Intervention de Bruno Questel

Séance en hémicycle du jeudi 10 juin 2021 à 9h30
Ratification des ordonnances portant réforme de la formation des élus locaux — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Questel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Nos débats de ce matin doivent permettre de conclure ce cycle vertueux et en tous points exemplaire, ouvert en 2019 avec l'adoption de la loi « engagement et proximité » que j'avais eu l'honneur de rapporter dans cet hémicycle. C'est en effet sur le fondement de cette loi du 27 décembre 2019 que le Gouvernement a été habilité à légiférer par ordonnance pour mener à bien la réforme de la formation des élus locaux, la réussite du processus nécessitant au préalable une consultation approfondie des acteurs concernés, dont tous reconnaissent qu'elle a été menée avec beaucoup d'efficacité. Cette concertation n'étant pas que de façade, elle a permis de dessiner un large consensus autour de cette réforme qui a trouvé son aboutissement dans la publication des ordonnances du 20 janvier 2021 et du 27 janvier 2021, ordonnances qui font aujourd'hui l'objet d'une ratification expresse du Parlement. Tout cela mérite d'être souligné et salué.

Je veux ici louer le travail réalisé par les sénateurs qui, saisis du texte en premier lieu, l'ont enrichi de manière constructive et pertinente. Aussi notre commission des lois l'a-t-elle adopté mercredi dernier sans réserve à la quasi-unanimité. Je m'en réjouis car je sais que nous sommes tous très attachés, quelle que soit notre appartenance politique, à la question primordiale de la formation des élus locaux.

Ce large consensus s'est d'abord construit sur la base d'un constat : la réforme est indispensable. Son caractère impératif est incontestable parce que les deux dispositifs de formation des élus locaux qui coexistent aujourd'hui ne sont malheureusement pas à la hauteur des enjeux et des attentes. Le droit à la formation mis en œuvre directement par les collectivités territoriales constitue le canal de formation historique, puisqu'il existe depuis 1992. Mais, alors que les dépenses consacrées au droit à l'information constituent pour les collectivités des dépenses obligatoires, qui doivent être comprises entre 2 % et 20 % du montant total des indemnités de fonction, un grand nombre d'entre elles, notamment les plus petites communes, ne délibèrent même pas sur la mise en œuvre de ce dispositif. Dès lors, alors que le droit à la formation devrait mobiliser 34 millions d'euros par an, il ne permet de financer que 15 millions d'euros de formations effectivement dispensées.

En parallèle, le droit individuel à la formation des élus est entré en vigueur le 1er janvier 2016. Il permet à chaque élu local de disposer d'un crédit personnel annuel de vingt heures, cumulable sur la durée du mandat et dont chacun peut disposer librement. Il s'agit là d'une avancée considérable pour favoriser l'accès des élus locaux au droit à la formation. Nous le devons d'ailleurs à l'important travail réalisé par Mme la ministre. Ce dispositif aujourd'hui géré par la Caisse des dépôts et consignations est financé par une cotisation obligatoire sur les indemnités de fonction, qui ne peut être inférieure à 1 % de leur montant, ce qui représente un budget de 17 millions d'euros.

Néanmoins, le DIFE concentre aujourd'hui les principales préoccupations, qui ont justifié l'engagement d'une réforme. Je n'évoquerai que les deux problèmes les plus importants. Tout d'abord, la trajectoire financière du fonds de financement et, en l'état, insoutenable, puisqu'elle repose sur un taux de recours qui demeure très faible et concentré. Ensuite, alors que des dérives – minoritaires mais préoccupantes – ont été constatées, le contrôle des organismes de formation est clairement insuffisant, et la qualité des formations se révèle parfois insatisfaisante. Ce constat, dressé par un rapport particulièrement éclairant des inspections générales de l'administration (IGA) et des affaires sociales (IGAS), est partagé par l'ensemble des acteurs de la formation des élus locaux que j'ai pu auditionner – je veux d'ailleurs saluer la présence de M. Patrick Mennucci dans les tribunes. Je les remercie pour leur sens des responsabilités.

Ce constat appelait une réponse forte et ambitieuse pour préserver la pérennité du système et pour renforcer les dispositifs de formation des élus. En premier lieu, les ordonnances des 20 et 27 janvier 2021 adaptent le système aux communes de Nouvelle-Calédonie, et organisent une meilleure complémentarité des deux dispositifs de formation que j'ai décrits précédemment. Pour cela, elles autorisent les collectivités territoriales à prendre une délibération afin de participer au financement des formations suivies par les élus locaux dans le cadre du DIFE. En outre, pour permettre une meilleure mutualisation des moyens, notamment en faveur des petites communes qui peinent à mettre en œuvre le droit à la formation, chaque établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre sera tenu, six mois après son renouvellement, de se prononcer sur l'opportunité de proposer des outils communs pour développer une formation liée à l'exercice des mandats des élus municipaux.

La préservation de l'équilibre financier du fonds de financement du DIFE constitue un autre aspect important de la réforme. Madame la ministre, vous l'avez rappelé : le DIFE sera désormais comptabilisé en euros et non plus en heures. Cette disposition essentielle a notamment pour but de mettre fin aux tarifs excessifs pratiqués par certains organismes de formation. Alors que le texte initial de l'ordonnance prévoyait que les crédits non utilisés ne seraient pas cumulables d'une année sur l'autre, le Sénat a réintroduit cette possibilité dans la limite d'un plafond. En outre, il appartiendra au CNFEL – dont les missions sont par ailleurs renforcées – de veiller à la préservation de l'équilibre financier du DIFE.

L'information et l'accès des élus locaux à la formation seront également améliorés, notamment grâce au service gratuit et dématérialisé de gestion du DIFE que la CDC est chargée de mettre en œuvre. Ce nouveau service devrait permettre de simplifier les démarches et de favoriser un meilleur accès à la formation.

L'enjeu du quatrième pilier de la réforme est la transparence et la qualité des formations. Les organismes de formation des élus locaux seront désormais soumis au droit commun applicable aux organismes de formation professionnelle, notamment en ce qui concerne le contrôle et la certification qualité. En cas de manquement, une procédure de suspension et d'abrogation de l'agrément dont ils bénéficient a également été introduite. À l'initiative du Sénat, la sous-traitance sera considérablement encadrée dans le but de mettre fin aux dérives qui ont pu être constatées.

Je terminerai mon propos en évoquant la procédure de transition qui permettra de préserver les droits acquis par les élus locaux. Alors que la plupart des dispositions de l'ordonnance sont entrées en vigueur en janvier dernier, les élus peuvent encore utiliser jusqu'au 23 juillet prochain le DIFE comptabilisé en heures qu'ils détenaient à la date de la publication de l'ordonnance. Je me réjouis qu'un mécanisme de conversion en euros des heures non utilisées, applicable après cette date, ait été introduit par les sénateurs.

Mes chers collègues, ce ne sera pas une surprise : j'estime que le texte qui nous est présenté est équilibré, pertinent et attendu. Si je ne nie pas l'intérêt des amendements qui ont été déposés et discutés en commission, j'estime que nous pouvons l'adopter en l'état, afin de permettre son entrée en vigueur dans les meilleurs délais.

Nos débats en commission ont mis en évidence le chemin qu'il nous reste à parcourir pour que le pays prenne l'entière mesure de la richesse que constituent ses quelque 510 000 élus locaux, dans un contexte qui rend de plus en plus difficile l'engagement et admirable le dévouement. Près de quarante ans après les premières lois de décentralisation qui ont posé pour la première fois la notion de statut de l'élu, des progrès incontestables ont été accomplis, notamment sous la présente législature avec l'adoption de la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique. Comme l'a indiqué Mme la ministre, nous savons néanmoins qu'il faudra aller plus loin, pour parvenir un jour à la définition d'un vrai statut de l'élu local.

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