Intervention de Annie Genevard

Séance en hémicycle du mercredi 9 juin 2021 à 15h00
Bioéthique — Article 4 (précédemment réservé)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Genevard :

L'article 4 est fondamental car il concerne le droit de la filiation. Or pour établir la filiation d'un enfant né par procréation médicalement assistée (PMA) au sein d'un couple de femmes, il était inutile de bousculer le droit en vigueur : les dispositions nécessaires existent et ont fait la preuve de leur clarté et de leur solidité. Les modifications que vous proposez ne sont donc guidées que par une obsession : effacer toute différence entre la femme qui accouche et l'autre femme. Du reste, c'est la même volonté qui motivait la proposition de pratiquer la fécondation in vitro dite réception des ovocytes de la partenaire – FIV-ROPA – que vous avez refusée, j'ose le dire, grâce à nous. Et c'est à cause de cette obsession que j'ai tant de mal à vous faire reconnaître la spécificité de la femme qui accouche.

Je vous rappelle d'où nous partons : au début de la première lecture, Mme Belloubet – votre prédécesseur, monsieur le garde des sceaux – avait déclaré que ce n'est pas l'accouchement qui fait la filiation. Ce sont ses propres mots !

Depuis, vous avez évolué, et la mère qui accouche est désormais rétablie dans ses droits. Tant mieux ! Quoi que vous en disiez, en effet, il demeurera toujours une différence entre elle et la mère d'intention, même si elle n'est pas d'ordre hiérarchique et n'exclut pas l'égalité – ce que l'alinéa 5, du reste, affirme très clairement : « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont, dans leurs rapports avec leurs parents, les mêmes droits et les mêmes devoirs […]. La filiation fait entrer l'enfant dans la famille de chacun de ses parents. »

Cette différence demeure parce que le corps de la mère n'est pas seulement un réceptacle. Un embryon apprend à partir de ce que fait et vit sa mère. Au fil des semaines, un attachement se noue entre l'un et l'autre par la production d'ocytocine.

Dès lors, une question se pose : comment établir le second lien de filiation ? Le problème de la solution que vous proposez – la reconnaissance conjointe –, c'est justement qu'elle obéit à la logique d'effacement des différences.

À cet égard, et même si je reste profondément et en conscience hostile à la privation délibérée de père que suscite l'ouverture de la PMA aux couples de femmes, je considère que le texte issu du Sénat – que la commission a supprimé – était équilibré et pouvait être considéré comme un compromis acceptable. En effet, tout en préservant le droit de la filiation charnelle pour tous les enfants, il adaptait les conditions d'adoption pour faciliter l'établissement du lien de filiation entre l'enfant et la mère d'intention.

Je le répète, cette proposition, que nous avons défendue en première et en deuxième lecture et que le Sénat a adoptée, est équilibrée, car elle garantit des liens de filiation égaux, bien que de nature différente, puisque les situations sont objectivement distinctes. En outre, elle ne bouscule pas le droit actuel de la filiation. Je rappelle que lors de la discussion de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, l'adoption était vraiment espérée par ces couples. Pourquoi ce qui était valable il y a huit ans est aujourd'hui rejeté, alors même que le recours à l'adoption pour établir le second lien offre beaucoup plus d'avantages et d'intérêt que votre proposition ?

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