Intervention de Marie-George Buffet

Séance en hémicycle du mardi 21 septembre 2021 à 15h00
Responsabilité pénale et sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

La colère exprimée après la déclaration de l'irresponsabilité pénale de l'auteur du meurtre barbare et antisémite de Mme Sarah Halimi, je la comprends, si nous nous plaçons du côté des victimes qui ont le sentiment que la justice n'est pas rendue. Ce sentiment d'injustice est d'ailleurs ressenti quasiment chaque fois que l'irresponsabilité pénale est prononcée.

Nous devons rendre la meilleure justice possible ; elle est parfois difficilement compréhensible, et donc difficilement comprise, par les victimes. L'irresponsabilité pénale est un des piliers de notre justice. Les juges sont les garants de sa bonne application en se fondant sur le travail des expertes et experts. La justice pénale ne peut se construire sur l'émotion.

Fallait-il donc procéder à une telle modification du régime d'irresponsabilité pénale défini par l'article 122-1 du code pénal ? Une telle modification ébranle notre édifice pénal, et apparaît plus théorique que pratique, comme le souligne le Conseil d'État en notant que « la réunion des conditions de l'exclusion de l'irresponsabilité para[ît] très théorique et la preuve de l'élément intentionnel extrêmement difficile à apporter en pratique ». Cette modification est également jugée inopportune dans le rapport de février 2021 de nos anciens collègues Philippe Houillon et Dominique Raimbourg rédigé à l'issue des travaux d'une mission sur ce sujet.

Fallait-il une énième loi sur la sécurité intérieure ? Nous ne pouvons construire le droit ainsi, et encore moins le droit pénal. Pour notre part, nous souhaitons que l'abolition du discernement au moment de l'acte reste exclusive de l'intention au sens du droit pénal et nous nous opposerons aux trois premiers articles.

Permettez-moi une incise sur l'état de la psychiatrie en France. Quel est l'intérêt de mettre en prison des personnes souffrant de graves troubles psychiatriques ? La prison n'est pas dotée des équipements médicaux nécessaires, même si des secteurs de psychiatrie en milieu carcéral existent. S'il est nécessaire, vu leur état psychique, d'enfermer et de soigner des personnes pour protéger la société, qu'elles le soient dans des lieux adaptés, quitte à améliorer les mesures de sûreté ; cela sera plus bénéfique pour tout le monde.

La dernière étude épidémiologique sur la maladie mentale en prison, citée par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, concluait au fait que 80 % des détenus masculins souffraient d'au moins un trouble psychiatrique, et 24 % d'un trouble psychotique. Plusieurs fois dans cette Assemblée, et sur tous les bancs, nous avons dénoncé le fait que la psychiatrie ait été sacrifiée dans notre pays : les conditions de prise en charge sont dégradées, les structures manquent, le nombre de lits en service de psychiatrie a été divisé par deux en vingt-cinq ans.

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