Intervention de Anne-Laure Blin

Séance en hémicycle du jeudi 7 octobre 2021 à 15h00
Création d'un ticket restaurant étudiant — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Laure Blin, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

…le problème des quelque 200 000 à 500 000 étudiants qui ne bénéficient pas d'un service de restauration à tarif social. La proposition de loi adoptée par le Sénat et le texte identique que j'ai moi-même déposé à l'Assemblée visent à combler le déficit de présence des CROUS sur les territoires. Tous les étudiants, du fait de leur statut, peuvent accéder s'ils en ont la possibilité à de la restauration à tarif social modéré, mais, vous l'avez dit, madame la ministre, vous l'admettez : il existe bel et bien des zones blanches.

Vous répondez que le problème va trouver une solution rapide avec vos conventionnements. Pourtant, ces conventionnements existent déjà ! Relisez le code de l'éducation, est-il besoin de vous le suggérer ! Preuve en est : alors même que la proposition de loi n'est pas votée, 183 établissements sont agréés ou conventionnés – vous l'avez dit vous-même. Des lycées, des collèges et des cantines d'établissements ouvrent déjà leurs portes aux étudiants.

Madame la ministre, avez-vous regardé de près la liste des conventionnements qui m'a été communiquée à peine quelques heures avant la réunion de commission ? Il n'en existe absolument aucun pour six des vingt-six CROUS de France, et pas des moindres : Antilles-Guyane, La Réunion, la Corse, Paris, Nice, Toulon, Poitiers, La Rochelle. Je peux aussi citer l'académie de Limoges, qui n'est dotée que d'un établissement conventionné ; celle de Reims, qui en dénombre seulement deux ; celle d'Auvergne, qui n'en compte que quatre. Pensez-vous sérieusement qu'en l'espace de quelques semaines, vous arriverez à combler ce déficit ? Vous avez annoncé des conventionnements au Sénat au mois de juin, mais, en près de six mois, on en compte à peine dix supplémentaires, qui ne sont même pas encore une réalité pour les étudiants.

Avez-vous regardé sur cette liste l'éloignement géographique entre les sites de restauration et les sites universitaires ? À Pontarlier, l'aller-retour dure 50 minutes ; à Mende, 40 minutes et à Saumur, une heure. Vous le voyez bien, mes chers collègues, cette solution ne résoudra pas le problème des zones blanches. Par ailleurs, malgré toutes les annonces et les grandes opérations de communication, les étudiants boursiers qui étudient dans des sites éloignés ne bénéficient pas et ne bénéficieront pas du repas à 1 euro.

Chers collègues, vous avez décidé de faire de ce sujet d'importance un sujet politique – c'est votre choix. Pourtant, lorsque j'ai déposé ma proposition de loi à l'Assemblée comme tandis que j'y travaillais avec les sénateurs Pierre-Antoine Levi et Jean Hingray – que je remercie infiniment pour leurs travaux –, notre volonté était d'avancer de manière totalement transpartisane, sans arrière-pensées politiques, dans un état d'esprit uniquement positif, pour répondre à des attentes et à des difficultés clairement identifiées par tous les acteurs universitaires.

Notre idée était de créer un titre-restaurant étudiant, sur le modèle, on ne peut plus simple, de ceux que les entreprises proposent aux salariés. Ce titre permettrait d'accéder à une offre alimentaire diversifiée, en restauration commerciale comme dans les commerces de distribution alimentaire ou assimilés, dès lors que les étudiants sont éloignés de l'offre de restauration universitaire. Il s'agit donc d'un dispositif très pratique et facile d'utilisation.

Il est tellement simple à déployer que certains CROUS, sous la houlette et selon la volonté de votre ministère, ont créé pendant le premier confinement, en à peine soixante-douze heures, des cartes de paiement destinées aux étudiants qui en avaient besoin pour acheter des produits alimentaires et de première nécessité. Sans oublier, madame la ministre, que vous avez sollicité des partenaires privés, durant la crise, pour établir des titres alimentaires, au profit de plusieurs universités. Pourquoi ce qui a été possible hier à votre initiative ne le serait plus aujourd'hui parce qu'il s'agit de notre proposition ?

Pendant l'examen en commission, plusieurs arguments ont été opposés à la création du ticket restaurant étudiant. Permettez-moi d'insister dès maintenant sur quelques points, même si nous y reviendrons certainement pendant la discussion.

Tout d'abord, il s'agit de créer un dispositif qui n'entre absolument pas en concurrence avec les CROUS et qui ne les fragilise pas puisque le titre-restaurant n'entrera en vigueur qu'en l'absence d'offre de leur part. La mesure concerne les territoires dans lesquels le CROUS n'est pas présent, à savoir des villes de petite ou de moyenne taille, afin de permettre l'application du tarif social. Non seulement elle sera donc limitée, mais elle sera complémentaire de ce qui existe déjà.

Ensuite, le dispositif proposé concernera tous les étudiants, particulièrement les boursiers, qui ne bénéficient pas du repas à 1 euro, et les étudiants des classes moyennes, qui ne perçoivent aucune aide.

En outre, contrairement à ce que vous avez affirmé, il ne s'agit pas d'un chèque en blanc. Le système du titre-restaurant, plébiscité par les salariés français, garantit que la dépense servira bien à l'alimentation.

Ainsi, le dispositif que je vous proposerai tout à l'heure de rétablir – je défendrai un amendement en ce sens afin de permettre une adoption conforme avec le Sénat – a un objectif éminemment pratique. Il est équilibré et ne fera aucunement concurrence aux CROUS, puisqu'il cible les zones sous-dotées ; il offre une solution prête à l'emploi qui s'appuie sur les CROUS, qui en seront les émetteurs, avec le soutien des grands concepteurs de titres, lesquels disposent dès à présent de l'ingénierie pour créer un tel moyen de paiement ; la mesure est financée, puisqu'elle est soit cofinancée par l'étudiant à hauteur du montant qu'il acquitte dans les CROUS, soit par le fonds national des aides ponctuelles de chaque CROUS, pour les étudiants qui n'en auraient pas les moyens.

Mes chers collègues, je l'ai dit en commission, après le travail important fourni par le Sénat, nous avons l'occasion de voir aboutir nos travaux parlementaires. En adoptant la proposition de loi conforme, nous aurons la garantie de la voir entrer rapidement en application, ce que nos étudiants attendent et nous demandent. Pensez à eux en votant : il y va de leur bien-être et de leur avenir !

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