Intervention de Jean-Paul Lecoq

Séance en hémicycle du jeudi 17 juin 2021 à 15h00
Prévention des risques technologiques — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Souvenons-nous : le 21 septembre 2001, à dix heures et dix-sept minutes, l'explosion survenue dans l'usine AZF marquait de manière indélébile le peuple français, lui faisant prendre conscience des risques technologiques. Ce jour reste gravé dans le marbre de notre législation.

Cet événement a suscité des réactions en chaîne dans tous nos territoires : des associations se sont créées, chaque citoyen français a regardé autour de lui pour voir s'il n'était pas exposé à des risques et a mesuré que les sites à côté desquels il vivait et qui paraissaient sans risque pouvaient, du jour au lendemain, être à l'origine d'un accident grave, parfois d'une catastrophe.

Le gouvernement de l'époque a écouté et entendu toutes les réactions du peuple français et de ces associations. Il a considéré que la directive Seveso, en vigueur avant l'explosion qui s'est produite à Toulouse, était insuffisante. Elle permettait d'établir dans nos territoires des périmètres de risques à l'intérieur desquels la densification de la population, la construction sur des terrains à bâtir et l'agrandissement d'une maison n'étaient pas autorisés, un point, c'est tout. Des dispositions similaires avaient été instaurées par l'Union européenne à la suite de l'explosion de l'usine à Seveso.

À la suite de l'événement du 21 septembre 2001, le législateur a considéré que se contenter de dire à nos concitoyens qu'ils vivaient à l'intérieur d'une zone de danger était insuffisant et que l'État français leur devait plus que cela : il devait assurer leur protection en leur précisant la nature exacte du danger, son niveau précis et les moyens de s'en protéger : cela représentait une avancée considérable. L'État devait aussi inciter les industriels dont la production expose à des risques à réduire ceux-ci à la source ; ce faisant il protégeait d'abord les personnes qui travaillent sur ces sites et ensuite celles qui vivent dans leur voisinage ; enfin, il sortait de la zone de danger celles qui y habitaient.

La loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages – tous les mots sont importants –, dite loi Bachelot ou, dans notre jargon, loi sur les PPRT – plans de prévention des risques technologiques –, représentait une avancée considérable. Tous les mots, ici, sont importants : il s'agissait en effet de planifier afin de prévenir tout accident susceptible de se transformer en catastrophe compte tenu d'un risque technologique. Ce progrès était vraiment exceptionnel.

C'était en 2001, et nous sommes en 2021. La loi a été promulguée en 2003, ce qui signifie que, durant dix-huit ans, on s'est efforcé de l'appliquer. De fait, on avait identifié 800 sites concernés. Si la définition des PPRT de certains d'entre eux – par exemple, une citerne de gaz et le périmètre l'entourant – fut simple, pour d'autres, ce fut beaucoup plus compliqué. Certains sites présentaient en effet des risques pour l'environnement, risques auxquels il fallait de sucroît prendre en compte un possible effet domino, à savoir d'éventuels dommages sur un autre site industriel à risque, dans une aggravation en chaîne qui aurait tourné à la catastrophe. Pour ces sites plus complexes, le plan de prévention des risques a donc été plus tardif, ce qui était au fond une bonne chose pour son appréhension même.

La loi a été promulguée en 2003, et Mme la secrétaire d'État chargée de la biodiversité a dû en faire l'inventaire avec ses services. Cette loi ne disait pas tout – notamment quant aux coûts – parce qu'elle ne pouvait pas tout dire. Elle fut en effet votée sous le coup de l'émotion, car il fallait apporter une réponse très rapide aux citoyens, qui l'attendaient expressément. Dans ces conditions, le législateur a considéré qu'il n'était pas gênant que la loi ne contienne pas toutes les précisions souhaitables, et qu'il lui serait possible de l'affiner ultérieurement.

Au fil du temps, les dispositions ont été précisées par le ministère de l'environnement, conseillé en cela par le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques et les différentes instances venues enrichir le texte. Les négociations menées entre les industriels, l'État et les collectivités territoriales y ont également contribué. À l'époque, les collectivités territoriales percevaient la taxe professionnelle ; on considérait donc qu'elles avaient intérêt à ce que les choses se fassent bien. Au bout de quelques années, un accord a été conclu entre ces trois acteurs pour accompagner, à raison d'un tiers de la charge pour chacun, la protection des populations.

La réduction du risque à la source a constitué la dimension essentielle de la loi dite PPRT. Dans ma bonne ville du Havre, le risque inhérent aux activités de l'entreprise Chevron Chemical s'étendait, au regard des critères de la directive Seveso, sur un rayon de 2 kilomètres. L'effort demandé à l'industriel pour réduire le risque à la source – un accident aurait eu un coût considérable, puisque la moitié de la ville, soit près de 5 000 habitants, était concernée –, l'a conduit à changer son process de fabrication : non seulement il a renoncé à l'hydroxyde fluoré, gaz à l'origine du risque, mais son produit fini s'en est trouvé amélioré par rapport au précédent, dont la fabrication était source de danger.

Il importe donc d'inciter les industriels, les acteurs qui créent des risques, à les réduire à la source. C'est parce qu'ils devaient mettre la main à la poche pour indemniser ceux qui étaient exposés au risque que les industriels, à un moment donné, se sont mis autour de la table, chez eux, pour chercher à le réduire à la source. Dans le cadre du dispositif prévu par la loi, ils ont été accompagnés pour ce faire, et les régions se sont elles aussi associées à la démarche. Tous avaient à cœur de dire que, premièrement, il fallait que l'industrie continue à vivre ; que, deuxièmement, il fallait accompagner les petites entreprises environnantes dans leur déménagement, afin de les protéger ; que, troisièmement, on rachèterait les biens des résidents qui étaient en extrême danger, dans le même souci de protection ; que, enfin, on investirait dans les autres biens, notamment pour les équiper de vitres résistantes au souffle.

Si j'évoque à nouveau la loi qui a institué les PPRT, c'est parce que la proposition de loi qui vous est soumise prévoit de considérer les infrastructures de transport de matières dangereuses comme des sites présentant un risque technologique. Je ne fais pas référence, ici, aux lignes de chemin de fer, mais aux lieux où les matières dangereuses sont manipulées, comme les quais ferroviaires et portuaires ou les sites de chargement de camions. Ces sites doivent en effet être considérés de la même manière que les usines classées Seveso seuil haut.

Il faut que nous avancions dans ce domaine, car il existe deux sons de cloche en matière de risques technologiques. D'un côté, il y a ceux qui affirment qu'il n'y a ni risque ni danger et que toutes les réglementations, y compris européennes, intègrent l'éventail des risques et sont bien appliquées. J'aimerais le croire mais, dans le même temps, les préfets communiquent aux maires des porter à connaissance les enjoignant, sur la base d'études de dangers, à limiter l'urbanisation de telle ou telle zone. En dernier recours, la balle est dans le camp des maires, auxquels il revient de décider.

Parfois, dans une même ville, certains résidents ont été concernés par un PPRT et ont été indemnisés pour se protéger, alors que d'autres n'ont reçu qu'un porter à connaissance leur indiquant qu'ils sont concernés par un danger, sans que leur en soit précisé la nature et les moyens de s'en protéger, et sans aucun accompagnement.

Nous vous proposons donc de considérer ces sites de transport et de manipulation de matières dangereuses comme des équivalents des sites Seveso seuil haut ; c'est le sens de cette proposition de loi. Elle vise à ce que les personnes qui ont passé leur vie à acheter ou à construire leur maison, située dans un quartier proche de tels sites, ne voient pas leur bien dévalorisé ; elle inciterait surtout les acteurs qui opèrent dans le secteur du transport de matières dangereuses à réduire le risque à la source, dans la logique de ce qu'avait permis la loi Bachelot relative à la prévention des risques technologiques. Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir laissé le temps de terminer mon propos.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.