Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du jeudi 17 juin 2021 à 15h00
Revalorisation des pensions de retraite agricoles les plus faibles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

En juillet dernier, notre parlement a acté une avancée majeure en assurant aux chefs d'exploitation agricole une revalorisation de leur pension de retraite, portée à au moins 85 % du SMIC pour une carrière complète. Et, comme l'an passé, nous devons au groupe GDR et à son président, André Chassaigne, de pouvoir à nouveau débattre dans l'hémicycle des injustices qui touchent les retraités agricoles, ce dont je tiens à les remercier. Le juste rattrapage opéré l'an dernier était un premier pas vers une plus grande reconnaissance des métiers agricoles ; il est désormais nécessaire de parachever la démarche en reconnaissant à sa juste valeur le travail accompli par les conjoints collaborateurs et par les aides familiaux. Il y a urgence puisqu'en 2019, leur pension moyenne était de 555 euros par mois. Comme tous ici, je ne me satisfais pas qu'une vie de travail donne lieu à une retraite minimale, sous le seuil de pauvreté. Les premières victimes, cela a été rappelé, sont les femmes : aujourd'hui encore, elles pâtissent d'une situation héritée du début du XXe siècle, quand leur travail n'était pas reconnu en tant que tel et qu'on se bornait à considérer qu'elles aidaient éventuellement leur mari. En dépit d'une évolution de leur statut, le rôle actif qu'elles jouent dans les exploitations ne donne toujours pas lieu à un niveau de retraite satisfaisant ; il est même inférieur à celui des agriculteurs.

La proposition de loi que nous examinons en ce début d'après-midi est une excellente occasion pour corriger cette situation puisqu'en s'appuyant sur trois leviers complémentaires, elle constitue une première étape pour réduire les inégalités des pensions et augmenter le niveau des retraites agricoles les plus faibles.

Tout d'abord, l'article 1er pose les bases d'un système plus juste en établissant une forme d'équité entre les non-salariés agricoles. Je me réjouis qu'un compromis ait pu être trouvé sur cet article : les amendements que nous allons examiner permettront enfin d'aligner la pension majorée de référence des conjoints collaborateurs et des aides familiaux sur celle des chefs d'exploitation. La PMR aura donc un montant unique et passera, pour les premiers, de 555 euros à 699 euros. Par ailleurs, ces amendements prévoient le relèvement du seuil d'écrêtement de la PMR au niveau du montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées pour une personne seule, ce qui garantira une augmentation de 30 euros du montant de ce plafond, ainsi porté à 906 euros.

J'estime néanmoins que ce n'est qu'un premier pas car l'article 1er initial avait pour ambition la convergence entre la pension majorée de référence et le minimum contributif du régime général. Je pense que cet horizon ne doit pas être perdu de vue, d'autant plus que la commission a fait le choix de supprimer l'article 2 qui prévoyait l'ouverture aux conjoints collaborateurs et aux aides familiaux du complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire. Le groupe Libertés et territoires votera les amendements visant à rétablir cet article, si nécessaire pour relever le montant minimal de la pension à 85 % du SMIC, comme pour les chefs d'exploitation agricole.

Je comprends les réticences de la majorité et du Gouvernement à l'égard de cette disposition, en particulier en raison de son coût pour nos finances publiques, mais, comme l'a indiqué le rapporteur André Chassaigne, ce coût a déjà été réduit de moitié en raison de l'écrêtement introduit qui évite ainsi de prendre en compte les pensions versées par d'autres régimes. Et puis, de toute façon, nous ne sommes pas à la hauteur si nous ne raisonnons qu'en termes de considérations financières lorsqu'il est question des pensions de retraite des agriculteurs, qui sont parmi les plus faibles de notre pays. Il me semble qu'une solution alternative est possible et préférable à une suppression pure et simple de l'article 2.

Je salue, en revanche, le nouvel article 1 bis , qui oblige la caisse de retraite à informer les pensionnés susceptibles d'avoir recours à l'ASPA, mais j'insiste sur l'importance d'informer aussi les agriculteurs sur l'évolution du droit en matière de succession et d'harmoniser les règles dans tous les départements.

Enfin, le troisième levier, prévu à l'article 3, consiste à limiter à cinq ans la durée du statut de conjoint collaborateur, comme c'est le cas pour les aides familiaux. Cette évolution est bienvenue car elle permettra d'éviter aux personnes concernées, le plus souvent des femmes, de travailler sous un statut moins protecteur du fait de cotisations plus faibles.

De manière générale, une réflexion plus large sur la revalorisation du statut de conjoint collaborateur ou d'aide familial devrait être entreprise pour mieux reconnaître leur travail. Une réflexion qui dépasse le secteur agricole sera également nécessaire car, nous le savons, la question des petites retraites n'est pas propre à ce dernier. D'ici là, nous avons l'occasion aujourd'hui de réaliser une première avancée pour les non-salariés agricoles. Notre groupe soutiendra évidemment cette proposition de loi.

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