Intervention de Barbara Pompili

Réunion du vendredi 1er avril 2022 à 9h30
Commission des affaires économiques

Barbara Pompili, ministre :

Madame Hennion, s'agissant de l'efficacité énergétique des bâtiments, nous avons renforcé l'accompagnement des ménages dans le cadre du programme C2E-SARE (service d'accompagnement à la rénovation) et développé les espaces Info Énergie. Nous allons franchir une étape supplémentaire avec l'arrivée des accompagnateurs Rénov', prévus dans la loi « Climat et résilience » – le décret a fait l'objet d'une concertation et sera bientôt transmis au Conseil d'État. Ces accompagnateurs ont pour mission d'aider nos concitoyens à faire les bons choix et à trouver les bons financements pour que la rénovation de leur logement soit la plus efficace possible. Bien entendu, il est important que les DPE soient fiables puisqu'un état des lieux sera dressé avant et après les travaux.

Le DPE a été rénové pour être plus fiable. La méthode a évolué en profondeur, car nous avons tenu compte, avec Emmanuelle Wargon, des problèmes soulevés il y a quelques mois. La refonte était donc nécessaire et importante ; elle s'appliquera également, du reste, aux audits énergétiques, sur lesquels sont fondées les aides à la rénovation globale.

Vous réclamez une certaine souplesse concernant le chauffage au gaz. Attention : nous mesurons à quel point notre dépendance au gaz risque de poser problème l'hiver prochain. Certes, on ne peut pas tout changer du jour au lendemain. Il s'agit donc de poursuivre la démarche engagée dans la réglementation environnementale applicable aux bâtiments neufs, la RE2020, qui exclut, pour les bâtiments neufs, les chauffages au gaz – et c'est très bien. Pour l'ancien, une transition doit être aménagée : nous n'exclurons pas complètement les aides en faveur des solutions hybrides notamment, mais nous devons aider nos concitoyens à se passer du gaz le plus vite possible.

Madame Petel, en application de la loi « Énergie climat », les centrales à charbon sont soumises depuis cette année à une limite de production de 700 heures de fonctionnement par an. Cette mesure a conduit à la fermeture de deux des quatre dernières centrales à charbon françaises. Conformément à ce qu'elle avait prévu, GazelEnergie a fermé la centrale de Saint-Avold le 31 mars 2022.

Avant même la crise en Ukraine, des difficultés imprévues affectant le parc nucléaire – nous les avons évoquées – avaient créé des tensions sur l'équilibre entre offre et demande d'électricité. Pour assurer la sécurité de l'approvisionnement jusqu'à la fin de l'hiver, la contrainte sur les heures de fonctionnement des centrales à charbon avait été assouplie : nous l'avions portée à 1 000 heures pour la période de janvier à février 2022, auxquelles s'ajoutaient 600 heures pour le reste de l'année.

Comme je l'ai indiqué en répondant à Mme Batho, j'ai demandé à EDF un audit indépendant pour identifier les leviers permettant d'optimiser la disponibilité du parc nucléaire et de retrouver les marges dont nous avons besoin. Les conclusions seront remises d'ici à la fin du mois de mai.

Indépendamment de la disponibilité du parc nucléaire, le conflit russo-ukrainien nous impose une nouvelle contrainte et nous conduit à anticiper des scénarios de moindre disponibilité du gaz naturel. Dans ce contexte de crise, nous travaillons étroitement avec RTE, qui actualisera prochainement ses scénarios prévisionnels pour l'hiver prochain. La centrale de Saint-Avold, désormais fermée, n'a pas vocation à fonctionner dans les prochains mois. Toutefois, les travaux de RTE pourraient conclure à l'opportunité d'autoriser son redémarrage ponctuel afin de sécuriser l'approvisionnement électrique au cours de l'automne et de l'hiver prochains. Cela passerait alors par un nouvel assouplissement temporaire de la contrainte sur son nombre d'heures de fonctionnement, ainsi que sur celui de la centrale de Cordemais. Nous avons demandé à GazelEnergie et à EDF de se préparer à cette éventualité.

La décision, dans un sens ou dans l'autre, sera prise dans les prochaines semaines. Je tiens à préciser que la centrale de Saint-Avold ne pourrait reprendre temporairement sa production l'hiver prochain que sous deux conditions : l'absence d'approvisionnement en charbon russe et la compensation intégrale des émissions de gaz à effet de serre dues à son fonctionnement afin d'en neutraliser l'impact climatique.

Avec ou sans reprise temporaire de la production à Saint-Avold, la production d'électricité à partir de charbon restera très marginale en France : sa part est inférieure à 1 %. Le fonctionnement éventuel de la centrale de Saint-Avold l'hiver prochain, lié au contexte exceptionnel de la guerre en Ukraine, ne remettrait évidemment pas en cause la trajectoire globale de sortie du charbon en France, qui s'est traduite au cours des dernières années par l'arrêt définitif des tranches du Havre et de Gardanne.

J'y insiste, nous pouvons prendre des mesures en raison de l'urgence, mais la trajectoire de fond à moyen et long terme demeure inchangée. Compte tenu des problèmes actuels, certains suggèrent de remettre la transition écologique à plus tard. C'est hors de question ! Je pense au contraire qu'il faut l'accélérer et j'ai évoqué un certain nombre de mesures que nous avons prises en ce sens.

J'en viens à la reconversion des centrales à charbon. Dans le cadre de la préparation de la fermeture des quatre centrales restantes, nous avons pris des mesures spécifiques destinées aux territoires concernés. L'impact de la décision de fermeture est très différent d'un site à l'autre : il est très limité pour les centrales opérées par EDF, puisque l'exploitant a adopté un plan de reconversion en interne n'impliquant pas de suppressions d'emplois ; en revanche, les conséquences sont plus importantes pour les centrales opérées par GazelEnergie, qui sont soumises aux dispositions du code du travail relatives au plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) et au congé de reclassement. À Saint-Avold, le choix a été fait d'un plan de départs volontaires sans départ contraint. Les difficultés se concentrent donc principalement sur le site de Gardanne, que madame Petel a mentionné.

Afin de réduire l'impact social de sa décision, le Gouvernement a pris le 29 juillet une ordonnance portant diverses mesures d'accompagnement des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon. Ses dispositions s'appuient sur le code du travail en matière de licenciement économique. Elles améliorent le PSE sans se substituer aux obligations que fixe à l'employeur le droit du travail en matière de reclassement des salariés. Autrement dit, l'action de l'État tend à compléter les dispositifs institués et financés par l'employeur.

À Gardanne, compte tenu du contexte local, la question du « tuilage » entre la suppression des emplois prévue entre fin 2023 et 2025 par le PSE de GazelEnergie et la création de nouveaux emplois grâce aux projets industriels pressentis a été logiquement posée. Une solution de portage salarial et d'accompagnement en matière de formation est en cours d'analyse par mes services.

Pour accompagner la reconversion des territoires touchés par la mise à l'arrêt des centrales à charbon et la perte d'emplois locaux, le Gouvernement a signé quatre projets de territoire. Un délégué interministériel a été nommé pour suivre leur rédaction et leur concrétisation en lien avec les représentants de l'État dans les territoires. Bien évidemment, ces projets de territoire sont tous assortis d'objectifs de transition écologique vers les énergies renouvelables.

Une des solutions pour se passer définitivement du charbon consiste à développer des substituts moins émetteurs de gaz à effet de serre sur l'ensemble du cycle de vie du combustible. Il peut notamment s'agir de granulés de biomasse traités thermiquement par des procédés de torréfaction ou d'explosion à la vapeur ; ce sont les fameux « black pellets » dont il a beaucoup été question pour le site de Cordemais. Le carbone capté par la biomasse au cours du cycle de vie peut compenser les émissions libérées au moment de la combustion. À cet égard, Frédérique Vidal et moi-même avons lancé, le 17 février dernier, un appel à manifestation d'intérêt national visant à identifier et à soutenir les projets de nature à accélérer la mise sur le marché de granulés de biomasse traités thermiquement pour remplacer le charbon.

J'aurai l'occasion de revenir ultérieurement sur la question de l'accompagnement des consommateurs. En la matière, le principe est de poursuivre la politique que nous avons engagée pour améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments et encourager l'achat de modes de chauffage plus performants.

Madame Batho, la production de gaz de schiste est interdite en France. Nous ne voulons pas en produire, pour des raisons évidentes. Toutefois, nous sommes aujourd'hui contraints d'importer du gaz des États-Unis, qui contient nécessairement une part de gaz de schiste. Il nous est difficile, sinon impossible, de déterminer exactement quelle est cette part, les gaz provenant de différentes sources étant mélangés. En tout cas, je partage votre point de vue : il n'est pas bon de dépendre de ce type d'énergie.

Nous contactons en ce moment tous les pays producteurs de gaz en prévision d'un éventuel arrêt des importations de gaz russe. Je vous ai rappelé notre niveau de dépendance à l'égard de celui-ci. Le meilleur moyen de s'en passer est évidemment de réduire notre dépendance au gaz et au pétrole, grâce à toutes les mesures que nous avons évoquées. Contrairement à ce que j'ai pu entendre, nous n'allons pas commencer à produire du gaz de schiste en France ! Notre intention est bien de réduire notre dépendance pour ne plus avoir besoin d'importer de gaz de schiste ni de gaz produit par des pays dont nous ne voulons plus dépendre, Russie ou autres.

Nous prenons, d'une part, des mesures d'urgence qui ont vocation à s'appliquer le moins de temps possible et, d'autre part des mesures de moyen et long termes, dont il faut accélérer autant que possible la mise en œuvre.

Nous ferons bien évidemment la grande campagne de communication que nous avons annoncée. Je constate qu'elle recueille l'assentiment de plusieurs d'entre vous. Sa conception est en cours. Nous allons lancer la production des vidéos, du site internet et des affiches. Nous travaillons également sur son budget, évalué à 15 ou 20 millions d'euros. Son lancement est possible en mai. Nous sommes en train d'examiner ce qu'il est possible de faire dans le cadre juridique imposé par la période de réserve électorale. À ce stade, je peux vous indiquer que cette campagne sera ciblée à la fois sur les ménages et sur les entreprises et qu'elle portera notamment sur la rénovation des bâtiments, sur les écogestes et sur la mobilité. Il est nécessaire de mobiliser tout le monde, le plus vite possible. La campagne sera lancée, sous les réserves que je vous ai indiquées.

Vous avez fait allusion à un reportage concernant Storengy. Les infrastructures gazières sont responsables de 2 % des émissions totales de méthane en France, Storengy émettant 5 % de ces 2 %, soit 0,1 % des émissions nationales. En disant cela, je ne cherche nullement à minimiser ce dont nous parlons ; je souhaite simplement donner un ordre de grandeur. Le reportage évoquait des mises à l'évent. Celles-ci peuvent être réalisées dans trois cas : soit pour faire baisser la pression par mesure de sécurité ; soit pour assurer la maintenance ; soit pour mettre en sécurité le personnel présent sur le site – il s'agit alors d'arrêts fortuits. Certaines de ces mises à l'évent sont indispensables ; il ne s'agit en aucun cas d'opérations de confort – dire l'inverse serait de la démagogie. Nous sommes en train de vérifier que les mises à l'évent en question relèvent bien de ces trois cas. Les informations que nous avons recueillies nous donnent plutôt le sentiment qu'il en est ainsi, mais nous restons bien sûr vigilants.

Je complète la réponse que j'ai donnée tout à l'heure à propos du parc nucléaire. Nous avons besoin qu'EDF mène un travail sur ses calendriers de maintenance. Nous examinons en outre avec RTE les moyens de maximiser l'efficacité en matière de production d'électricité. Néanmoins, outre la question de l'optimisation, se pose celle du vieillissement de certaines de nos centrales, notamment le problème de corrosion que nous constatons. Selon moi, pour faire face au plus vite aux risques auxquels nous avons été confrontés cet hiver, la réponse réside dans deux priorités d'égale importance réaffirmées par le Président de la République : travailler au maximum sur la demande d'électricité, en poussant tous les leviers, notamment l'amélioration de l'efficacité énergétique mais aussi les mesures de sobriété ; développer au maximum les énergies renouvelables.

Vous m'avez interrogée, monsieur Adam, sur les aides au GPL et au superéthanol E85. Depuis le déclenchement de la guerre à la fin du mois de février, le cours du baril de pétrole s'est envolé au-delà des 100 dollars : il a atteint 130 dollars au début du mois de mars avant de redescendre à 110 dollars à la fin du mois. Cette envolée a porté les prix des carburants au-delà de 2 euros par litre pendant la première quinzaine de mars. L'augmentation du prix du gazole a été plus marquée encore que celle du prix de l'essence, le premier dépassant désormais le second.

Compte tenu de cette forte hausse des prix, le Premier ministre a annoncé une remise de 15 centimes hors taxes par litre de carburant applicable pendant quatre mois. Il a indiqué que l'aide devait bénéficier à tous les consommateurs : particuliers et professionnels, notamment agriculteurs, pêcheurs et transporteurs routiers. Le coût du dispositif est estimé à 3 milliards d'euros.

Le décret précisant les modalités de cette aide a été publié le 26 mars. La remise est de 15 centimes d'euros hors taxes par litre pour les essences et les gazoles, de 15 euros par mégawattheure pour les gaz naturels utilisés comme carburant et de 29,13 euros par unité de 100 kilogrammes net pour le GPL. Le décret précise la liste des carburants éligibles : sont notamment concernés le gazole pêche, le gazole non routier (GNR), les essences sans plomb SP95-E5, SP98-E5 et SP95-E10, le GPL carburant, le gaz naturel véhicule (GNV), le superéthanol E85 et l'éthanol diesel ED95.

Nous n'avons pas souhaité différencier la remise en fonction du consommateur de carburant, de la motorisation du véhicule ou de la teneur en biocarburant. Malgré les différences qui peuvent exister entre eux, tous les carburants bénéficieront d'une aide équivalente, car nous avons voulu que la mesure soit simple et compréhensible. En tout cas, elle ne peut qu'encourager ceux qui ont déjà fait des efforts en matière de carburant.

S'agissant des aides MaPrimeRénov' pour remplacer une chaudière à gaz ou installer un thermostat programmable, je complète la réponse que j'ai donnée tout à l'heure à Mme Petel.

Je l'ai rappelé, les économies d'énergie, en particulier celles qui portent sur les énergies fossiles, sont au cœur des actions qu'il convient de mener. Dans le cadre du plan de résilience économique et sociale, le Premier ministre a annoncé le renforcement de plusieurs moyens d'action : le fonds « Chaleur », pour accompagner les projets de chaleur renouvelable des entreprises et des collectivités ; le fonds « Décarbonation de l'industrie », pour accompagner les projets de réduction de la consommation d'énergies fossiles dans l'industrie et de substitution biomasse ; les aides MaPrimeRénov', pour favoriser l'installation de chauffages individuels renouvelables chez les ménages relevant du premier au huitième décile de revenus. Ce seront des leviers importants, cumulables avec le dispositif des C2E. L'idée est de déclencher des décisions d'investissement de la part des ménages et des entreprises.

Je le répète, les aides à l'installation d'un chauffage central renouvelable – chaudière biomasse, pompe à chaleur air-eau ou géothermique, système solaire combiné – seront augmentées de 1 000 euros, du 15 avril au 31 décembre 2022. Il y aura un tuilage avec les aides MaPrimeRénov' au remplacement des chaudières à gaz, lesquelles s'éteindront le 1er janvier 2023. L'installation de chaudières à gaz haute performance ne sera pas interdite avant 2025, mais il faut dès maintenant se placer dans la perspective de ne plus consommer de gaz naturel d'ici quinze ans pour chauffer les bâtiments ou l'eau à usage sanitaire.

Je le redis, il ne me semble vraiment pas pertinent d'instituer des aides en faveur des ménages aisés ou aux revenus intermédiaires pour installer des chaudières individuelles à gaz dans des logements collectifs, le prix de ces chaudières étant par ailleurs modéré, en tout cas accessible pour ces ménages.

Le déploiement rapide des thermostats programmables est un enjeu que la filière énergétique et les pouvoirs publics doivent gérer. L'installation d'un thermostat programmable est depuis longtemps obligatoire dans tous les bâtiments résidentiels existants – c'est-à-dire comportant au moins deux logements – dont les équipements de chauffage ou de climatisation out une puissance supérieure à 30 kilowatts. C'est le cas depuis 2018 lorsqu'une chaudière ou un chauffage eau est installé ou remplacé, et cela concerne au moins 600 000 logements par an. Ce sera le cas à partir du 1er janvier 2025 pour tous les bâtiments tertiaires dont les équipements de chauffage ou de climatisation out une puissance supérieure à 290 kilowatts.

Les C2E apportent une aide d'environ 65 euros par logement. Ce montant avait été porté à 150 euros entre juin 2020 et décembre 2021, mais on a constaté que les résultats de cette mesure étaient très faibles. Plutôt qu'un problème financier, c'était probablement un manque de motivation des ménages qui était en cause. D'où la nécessité d'une acculturation, notamment grâce à des campagnes de communication.

Les entreprises de maintenance réalisent chaque année environ 10 millions de visites d'entretien de chaudière à gaz. Ce sont autant d'occasions de sensibiliser les ménages à la nécessité d'installer un thermostat programmable ou de les former à utiliser celui dont ils disposent déjà. Peut-être devrons-nous également renforcer certaines obligations.

Plus globalement, pour diminuer notre consommation d'énergies fossiles, nous devons, dans la durée, d'une part déployer tous les outils existants – incitatifs, financiers et réglementaires – et d'autre part réfléchir à d'autres leviers, y compris plus contraignants, notamment s'il faut répondre à des situations de crise. Il nous faudra travailler avec tous les secteurs économiques, avec les filières professionnelles et avec les collectivités pour déployer l'action dans les territoires. Une telle démarche est porteuse de solutions. À cela doit s'ajouter la campagne dont nous avons parlé.

Monsieur Lagleize, vous avez évoqué l'impact de la guerre sur le secteur aérien et m'avez interrogée sur la proposition n° 18 que Mme Pinel et vous-même avez formulée dans votre rapport relatif à l'avenir du secteur aéronautique en France – à savoir, rehausser les objectifs d'incorporation fixés dans la réglementation européenne ReFuelEU Aviation en prévoyant un mandat d'incorporation de carburants durables d'aviation (SAF) de 10 % dès 2030. Nous sommes très attentifs, je l'ai dit, aux travaux réalisés par les parlementaires. En l'espèce, nous privilégions plutôt la piste d'une clause de revoyure.

D'une part, il convient d'abord de traiter le problème des fuites de carbone vers les hubs situés hors de l'Union européenne du fait de l'absence de tels mandats. Tel est le cas, par exemple, dans les pays du Golfe. Ces hubs sont les concurrents directs des compagnies et des hubs européens, notamment d'Air France sur les liaisons long-courriers avec l'Asie.

D'autre part, avant d'augmenter le niveau d'incorporation, il faut répondre à un enjeu de production. Dans le plan de relance, nous avons affecté 1,5 milliard d'euros sur trois ans à la recherche et développement dans le domaine aéronautique, contre moins de 200 millions par an au cours de la décennie précédente.

De manière générale, nous suivons de très près l'évolution de la situation. Les compagnies aériennes ont des couvertures qui leur permettent de répercuter dans les prix ce qui doit l'être. Notre ambition est de mettre au plus tôt sur le marché un avion bas-carbone, idée qui paraissait absurde il y a seulement cinq ans, ce qui montre le chemin parcouru en très peu de temps. Dans le plan « France 2030 », nous avons prévu 1,2 milliard d'euros pour contribuer à l'invention de l'avion bas-carbone.

J'en viens aux mesures relatives aux biocarburants dans l'aérien. En 2022, 1 % de l'énergie incorporée dans les carburéacteurs devra être biosourcée. C'est un premier pas qui entraînera toute la filière vers l'utilisation de carburants moins émetteurs. Nous devons accompagner le secteur dans cette transformation en assurant, par une augmentation progressive du niveau d'incorporation, le développement d'une filière d'excellence française de production et d'utilisation de biocarburants aériens.

En 2030, 5 % de l'énergie du carburéacteur sera biosourcée. Notre priorité est de développer des capacités de production de biocarburants avancés – nous n'en sommes plus à la première génération – et de structurer des filières logistiques de collecte des intrants. Dans le cadre de cette stratégie d'accélération des produits biosourcés et des carburants durables, qui relève de « France 2030 », des guichets sont mis en place, qui renforceront le soutien apporté à la filière par la taxe relative à l'incorporation des énergies renouvelables. Nous pensons pouvoir soutenir dès 2022 les premiers projets structurants pour la filière. Des leviers complémentaires sont à l'étude pour les biocarburants. Notre volonté demeurera forte dans ce domaine, et vous pouvez compter sur moi pour éviter la concurrence avec l'alimentation.

Vous le savez, monsieur Potier, je veille très scrupuleusement à ce que l'accélération du développement des énergies renouvelables n'entraîne pas de suraccident. C'est pourquoi nous rectifions parfois la réglementation pour qu'elle soit plus adaptée. Nous l'avons notamment fait pour les méthaniseurs, car nous avions constaté de premiers effets négatifs, néanmoins inhérents au démarrage d'une filière.

En tout cas, nous devons poursuivre le soutien public au développement de toutes les énergies renouvelables, par toutes les mesures possibles : les arrêtés tarifaires prévoyant un guichet ouvert pour les petites installations, les appels d'offres pour les installations plus importantes, le renforcement du fonds « Chaleur ». En 2021, grâce à ce soutien, environ 23 % de la production électrique nationale a été d'origine renouvelable : l'hydroélectricité a assuré 12 % de cette production ; l'éolien terrestre, 7 % – soit davantage que les centrales à gaz ; le photovoltaïque, 3 %.

Je ne vais pas répéter ce qui figure dans le rapport remis par RTE. Il n'y a aucun regret à avoir concernant les mesures qui doivent nous permettre de faire face aux besoins, y compris celles annoncées par le Président de la République à Belfort. Il faut améliorer l'efficacité énergétique, maîtriser la demande et développer toutes les énergies renouvelables.

Nous préparons plusieurs mesures pour renforcer le développement du biogaz. Nous élaborons une réglementation plus adaptée en la matière. En outre, nous consultons actuellement la filière sur des appels d'offres relatifs à de grandes installations, que nous espérons pouvoir lancer très prochainement. Ces appels d'offres permettront d'apporter rapidement un soutien à des projets de grande taille et d'accélérer la dynamique de la filière. À plus long terme, les certificats de production de biogaz prendront le relais. Enfin, des mesures sont à l'étude pour augmenter les capacités de production et sécuriser la réalisation de projets en cours de développement.

Tout cela doit se faire en coordination avec les territoires. On parle souvent des éoliennes, mais des questions sont aussi soulevées à propos de la méthanisation, voire du solaire. Tout nouveau projet d'énergies renouvelables doit faire l'objet d'une concertation locale, ainsi que d'une évaluation environnementale sérieuse afin de limiter son impact potentiel sur l'environnement.

Je tiens toutefois à rappeler que, pour ce qui est de la perte de biodiversité, les énergies renouvelables sont non pas le problème, mais une partie de la solution – j'en ai encore discuté récemment avec des scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Bien évidemment, nous devons réaliser les projets d'énergies renouvelables, notamment d'éoliennes, terrestres ou en mer, en faisant attention à leurs répercussions sur la biodiversité, mais ce sont eux qui contribueront à réduire nos émissions de gaz à effet de serre, donc notre impact sur le changement climatique, qui est une des causes majeures de la perte de biodiversité. Gardons cela en tête pour éviter les erreurs d'interprétation.

Madame Bessot Ballot, l'hydroélectricité demeure la première source d'énergie renouvelable. Pour mémoire, il y a en France environ 400 concessions hydroélectriques, qui représentent 90 % des capacités installées, et 2 100 petites centrales hydroélectriques, qui représentent les 10 % restants. Il faut être conscient de ces proportions.

L'État soutient le développement de l'hydroélectricité, dont la petite hydroélectricité, à travers un dispositif d'appel d'offres annuel et un guichet ouvert résultant d'arrêtés tarifaires qui s'appliquent automatiquement aux installations de moins de 1 mégawatt. La loi prévoit désormais que, préalablement à l'élaboration de la programmation pluriannuelle de l'énergie, le Gouvernement réalisera une étude sur le potentiel hydroélectrique et les capacités des installations de stockage. Les résultats de cette étude de potentiel seront disponibles d'ici à la mi-2022. Tous les potentiels seront de nouveau explorés, y compris ceux de la petite, voire de la micro-hydroélectricité. Néanmoins, je le répète, il faut avoir en tête les ordres de grandeur : le gros du potentiel se trouvera dans l'amélioration des installations ou dans de nouveaux équipements dans les concessions de plus de 4,5 mégawatts et dans la moyenne hydroélectricité, davantage que dans les moulins. Ces derniers peuvent fournir un appoint. Contrairement à ce que j'ai pu entendre de la part d'une personne désormais candidate à l'élection présidentielle, ce n'est pas avec les moulins que nous allons résoudre nos problèmes d'approvisionnement en électricité !

Vous m'avez aussi interrogée sur la continuité écologique des cours d'eau. La loi comporte désormais l'obligation d'établir un bilan triennal des mesures prises en application de l'article L. 214-17 du code de l'environnement, qui doit notamment permettre d'évaluer l'incidence des dispositions législatives et réglementaires sur la production hydroélectrique. En outre, la loi a introduit de nouvelles conditions pour restaurer la continuité écologique des cours d'eau de la liste 2, c'est-à-dire ceux sur lesquels l'absence de fragmentation est un enjeu clé pour les poissons migrateurs et pour la qualité de l'eau – 11 % des cours d'eau sont inscrits sur cette liste. Un travail de concertation a été engagé à l'échelle nationale avec l'ensemble des acteurs afin d'établir une doctrine pour l'application de cette mesure et d'encourager les conciliations locales sur les solutions de restauration à privilégier. Il s'agit de permettre à un propriétaire qui avait proposé l'effacement de son seuil et obtenu l'aval de l'État et des financements à cet effet de mener son projet à bien.

La disposition adoptée sur ce point dans la loi « Climat et résilience » va évidemment s'appliquer, puisque telle est la volonté du Parlement, mais elle est allée trop loin. À cause d'elle, des projets d'effacement de seuils, pourtant frappés au coin du bon sens et ayant recueilli l'accord de tous, ne pourront pas être réalisés, ou à tout le moins financés – plusieurs responsables de collectivité locale sont venus me voir à ce sujet. Pour ma part, je regrette vivement le vote de cette disposition : au lieu de faciliter la concertation, elle commence à poser au niveau local des problèmes qu'il n'est pas évident de résoudre.

Vous avez institué, par la loi, un médiateur de l'hydroélectricité. Il s'agit d'une expérimentation de quatre ans, dans un périmètre géographique limité. L'objectif est de permettre aux porteurs de projets, aux exploitants d'installations hydroélectriques et aux services de l'État de solliciter une médiation pour rechercher des solutions amiables dans la réalisation des projets d'installations hydroélectriques ou dans leur exploitation. Nous avons choisi la région Occitanie comme périmètre de l'expérimentation, car nous pensons que c'est un terrain propice à la mise en œuvre de ce nouveau dispositif. Ce texte a fait l'objet d'une large consultation, auprès de la filière, des ONG, des fédérations de pêche et du CESE. Le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) sera consulté à son tour et le texte sera adopté prochainement.

Enfin, la loi a instauré un portail national de l'hydroélectricité, pour permettre aux porteurs de projets, aux exploitants et aux parties prenantes d'accéder, à partir d'un point unique, aux documents les plus importants pour toutes les installations ou projets d'installations hydroélectriques. Le Gouvernement a d'ores et déjà créé, sur le site du ministère de la transition écologique, la page internet donnant accès à ce portail.

Nous aimons l'hydroélectricité, la grande, la moyenne, la petite. Néanmoins, sur cette question comme sur les autres, il faut garder le sens des proportions, pour rester en phase avec les réalités.

Madame Battistel, je ne peux guère vous en dire plus à propos du suréquipement, car la question est liée au débat sur la prolongation des concessions. Nous pourrons néanmoins approfondir nos échanges à ce sujet si vous le souhaitez.

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