Intervention de Jean-Paul Lecoq

Séance en hémicycle du jeudi 17 juin 2021 à 15h00
Prévention des risques technologiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Replaçons le débat dans son contexte. Pourquoi cette proposition de loi est-elle à la fois si « peu précise » et si riche ? C'est que nous avons considéré qu'il ne fallait pas réécrire les dispositions qui donnaient satisfaction. Nous ne prétendons pas ici réinventer le fil à couper le beurre !

La loi Bachelot, qui a créé les PPRT, instaure une bonne dynamique en matière d'urbanisation, d'indemnisation et de concertation. Elle prévoit ainsi que les PPRT sont élaborés en concertation avec les associations de riverains et les industriels. Pourquoi réécrire une disposition qui a fait ses preuves et convient à tout le monde ?

J'en veux pour preuve l'exemple du Havre. Nous avons parlé de son port, mais il faut aussi mentionner la plateforme pétrochimique, où il a été décidé de créer une usine Seveso il y a quelques années. Celle-ci a été inaugurée sans aucune réaction ou presque de la part de la population. Connaissez-vous beaucoup d'endroits en France où cela est possible ? Eh bien, cela l'a été parce qu'un PPRT a été établi en associant tous les acteurs, en favorisant la transparence, afin que les gens se sentent protégés par ce plan.

Oui, c'est parce que nous ne voulons pas réécrire les dispositifs qui fonctionnent bien que la proposition de loi est « très peu précise », comme vous dites. En même temps, elle est très riche, car elle s'appuie sur toute une histoire – elle doit être lue à cette aune.

Le texte traite de l'urbanisation et non de la production ou du transport des matières dangereuses. Il ne remet en cause ni la directive européenne relative au transport intérieur des marchandises dangereuses, ni les directives Seveso.

Les directives Seveso obligeaient-elles les industriels à prévoir des PPRT ? Non. L'instauration des PPRT par le législateur français est-elle contraire aux directives Seveso ? Non plus. N'opposez pas ce qui n'est pas opposable. Les directives Seveso fixent des règles, des bases. Ensuite, en France, nous prenons également en considération la Constitution, le bloc de constitutionnalité et leurs dispositions sur l'environnement et la protection des personnes. De fait, la proposition de loi est conforme au bloc constitutionnel – aucun d'entre vous n'a d'ailleurs mis en doute sa constitutionnalité. Mieux, elle respecte les exigences de la Constitution.

C'était votre question je crois, madame la secrétaire d'État : pourquoi déposer ce texte maintenant ? Pour marquer les vingt ans de l'explosion de l'usine d'AZF ? Non. Parce que le préfet de Seine-Maritime a notifié au maire du Havre un nouveau porter à connaissance sur la zone industrialo-portuaire, à la fin de l'année 2019, juste après la catastrophe de Lubrizol. Peut-être s'est-il dit que cela lui permettait de refiler rapidement le bébé au maire ?

Quelqu'un déclarait tout à l'heure que l'on ne pouvait déterminer le responsable des postes à quai car plusieurs acteurs se les partagent. Mais alors qui a fait les études de dangers sur lesquelles le préfet s'est appuyé pour rédiger le porter à connaissance ? Partout où des études de dangers font l'objet de tels documents, le responsable du risque est connu. L'argument n'est donc pas valable.

Quand les préfets portent un danger à la connaissance des maires, c'est une manière de leur renvoyer la balle, de leur imposer de prendre sur eux s'ils choisissent malgré tout d'autoriser les agrandissements de maisons, par exemple. Or certains maires destinataires des études de dangers ne disposent même pas d'informations sur la cause du porter à connaissance, au moment où ils le reçoivent !

À l'inverse, dans les PPRT, tous les détails sont indiqués. Cela est même parfois allé trop loin, au point que le ministère de la transition écologique s'est ému de la publication de ces documents sur internet, à cause du risque terroriste. L'idée de généraliser les normes applicables aux sites Seveso seuil haut me paraît importante.

Certains d'entre vous m'ont interrogé sur le nombre de nouveaux PPRT et le coût que ma proposition de loi occasionnerait. Selon vous, combien de sites ferroviaires pourraient-ils être concernés ? Pour l'instant, j'en connais quatre. Ce n'est pas énorme. Il s'agit de sites, qui, d'après la SNCF, abritent en permanence, en moyenne, l'équivalent de cinquante wagons de produits chimiques dangereux – rendez-vous compte ! Des PPRT ont été conçus pour des citernes de gaz qui n'étaient guère plus grandes que deux ou trois wagons de produits dangereux, alors même qu'il ne s'agissait pas de production, mais de stockage. Et nous n'en élaborerions pas pour des sites abritant en moyenne l'équivalent de cinquante wagons ?

Nous avons l'obligation de chercher, en lien avec l'opérateur, les moyens de protéger le mieux possible les habitants. Tel est le sens de la précision qu'apporte le texte. Je vous invite à regarder tout cela de près.

Rien ne s'oppose à l'adoption de la proposition de loi, pas même les règles européennes. Celle-ci s'inscrit au contraire dans une suite logique. Le rapport de M. Damien Adam sur l'incendie du site Lubrizol a été cité, mais je souhaite vous donner lecture de celui de la commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles et des centres de recherche et sur la protection des personnes et de l'environnement en cas d'accident industriel majeur, créée par l'Assemblée nationale à la suite de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, et dont les propositions ont abouti à la loi Bachelot : « Il est apparu de manière très forte à l'ensemble des membres de la commission que les questions liées aux transports de matières dangereuses et à la sûreté des infrastructures de transport et notamment des ports, des gares et des aéroports, méritaient également la plus grande attention. C'est pourquoi la commission juge absolument nécessaire de créer, dès le début de la prochaine législature, une commission d'enquête sur les questions liées aux transports de matières dangereuses et à la sûreté des infrastructures de transport et notamment des ports, des aéroports et des gares. » Il était en outre écrit à la fin du rapport : « Un prolongement du travail que la commission a réalisé, est indispensable en direction de la sûreté des transports, des gares de triage, des ports et des aéroports. » C'était en 2003. Le sujet n'a pas été abordé au cours de la législature suivante, et, dix-huit après, il ne l'a toujours pas été !

Pour y remédier, nous proposons une démarche démocratique, utile et dont les délais d'application seraient acceptables. Rien ne dit en effet qu'il faudra payer dès demain. Rien ne dit que les contributions de chacun seront fixées dès à présent. La répartition financière n'était pas plus arrêtée dans la loi Bachelot qu'elle ne l'est aujourd'hui. Il faudra évidemment la déterminer avec les différents acteurs concernés, mais nous nous gardons bien de le faire dans la proposition de loi. Il reste beaucoup de travail.

Il a fallu vingt ans pour mettre en œuvre les PPRT, et ce n'est pas encore terminé. Rien n'empêche de consacrer vingt ans au sujet qui nous occupe aujourd'hui, mais la question qui nous est posée est la suivante : quand commence-t-on ?

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