Intervention de Bruno Millienne

Séance en hémicycle du jeudi 17 juin 2021 à 15h00
Prévention des risques technologiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Millienne :

Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés partage la volonté de mieux sécuriser nos infrastructures. Nous avons récemment connu, vous l'avez rappelé, monsieur Lecoq, des accidents industriels en France et ailleurs dans le monde, lesquels n'ont heureusement pas eu de conséquences trop graves dans notre pays mais ont appelé notre attention et celle de l'opinion sur la gestion des matières dangereuses.

Si ces événements malheureux peuvent appeler à une réévaluation de certaines procédures, nous pensons que cette proposition de loi, en ajoutant de la complexité et en ignorant le cadre juridique international et européen dans lequel nous évoluons, rate sa cible. Vous proposez, monsieur le rapporteur, de modifier le périmètre des plans de prévention des risques technologiques afin d'y intégrer les infrastructures de stationnement, de chargement ou de déchargement de matières dangereuses. Sous cette dénomination technique se cachent finalement des lieux assez communs, à savoir des entrepôts ferroviaires, des quais ou des docks, lesquels sont autant de lieux de passage de marchandises en tout genre dont certaines circulent à travers tout le continent, voire au-delà, et dont les conditions de transport, desquelles nous ne pouvons nous affranchir impunément, sont régies par des normes internationales négociées et adoptées avec nos partenaires.

Adopter cette PPL, c'est violer le droit international et européen et remettre en question tout le système de sécurité en place dont nous pouvons nous réjouir qu'il ait fait ses preuves. Le transport de matières dangereuses est ainsi strictement réglementé par la Convention relative aux transports internationaux ferroviaires (COTIF) dont la section concernant les matières dangereuses est mise à jour tous les deux ans. Cette réglementation technique assure un niveau élevé de maîtrise des risques et, ce faisant, l'acceptabilité du transport de tous ces types de marchandises dans chacun des États concernés. En ce qui concerne spécifiquement les matières dangereuses, elles doivent, selon la réglementation, être clairement identifiées afin de calibrer précisément les interventions en cas de problème et de diminuer largement la probabilité d'un accident grave.

La proposition de loi vise à appliquer les règles pour les matières dangereuses en cours de transport à celles en cours de fabrication : cela déséquilibrerait le système actuel et poserait donc un vrai problème.

Ensuite, d'un point de vue strictement pratique, je m'interroge sur la manière dont vous comptez mettre en place, dans un site où des centaines d'entreprises différentes interviennent, un PPRT dont le coût sera assumé à parts égales – j'en reviens à vos poignées de dollars, monsieur Wulfranc – par l'État, la collectivité et l'exploitant. Dans le cas de docks, d'entrepôts ferroviaires ou de quais de chargement, comment répartir efficacement et équitablement le coût de prise en charge dévolu à l'industriel ? Ce coût dépendra-t-il du volume manutentionné ou du temps passé ? Sans mauvais jeu de mots, je crains que l'adoption de cette PPL ne se traduise par une usine à gaz incompréhensible.

Et que dire des coûts et des démarches supplémentaires qu'elle imposerait ? Ceux-ci, alors que nous avons montré qu'ils étaient loin d'être indispensables, auraient pour effet de créer une réelle distorsion de concurrence avec nos voisins européens. De plus, et c'est loin d'être un détail, le dispositif proposé va tout bonnement à l'encontre du principe européen de libre circulation des marchandises et, plus spécifiquement, du cadre très technique de la réglementation Seveso.

Je me permets également de rappeler que la loi impose déjà aux infrastructures concernées une étude de dangers, laquelle peut déboucher sur des arrêtés préfectoraux imposant des mesures de réduction du risque aux différentes parties prenantes. L'activité des acteurs de la logistique est donc très encadrée et ceux-ci ne peuvent pas faire n'importe quoi lorsqu'ils transportent des matières dangereuses.

Enfin, dernier détail loin d'être négligeable, le dispositif proposé est juridiquement très fragile. Cette PPL ne modifie en effet pas le bon article puisqu'en s'attaquant uniquement à l'article L. 515-36 du code de l'environnement, le texte ne paraît pas applicable en l'état.

Pour toutes ces raisons, et comme vous l'aurez compris, le groupe Dem se positionne contre ce texte. Non pas que la question de la sécurité du transport de matières dangereuses ne mérite pas que l'on s'y penche à nouveau avec la plus grande attention, mais parce que le dispositif proposé ne répond pas aux enjeux soulevés. Oui pour améliorer le cadre actuel si vous le souhaitez, mais malheureusement pas à travers cette proposition de loi.

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