Intervention de Florence Parly

Séance en hémicycle du jeudi 17 juin 2021 à 15h00
Réparation des conséquences des essais nucléaires — Présentation

Florence Parly, ministre des armées :

La France fait partie des rares puissances militaires à être dotées de l'arme nucléaire ; c'est ce qui fait d'elle une nation indépendante, respectée dans le monde entier, capable de défendre sa population, son territoire, de porter sa voix, et de contribuer au maintien des équilibres qui fondent la paix. Cette force de dissuasion qui fait la fierté de la France, nous la devons à la Polynésie française. Entre 1966 et 1996, l'État y a réalisé 193 essais nucléaires, dont 41 expérimentations atmosphériques, et, malgré les consignes de sécurité les plus strictes, certaines retombées radiologiques se sont produites dans différentes zones de la Polynésie.

Le débat suscité par de récentes publications relatives aux conséquences des essais nucléaires est un signe positif pour notre démocratie. Il renforce l'engagement pris par mon ministère d'œuvrer pour le traitement des conséquences des essais nucléaires en lien avec les représentants des Polynésiens, élus et associations.

Dès la fin des essais, la France a pris la décision de démanteler de façon irréversible les installations du CEP. Nous avons été le seul État doté, partie au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, à avoir pris une telle décision et à avoir veillé à ce qu'elle soit suivie d'effet. La France joue ainsi un rôle moteur dans la promotion du traité sur l'interdiction complète des essais nucléaires.

Notre pays a également demandé une expertise radiologique indépendante qui a impliqué des experts de vingt nationalités, entre 1996 et 1998, sous l'égide de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), en collaboration avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et les Nations unies. Cette expertise a mis en lumière de très faibles concentrations de matières radioactives résiduelles, attribuables aux essais nucléaires, considérées sans impact du point de vue radiologique.

Malgré ces conclusions rassurantes, la France a eu le souci de poursuivre étroitement la surveillance radiologique et géologique des atolls de Moruroa et de Fangataufa pour informer annuellement, en toute transparence, les autorités polynésiennes et la population. En 2006, le ministère de la défense a remis aux autorités du pays le détail des immersions au large de Moruroa, ainsi que l'inventaire des déchets placés en fûts. Ces documents sont aujourd'hui accessibles librement sur internet.

Depuis 2015, une commission d'information auprès des anciens sites d'expérimentations nucléaires du Pacifique réunit les autorités de l'État, du pays, et les représentants de la société polynésienne afin de partager, en toute transparence, les conclusions de la surveillance radiologique et géomécanique des conséquences des essais. De plus, comme vous le savez, monsieur le député, le dispositif de surveillance géologique a été modernisé en 2018, pour un montant global de 135 millions d'euros.

Les gouvernements successifs ont prêté la plus grande attention au suivi des 150 000 personnels civils et militaires ainsi que des Polynésiens concernés par les essais nucléaires entre 1966 et 1996. En 2010, la loi Morin a traduit la reconnaissance de la nation en créant une procédure d'indemnisation suivie par le CIVEN. En 2014, la zone d'indemnisation a été étendue à toute la Polynésie française pour la période du 2 juillet 1966 au 31 décembre 1998.

Initialement, la loi Morin posait le principe de causalité entre les maladies radio-induites et les essais nucléaires mais elle introduisait la notion de « risque négligeable ». La loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite EROM, a supprimé cette notion et réaffirmé le principe de causalité, faisant ainsi évoluer nettement les critères d'indemnisation. Toute personne présente en Polynésie durant la période des essais et souffrant d'une pathologie radio-induite est aujourd'hui indemnisée.

Dans la continuité de ces évolutions, un amendement au projet de loi de finances pour 2019, amendement de la sénatrice Lana Tetuanui, que je salue, a été adopté afin de fixer à 1 millisievert le seuil maximal admissible d'exposition aux activités nucléaires.

Par l'accord de l'Élysée pour le développement de la Polynésie française de mars 2017, l'État a reconnu solennellement la contribution de la Polynésie française à la constitution de sa force de dissuasion nucléaire et les conséquences des expérimentations qu'il importait de traiter.

L'histoire et la mémoire ne se construisent que de manière apaisée. Ainsi l'État et le pays œuvrent-ils à la création d'un centre de mémoire qui présentera toutes les implications de la présence du CEP sur le territoire polynésien. Le Parlement a fixé dans la loi de finances pour 2019 le principe d'un transfert à titre gratuit de l'État au pays de l'emprise foncière nécessaire au projet – je m'y étais engagée.

Dans le même esprit, le Président de la République a répondu de façon favorable à la demande du président Fritsch d'organiser une table ronde sur l'ensemble des impacts des essais nucléaires en Polynésie française, les réponses apportées et les voies des progrès potentiels. Cette table ronde, qui aura lieu les 1er et 2 juillet prochains, associera tous les acteurs concernés. Je ne doute pas qu'elle donne lieu à des conclusions très positives.

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