Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du jeudi 21 octobre 2021 à 9h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 — Présentation

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

Nous voici donc réunis pour un moment important de l'année, puisque vous allez examiner et, je l'espère, voter le budget pour la sécurité sociale pour l'année 2022. C'est le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS – du quinquennat, mais non le moindre car, si nous regardons le considérable chemin parcouru, nous ne relâcherons pas nos efforts maintenant, bien au contraire. Il y a devant nous encore de beaux projets et de belles conquêtes.

Vous connaissez la situation des comptes sociaux : c'est peu dire qu'elle a déjà été meilleure. Il y a deux ans, nous étions proches d'un équilibre si longtemps attendu et espéré. Mais la pandémie mondiale est passée par là et a exigé une action publique très ambitieuse et une intervention publique à des niveaux jamais égalés, parce que, oui, l'État social a répondu présent pour offrir la meilleure protection à tous les Français, aux soignants comme aux soignés, aux travailleurs comme aux retraités, aux entreprises comme aux salariés, aux parents comme aux enfants, aux personnes bien portantes comme aux malades.

Au début du quinquennat, nous voulions construire les fondations de l'État providence du XXIe siècle. Ce projet politique s'est heurté à la force des circonstances et d'un choc historique. Aujourd'hui plus que jamais, nos systèmes de solidarité et de santé sont regardés pour ce qu'ils sont : les piliers d'une grande nation dans laquelle les hôpitaux accueillent chacun, quel que soit son prénom, quel que soit son statut, quels que soient ses revenus.

Notre protection sociale n'est pas qu'une grande machine assurantielle, elle n'est pas qu'un agrégat de tableaux sophistiqués et de mesures techniques accessibles à un cercle restreint de spécialistes. Notre protection sociale est une réponse aux défis d'aujourd'hui et de demain, qui relèvent non pas de ceux qui agitent les plateaux de télévision et qui ne regardent que peu la vie réelle des Français, mais de ceux qui se manifestent parfois dans l'urgence, souvent dans la détresse et toujours dans les morsures du quotidien. Nous ne parlerons pas d'autre chose dans les jours et les semaines qui viennent, et c'est tant mieux.

Si la crise sanitaire a engendré 33 milliards d'euros de dépenses exceptionnelles en 2020 et 2021 et des déficits historiques, la situation apparaît aujourd'hui plus favorable. Le déficit prévisionnel ne serait plus que, avec tous les guillemets qui s'imposent bien sûr, de 22 milliards d'euros en 2022, soit une amélioration de 14 milliards d'euros. Soyons clairs, ce n'est pas la fin de la crise. Il y a quelques heures, j'étais ici même, lorsque les parlementaires ont voté le texte portant diverses dispositions de vigilance sanitaire prolongeant la possibilité d'appliquer des mesures de lutte contre la circulation du virus jusqu'à l'été prochain. Nous ne sommes pas à la fin de la crise, donc nous devons rester très vigilants. Si des conséquences économiques peuvent également se faire sentir très longtemps, la dynamique est celle d'un début de sortie de crise et ce texte doit nous aider à nous projeter dans l'après-crise.

Le PLFSS tire les enseignements de la période que nous affrontons, laquelle a démontré le rôle central non seulement de l'hôpital, mais plus largement de la sécurité sociale, je viens de l'évoquer. La réponse n'est pas moins de droits ou plus de droits mais, en quelque sorte et pardonnez-moi ce barbarisme, « mieux de droits ».

Par ailleurs et cela n'aura échappé à personne – du moins, je l'espère –, nous avons engagé un réinvestissement massif dans notre système de santé dans le cadre du Ségur de la santé avec 12,5 milliards d'euros en 2020 : 10 milliards pour revaloriser les carrières de ceux qui soignent et 2,5 milliards pour l'investissement physique. Contrairement à ce que j'entends parfois et je tiens là encore à être très clair, aucune économie ne sera faite sur le dos de l'hôpital public. En revanche, nous voulons tirer profit de ce qui a fonctionné pendant la crise et pérenniser des innovations qui semblaient hier trop audacieuses mais qui sont désormais bien installées dans la vie des Français et des professionnels de santé.

Je pense, par exemple, au numérique en santé avec la téléconsultation et le télésoin, puisque nous sommes passés presque du jour au lendemain de 10 000 téléconsultations par semaine à plus de 1 million pendant la crise. Je souhaite que cette pratique perdure et qu'elle apporte une réponse – elle n'est évidemment pas la seule – au problème épineux, complexe et ancien des déserts médicaux. En effet, c'est une réponse pertinente : entre une téléconsultation et l'absence de consultation, mon choix est fait. Je pense également à l'articulation entre l'assurance maladie obligatoire et les complémentaires. L'expérimentation du télésoin au plus fort de la crise a aussi montré l'efficacité d'une prise en charge à 100 %, déterminante pour le succès rapide et massif de cette solution.

C'est d'ailleurs dans ce cadre, et pour réfléchir à une meilleure manière d'exercer nos droits, que le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) a été chargé de penser à des évolutions potentielles. Le rapport de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), publié en septembre dernier sur les comptes de la santé, nous apprend que la France est le second pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) où les frais de gestion du système de santé sont les plus élevés, derrière les États-Unis où, comme vous le savez, le système est quasiment intégralement privatisé. Ainsi, 40 % des frais de gestion proviennent des organismes complémentaires, alors qu'ils pèsent pour 12 % dans les dépenses de santé. D'où la réflexion qui a été ouverte ; mais réflexion ne fait pas propositions.

Je l'ai dit en préambule, ce PLFSS a beau être le dernier du quinquennat, il contient des ambitions majeures, comme celle d'apporter des réponses concrètes à nos concitoyens en perte d'autonomie, parce qu'il faut regarder en face la réalité du grand âge et prendre à bras-le-corps ce bouleversement démographique sans précédent. La société française vieillit, nous le savons, ce n'est pas une projection vague ni abstraite, c'est déjà ici et maintenant. Dans toutes les familles de France et de Navarre, c'est un sujet de préoccupation parce qu'un parent ou un grand-parent qui perd son autonomie, c'est toute une organisation à penser ou à repenser. Le PLFSS comporte donc plusieurs mesures visant à renforcer la lisibilité et la qualité de l'offre à domicile, parce que pouvoir vieillir chez soi est l'une des premières aspirations de nos aînés.

J'ai entendu certains ici douter de l'engagement du Gouvernement et de la majorité sur la question de l'autonomie. Avec ce PLFSS, nous démontrons, une fois encore, qu'il n'en est rien. Depuis la création de la cinquième branche votée à l'été 2020, les engagements nouveaux pour l'autonomie représentent 3,5 milliards d'euros : 2,8 milliards pour des revalorisations salariales, 200 millions pour les services à domicile, 70 millions pour la médicalisation des EHPAD et leur modernisation et 450 millions pour l'investissement dans les EHPAD. En moins de deux ans, malgré la crise du covid-19, nous aurons réussi à créer une véritable cinquième branche, qui avait pourtant été promise en 2008 dans cet hémicycle par un de mes prédécesseurs. Brigitte Bourguignon et moi-même l'avons fait.

Nous n'esquivons pas la question de l'accès aux soins qui reste notre priorité et le fil rouge de mon action. Qui dit accès aux soins, dit également accès au traitement. Or, si cela passe par un meilleur financement de l'innovation et de la sécurité d'approvisionnement, il faut aussi responsabiliser les laboratoires, en continuant de baisser les prix sur les produits les plus amortis pour éviter les phénomènes de rente, ou en étant plus exigeant sur les ruptures de stock. Le PLFSS prévoit ainsi de consacrer 300 millions pour faciliter l'accès sur tout le territoire à des molécules onéreuses, afin que celui-ci ne soit pas conditionné à la santé financière de l'hôpital qui les délivre, tout en continuant d'intégrer des économies sur les produits de santé.

Les débats donneront l'occasion d'aller encore plus loin dans beaucoup de domaines et sur des sujets dont la crise a prouvé qu'ils étaient parfois d'une envergure insoupçonnée, comme c'est le cas de la santé mentale dont nous n'avons jamais autant parlé. Je m'en réjouis car elle a trop longtemps été le parent pauvre de la politique de santé. Qu'il s'agisse de l'accès direct et remboursé à des psychologues ou de l'entretien postnatal pour prévenir la dépression postpartum, lors du débat, le Gouvernement aura l'occasion de vous présenter des réponses concrètes.

Nos discussions nous permettront également, à votre initiative, d'aborder autant de sujets concrets et vecteurs de transformations, comme la régulation des centres de santé pour lutter contre les pratiques dévoyées de certains et pour mieux reconnaître l'action positive de la majorité d'entre eux. À cet égard, je remercie la présidente de la commission des affaires sociales pour ses apports dans le cadre de l'examen du texte en commission. Je pense également à l'expérimentation de l'accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes afin d'envisager des coopérations plus fructueuses entre professionnels au service des patients. Nous aurons tous ces débats. Dans un pays qui, parfois, doute de ses forces et se dénigre, nous rappelons qu'avoir une certaine idée de la France, c'est avoir, hier, aujourd'hui et demain, une certaine idée de la protection sociale.

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