Intervention de Arnaud Viala

Séance en hémicycle du jeudi 17 juin 2021 à 15h00
Revalorisation des pensions de retraite agricoles les plus faibles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Viala :

Le 2 février 2017, à quelques mois de l'élection présidentielle, nous débattions dans cet hémicycle, à l'initiative du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, de l'urgence à revaloriser les petites pensions des agriculteurs retraités en les portant de 75 % à 85 % du SMIC. Ce texte avait été adopté à l'unanimité – j'en étais. Après plusieurs tours de passe-passe – appelons-les ainsi – joués par la majorité de l'époque puis par l'actuel gouvernement, il a fallu trois ans et demi pour que cette proposition de loi revienne devant l'Assemblée, le 18 juin 2020.

En plus de ce délai, il a fallu consentir à des aménagements pour que le texte soit voté, notamment le report de son application jusqu'à la fin de l'année 2021 – nous y arrivons –, l'obligation pour les agriculteurs concernés d'avoir demandé tous leurs droits à la retraite, l'écrêtement entre tous les régimes de retraite, etc. C'est dire si nous pratiquons la politique des petits pas pour les quelque 225 000 retraités agricoles concernés !

Ces derniers n'ont pas choisi la situation dans laquelle ils se trouvent : à leur époque, les régimes de cotisation n'étaient pas ce qu'ils sont devenus, le nombre d'actifs agricoles était infiniment supérieur à son niveau actuel, la France avait besoin de nourrir une population croissante et les bouleversements profonds à l'œuvre dans les fermes suscitaient un immense besoin de bras. Chacun, dans les familles, était mis à contribution, sans penser aux cotisations. L'expression de la solidarité nationale envers ces pensionnés pauvres – laquelle est d'ailleurs en total décalage avec les efforts que notre société consent pour d'autres catégories de Français, plus nombreux – ne devrait pas susciter de débats si longs et si laborieux : il nous faut avancer.

Vous abordez, chers collègues, l'autre volet de cette injustice flagrante. Encore plus choquant, il concerne les femmes d'exploitants, les conjoints collaborateurs et les aides familiaux, qui n'entrent pas dans le spectre de la loi de 2020. Tous ici présents, députés ruraux pour la plupart, nous avons à cet instant en tête, et surtout dans le cœur, l'exemple d'une grand-mère, d'un oncle ou d'un cousin que nous voyons ou avons vu vieillir avec une pension de 300 ou 400 euros par mois, au terme d'une vie de labeur et d'astreinte, dans des conditions souvent rendues difficiles par l'âge, l'usure et la dépendance.

Cette situation est tout simplement insupportable, car ces personnes – majoritairement des femmes, même si des hommes sont également concernés –, qui ont tout donné pour la ferme familiale, n'avaient tout simplement pas d'autre choix : il fallait faire manger la famille, s'occuper des bêtes et ne pas laisser un mari, un père ou un frère faire face à une tâche bien trop lourde pour une seule personne. Cette réalité, ce n'est pas parce qu'elle est celle d'un petit nombre de discrets qui ne demandent jamais rien qu'il faut l'occulter : nous avons le devoir d'apporter une solution. Faute de réforme générale des retraites, il nous faut le faire maintenant.

La proposition initiale du groupe de la Gauche démocrate et républicaine nous semblait en tout point recevable. Elle prévoyait d'aligner les conditions d'accès à la PMR 2, soit 699 euros mensuels, tout en permettant le cumul de diverses prestations – réversion ou majoration pour les enfants ou le conjoint à charge. La majorité a souhaité supprimer cette disposition additionnelle. Nous en voulons le rétablissement : 700 euros par mois, est-ce un privilège ?

Le texte prévoit aussi de faire en sorte que les femmes d'agriculteur, les conjoints collaborateurs et les aidants familiaux accèdent au même complément différentiel de point retraite complémentaire obligatoire, pour leur permettre d'atteindre, comme les chefs d'exploitation, des pensions équivalentes à 85 % du SMIC à compter de la fin 2021. Cet article, vous n'en voulez pas. Nous pensons, nous, qu'il faut le rétablir.

La proposition de loi prévoit enfin la limitation à cinq ans, après le 1er juillet 2022, du statut de conjoint collaborateur pour ceux qui font ce choix. C'est bien entendu souhaitable si nous voulons progressivement mettre un terme au problème que nous rencontrons.

Il est évident que nous devons y voir clair concernant le coût de ces mesures et leurs financements, et disposer d'assurances quant à leur mise en œuvre par la MSA. L'État devra fournir à cette dernière les moyens nécessaires pour agir en ce sens.

Lors des débats interrompus sur le projet de loi instituant un système universel de retraite, le groupe Les Républicains a formulé de nombreuses propositions pour améliorer le sort des agriculteurs retraités. Nous persistons à penser que les paysans méritent de percevoir des pensions décentes, en rapport avec les efforts qu'ils fournissent, les risques qu'ils prennent et les cotisations qu'ils versent – mais ceci est un autre débat, puisque nous ne cherchons aujourd'hui qu'à apporter des solutions aux seuls retraités. Nous devrons donc nous retrouver pour la suite.

Dans cette attente, vous pouvez, monsieur le président Chassaigne, compter sur notre soutien.

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