemple à la prise en compte de l'empreinte industrielle dans la fixation des prix des produits de santé, qui vise à encourager la relocalisation de leur production en Europe.

Nous proposerons, quant à nous, que la limite des stocks de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur ne puisse être inférieure à quatre mois de couverture des besoins, pour limiter les pertes de chances et les interruptions de traitements.

Madame et monsieur les ministres délégués, je ne peux pas nier les efforts budgétaires consentis dans le présent projet de loi, et ce compte tenu du peu de marges de manœuvre dont nous disposons après deux années de crise sanitaire et économique. Néanmoins, il nous apparaît qu'à ce stade le PLFSS pour 2022 est davantage un projet de reconduite qu'un projet de rupture, à la hauteur des attentes et des défis.

Nous ferons des propositions pour améliorer l'accès aux soins, le financement de l'hôpital public et pour une véritable politique de l'autonomie mais, en l'état, le groupe Libertés et territoires n'apportera pas son soutien à ce projet de loi.

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