Intervention de Sébastien Chenu

Séance en hémicycle du mardi 5 octobre 2021 à 15h00
Interdiction des pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Chenu :

Être libre, libre de vivre comme on l'entend, et pas dans un placard, libre de vivre avec qui l'on veut, libre de donner une reconnaissance officielle à tout engagement de vie, être libre et respecté : c'est finalement notre rôle de législateur, défenseur des libertés, que nous allons exercer. La liberté, c'est exactement le contraire de : « Ça marche tout seul. » C'est l'obligation de choisir et d'aménager, disait Marcel Gauchet. Alors, nous allons choisir et aménager le droit, en nous penchant sur ce que sont les thérapies de conversion, ce qu'elles provoquent, leurs conséquences et, finalement, montrer en quoi, dans un État respectueux des libertés individuelles, elles sont inacceptables.

Entendons-nous : l'homosexualité, si elle est fort heureusement une liberté, n'est en aucun cas un choix, et n'a pas à être corrigée. Le choix, c'est simplement celui de la vivre, de l'assumer, mais pas de se déterminer en fonction d'aléas extérieurs, comme on choisirait le menu dans un restaurant. Cette liberté doit donc être protégée et nulle part en France il ne devrait être possible de la nier ou de la négocier.

Bien entendu, cette liberté est remise en cause par la hausse du nombre d'actes homophobes visant à lui porter atteinte, mais elle est aussi percutée, chers collègues – et peut-être cela nous différenciera-t-il des propos que j'ai entendus –, à l'autre bout du spectre, par les fameuses « théories du genre » qui, il faut bien le dire, constituent un biais antibiologique, comme l'explique l'anthropologue Frank Salter, pourtant acquis à cette idée. La biologie détermine qu'une personne a des organes reproductifs, mâles ou femelles, ce qui correspond habituellement à sa sexualité, à la structure de son cerveau et à ses préférences. Aucun changement de coutume, de loi, de croyances, d'endoctrinement ou de pratiques n'a ces effets. Pour le biologiste Ulrich Kutschera, de l'université de Kassel, les études de genre sont une pseudo-science universitaire, comparable au créationnisme, et n'auront pour conséquence que d'instaurer des politiques communautaires, rejetant l'approche universaliste à laquelle je suis attaché. Force est de constater que les tenants de cette idéologie rendent un bien mauvais service aux millions d'hommes et de femmes qui souhaitent vivre libres et sans cultiver de droit à la différence.

Dans notre pays, je le disais, les actes homophobes sont eux aussi de véritables atteintes aux libertés. Il est des quartiers dans lesquels il n'est plus permis aujourd'hui d'être juif, homosexuel ou femme, disait voilà déjà quelques années Marine Le Pen. En 2019, une augmentation de 36 % du nombre d'actes homophobes faisait suite à une hausse qui était déjà de 33 % l'année précédente, sans compter les nombreux cas où les victimes renonçaient à porter plainte. Ce chiffre n'est corrigé que par le chiffre de 2020, en baisse de 15 %, mais qui est un chiffre en trompe-l'œil à cause du confinement. Ces atteintes touchent principalement des victimes de moins de 35 ans, beaucoup se concentrant dans des aires urbaines de plus de 200 000 habitants, c'est-à-dire dans de grandes villes. Je saisis d'ailleurs cette occasion pour rendre hommage à l'ensemble des structures d'écoute et d'accueil qui recensent les actes homophobes ou épaulent les victimes, comme l'association FLAG!, qui travaille avec la police et la gendarmerie.

Parler des victimes devrait aussi vouloir dire que l'on parle des auteurs, des agresseurs, sans se cacher derrière son petit doigt. Je lis chaque année, avec une belle constance, le rapport de SOS homophobie, nous fournissant un panégyrique du profil des victimes, sans malheureusement analyser le profil des auteurs. Pourtant, une telle analyse – sur leur âge, leurs origines, leurs motivations – nous indiquerait d'une manière intéressante les sources mêmes de cette homophobie qui traverse notre société. Sans faire nécessairement de lien avec d'autres types de délinquance, j'invite ces structures à mener ce travail sur les auteurs sans œillères et sans tabous.

Les thérapies de conversion qui nous intéressent ici font assurément partie de ces violences. Elles constituent toujours une atteinte à la dignité, et souvent à l'intégrité. Les témoignages sont glaçants, vous l'avez dit – exorcisme, électrochocs, harcèlement, privations… Il nous semble presque anachronique, en réalité, de devoir légiférer sur ces pratiques, tant elles nous semblent incroyables. J'avais d'ailleurs souhaité moi-même intégrer ce délit lors de l'examen du projet de loi confortant les principes de la République. Il demeure donc essentiel de créer un délit pénal spécifique pour sanctionner ce type de tortures physiques et psychiatriques, et je salue, comme vous l'avez fait avant moi, chers collègues, le courage de Benoit Berthe Siward, véritable lanceur d'alerte, dont l'incroyable maturité tranche avec le jeune âge, et qui a été, il faut bien le dire, l'un des premiers à porter ce sujet sur la place publique.

Non, comme le dit la structure qu'il anime, il n'y a « rien à guérir », faisant écho à la belle citation de René Char : « Ils m'aimeront tel que je suis. » Rien à guérir, mais il faut désormais combattre ces thérapies, bien souvent d'importation évangélique, avec un système de sanctions adaptées et durcies qui feront l'objet d'amendements que je vais défendre, et encore plus lorsqu'il s'agit d'agissements sur des mineurs. Les sanctions devront donc aussi aller jusqu'à l'expulsion de délinquants étrangers condamnés sur notre sol pour ce type d'agissements, car ils expriment, à travers de tels actes, le refus d'adhérer à nos valeurs.

Oui, nous demandons à la société d'en finir avec ce laxisme judiciaire face à des atteintes à nos valeurs, et donc avec ces thérapies sordides. Une société qui se tient debout, une société qui aide ses enfants à se tenir debout, doit refuser ces pratiques. Être libre, c'est savoir danser avec ses chaînes, disait Nietzsche. Elles sont parfois bien lourdes, bien pesantes et multiples. Notre boulot est aujourd'hui d'en couper une.

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