Intervention de Christine Pires Beaune

Séance en hémicycle du jeudi 17 juin 2021 à 15h00
Revalorisation des pensions de retraite agricoles les plus faibles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune :

Il a fallu que nous soyons si durement frappés par une crise sanitaire mondiale pour nous rendre compte collectivement de ce qui est vital et de ce qui ne l'est pas. Les agriculteurs et leur travail sont vitaux pour notre société. Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu'ils nous nourrissent et que nous ne pouvons pas nous passer d'eux.

Sous le précédent quinquennat, le président François Hollande avait tenu sa promesse d'une pension minimale à 75 % du SMIC. C'est une bonne chose, nous en sommes fiers mais, convenons-en, il fallait aller plus loin. C'est ce qui a été fait une première fois, pour les chefs d'exploitation, avec la proposition de loi d'André Chassaigne adoptée le 3 juillet 2020.

La logique de cette proposition de loi était d'une simplicité cristalline : les paysans doivent eux aussi pouvoir se nourrir et vivre dignement lorsque l'âge de la retraite est venu. La société le leur doit bien, à tout le moins.

Le texte qui nous est soumis suivait la même logique de justice et visait le même objectif de créer un filet de sécurité pour les pensions agricoles en l'appliquant à tous ceux, très nombreux, qui travaillent dans des exploitations sous un statut de non-salarié.

Je dis « tous ceux » mais peut-être devrais-je dire « toutes celles » car, dans plus de 56 % des cas, il s'agit de femmes, bien souvent les conjointes du chef d'exploitation. Pour elles, l'injustice d'un statut moins protecteur s'ajoute à la dureté du travail agricole et à la faiblesse des revenus sur lesquels elles ont pu cotiser.

Je rappellerai simplement le fait suivant : en 2019, la retraite moyenne brute annuelle des non-salariés agricoles, y compris la retraite complémentaire obligatoire pour ceux qui ont cotisé, s'élève, pour une carrière complète, à 9 363 euros pour l'ensemble de cette catégorie et à 8 877 euros pour les femmes. Autrement dit, le montant moyen des retraites agricoles, notamment pour les conjoints collaborateurs et les aides familiaux, est inférieur au seuil de pauvreté. Je le répète, cela concerne des carrières complètes. Tout est dit à travers ce chiffre : les pensions des non-salariés du secteur agricole sont, dans leur grande majorité, inférieures à un seuil de simple subsistance.

La proposition qui nous est soumise visait donc, pour résumer, à assurer un reste à vivre minimum décent aux travailleurs agricoles, au-delà des seuls chefs d'exploitation. Elle ne remettait pas en cause le caractère contributif du système dans son ensemble, ce qui nous paraissait une bonne chose.

Je parle au passé, vous l'aurez remarqué, car ce texte a été profondément altéré en commission, en dépit du bon sens, au vu du contexte de crise que je viens d'évoquer. Tout se passe comme si, finalement, nous n'avions rien appris.

Nous aurions aimé que soit maintenue l'exclusion des majorations du mode de calcul de la pension majorée de référence. Mais avant tout, nous aurions voulu que l'instauration d'un complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire, clé de voûte de la proposition initiale, soit conservée.

J'espère que nous ferons preuve de clairvoyance et que le niveau de notre ambition sera suffisant pour faire de cette proposition un texte de justice, purement et simplement. Nous pourrons alors, je l'espère, l'adopter.

La proposition initiale n'était peut-être pas suffisante pour éradiquer la pauvreté parmi les retraités du secteur agricole, en particulier chez les femmes, mais elle constituait une brique essentielle dans la construction d'un système plus juste et plus complet. La version qui nous est soumise n'est tout simplement plus suffisante. Nous resterons donc attentifs à l'évolution des débats, car notre décision finale dépendra de leur teneur.

Je tiens pour finir à saluer la ténacité et la constance de notre collègue André Chassaigne, dont le travail de longue haleine a déjà permis des avancées importantes. Ce nouveau texte, après la loi de 2020, cherchait à éliminer des angles morts. Sa démarche montre que des améliorations du système sont encore possibles, sans remettre en cause la logique d'ensemble et sans big bang normatif. J'espère que nous irons, ensemble, aussi loin que possible.

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