Intervention de Céline Calvez

Séance en hémicycle du mercredi 6 octobre 2021 à 15h00
Conforter l'économie du livre et renforcer l'équité et la confiance entre ses acteurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCéline Calvez :

Il y a quarante ans, la loi Lang instaurait le prix unique du livre. Nous en mesurons encore aujourd'hui les effets sur la diversité éditoriale, mais aussi sur la densité du maillage du territoire par les librairies. Elles sont près de 3 500 en France et forment un réseau dynamique, comme en témoignent les ouvertures récentes par des salariés en reconversion professionnelle, un phénomène qui s'est accru avec la crise sanitaire.

Mais rappelons-nous aussi que la loi Lang était une nécessité pour rétablir l'équité entre les acteurs.

Les librairies étaient en effet concurrencées par de grandes surfaces qui ne distribuaient que les livres à succès tout en pratiquant des prix plus bas.

La proposition de loi visant à conforter l'économie du livre et à renforcer l'équité et la confiance entre ses acteurs doit, de la même façon, nous permettre de rétablir l'équité sur le marché du livre entre, d'une part, les libraires qui ne peuvent se développer en ligne en raison de frais de port très élevés, qu'ils offrent ou sont contraints de facturer à leurs clients, et, d'autre part, de grandes plateformes de vente en ligne qui facturent à un centime la livraison de livres – ce qui est sans doute moins que le coût de revient pour l'entreprise, d'ailleurs.

Il est vrai que ces entreprises respectent aujourd'hui la loi du 8 juillet 2014, qui a interdit la gratuité de la livraison. Mais reconnaissons-le : ce dispositif a été contourné et se révèle d'autant plus insuffisant que la part des achats de livres sur internet a été multipliée par dix en vingt ans.

Cette proposition de loi, en instaurant un montant minimum de frais d'envoi, permettra de répondre à ce besoin d'équité.

Nous encouragerons ainsi le retour des consommateurs dans les librairies, qui sont des commerces mais aussi des lieux d'échange et de culture. En cette année où la lecture est grande cause nationale, il faut aussi inciter à se rendre en librairie, et lever ainsi des freins psychologiques d'accès à la culture.

Bien sûr, tous les Français n'habitent pas au-dessus d'une librairie, nous le savons, même si nous savons aussi qu'une majorité de ceux qui commandent en ligne sont bien à proximité d'une librairie.

Nous devons donc encourager celles et ceux qui n'ont pas de librairie près de chez eux à envisager d'autres formes de commandes. Notre idée est de les inciter à recourir, plutôt qu'aux grandes plateformes, aux sites des libraires indépendants qui proposent une livraison à domicile. Ces sites existent, encourageons-les, encourageons les libraires à les ouvrir. Certes, tous les libraires ne souhaitent pas développer la vente en ligne – certains nous l'ont dit. Mais à tous ceux qui le souhaitent, nous garantissons qu'ils ne subiront pas de distorsion de concurrence.

En commission, la semaine dernière, nous avons adopté deux amendements identiques des groupes LaREM et Dem, qui prévoient que le Gouvernement remette un rapport, dans les deux ans, sur les effets de ce dispositif sur le marché du livre, le réseau de détaillants et l'accès du public à l'achat de livres. Nous mesurerons ainsi les effets réels de ce dispositif de tarification minimum, mais aussi les effets de bord ou les pratiques de contournement qui pourraient se développer.

Certaines de ces dernières peuvent d'ores et déjà être anticipées ; nous y reviendrons dans nos débats afin de bien expliciter la volonté du législateur.

L'important, aujourd'hui, c'est d'agir : nous avons vu combien les libraires ont su s'adapter, mais nous avons aussi constaté leur fragilité.

Nous n'avons jamais autant parlé des libraires qu'en 2020. Cette période de crise sanitaire nous a permis de prendre conscience de la force du lien qui unit les Français et leurs libraires. La baisse du chiffre d'affaires a été limitée, le soutien du Gouvernement a été sans précédent. Les expéditions de livres par les libraires ont explosé durant les deux mois au cours desquels l'État a pris en charge les frais d'expédition : l'augmentation a été de 500 % en novembre 2020 par rapport à novembre 2019.

Nous agissons donc, même si cette proposition de loi ne résoudra pas tout. Je salue Mme Laure Darcos, présente dans les tribunes cet après-midi : elle est à l'origine de cette proposition de loi bienvenue, qui permet de réaffirmer le soutien des Français, du Gouvernement et des parlementaires aux 3 500 libraires indépendants ainsi qu'à l'ensemble des lecteurs. C'est une proposition de loi qui permet à chacun de choisir : au libraire, de décider s'il veut ou non faire de la vente en ligne ; au lecteur, de choisir de soutenir les libraires indépendants ou d'acheter son livre sur une plateforme de vente en ligne.

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