Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du jeudi 17 juin 2021 à 15h00
Réparation des conséquences des essais nucléaires — Présentation

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

Je parle d'effets transgénérationnels, monsieur le député.

Il apparaît toutefois nécessaire et prioritaire de développer et de pérenniser un système de surveillance sanitaire des pathologies non infectieuses, ainsi qu'un registre des cancers, aligné sur les standards nationaux et internationaux. C'est pourquoi la ministre des armées, Florence Parly, et moi avons confié à l'IRSN la mission de réaliser une veille attentive et rigoureuse de la littérature scientifique internationale sur la problématique des effets des faibles doses de rayonnements ionisants – il sera accordé une attention particulière au développement de certains cancers, de maladies cardio-vasculaires, et aux effets éventuels sur la descendance.

De nouveaux travaux du comité scientifique des Nations unies sont également engagés dont nous suivrons de près les résultats. Si une étude venait à mettre en évidence un effet transgénérationnel, nous en tirerions naturellement les conséquences pour le dispositif de reconnaissance, comme nous l'avons fait par le passé s'agissant de l'élargissement de la liste des pathologies radio-induites.

En ce qui concerne l'indemnisation des victimes indirectes pour les préjudices subis, le dispositif actuel repose sur un régime de responsabilité relevant de la solidarité nationale et non un régime de la responsabilité pour faute. Conséquence : les ayants droit ne peuvent bénéficier d'une indemnisation propre. Toutefois, ils peuvent d'ores et déjà demander la réparation de leur préjudice moral sur le fondement du droit commun de la responsabilité, à condition de démontrer un lien de causalité entre le dommage et l'exposition aux rayonnements ionisants pendant les essais nucléaires.

L'accès à la procédure d'indemnisation gérée par le CIVEN est une question majeure à laquelle nous sommes particulièrement sensibles. Nous devons travailler à favoriser l'accès de tous à cette procédure en améliorant la qualité de l'information disponible, mais aussi en facilitant les dépôts des dossiers. Nous aborderons ce sujet essentiel dans les semaines à venir avec une délégation polynésienne.

Le texte que vous proposez supprime par ailleurs le seuil de 1 millisievert par an au-delà duquel une présomption de causalité est reconnue. Ce seuil ne doit pas être remis en cause. D'une part, cette dose extrêmement faible résulte d'un consensus international qui s'appuie sur l'avis du comité précité des Nations unies, mais aussi sur les recommandations de la Commission internationale de protection radiologique. Ce niveau de dose admissible est repris par l'ensemble des organisations internationales, comme l'OMS, l'AIEA, l'Organisation internationale du travail ou encore Euratom, la Communauté européenne de l'énergie atomique.

Je le répète, ce niveau est très faible au regard des valeurs limites réglementaires pour les travailleurs exposés aux rayonnements ionisants. Supprimer ce seuil conduirait, d'autre part, à une reconnaissance systématique de toutes les maladies radio-induites listées réglementairement, la présomption de causalité devenant irréfragable en pratique.

Une telle reconnaissance sans possibilité de renverser la présomption de causalité lorsque le risque est négligeable avait été introduite par la loi EROM. Elle avait conduit, je le rappelle, à la démission de cinq des huit membres de CIVEN, qui avaient jugé leur présence inutile au sein de ce comité.

L'existence de cette dose limite n'empêche pas le CIVEN d'instruire les demandes d'indemnisation selon un régime de présomption. Le comité ne peut en effet écarter la présomption de causalité que s'il prouve que les victimes n'ont pas été exposées à un rayonnement supérieur à 1 millisievert.

Enfin, l'introduction de cette nouvelle méthodologie d'évaluation de l'exposition a permis d'accroître sensiblement le nombre de demandes faisant l'objet d'une indemnisation. Ainsi, près de 50 % des dossiers déposés font désormais l'objet d'une indemnisation, tandis que ce taux se situait entre 2 et 7 % entre 2010 et 2017, et 94 % des demandes de reconnaissance déposées par la population résidant en Polynésie française ayant fait l'objet d'une décision favorable ont été introduites entre 2018 et 2020.

L'adoption par le CIVEN d'un nouveau barème d'indemnisation en juin 2020 est aussi allée dans le sens d'une indemnisation plus favorable, eu égard non seulement à la nature de la pathologie, mais également au ressenti des victimes face à l'évolutivité de la maladie.

Nous sommes parvenus à un point d'équilibre permettant une juste indemnisation des victimes. Le remettre en cause serait délétère en matière de justice et d'efficacité de la procédure. Nous n'ignorons pas que des améliorations peuvent être apportées au dispositif, notamment en ce qui concerne l'accès aux droits, l'information des personnes, le suivi épidémiologique ou encore la coopération sanitaire. C'est tout l'objet des tables rondes prévues au début du mois de juillet avec une délégation polynésienne, qui permettront d'aborder l'ensemble des sujets avec la communauté scientifique et les représentants des autorités internationales.

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