Intervention de Sonia de La Provôté

Réunion du mardi 22 février 2022 à 13h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Sonia de La Provôté, sénatrice, rapporteure :

Pour ce rapport, nous avons retenu quatre thématiques. Mon propos portera sur l'état des connaissances en matière de Covid long et la prise en charge de ce syndrome.

On définit désormais le Covid long comme l'absence de retour à l'état normal de santé après une infection à la Covid-19. Le champ ouvert est donc assez large puisque concrètement, le Covid long se présente sous la forme d'un ensemble multi-systémique de symptômes polymorphes et persistants. Il reste à s'entendre sur cet ensemble de symptômes, leur polymorphisme et surtout leur durée après une infection au Covid, puisque les critères varient selon les pays et l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

En avril 2021, une première audition avait donné des éclairages retranscrits dans le rapport de juillet 2021. Depuis, il y a eu quelques avancées mais aucun changement majeur, pas même sur le plan de la reconnaissance de la maladie.

L'Office a organisé une table ronde le 16 décembre 2021 pour faire le point sur l'état des connaissances. Il subsistait alors beaucoup d'hypothèses, et il semble qu'il n'y en ait guère moins aujourd'hui. Sur le plan épidémiologique, des travaux sont encore en cours. Certes, les cohortes de patients ont commencé à être étudiées il y a plus d'un an, donc les choses avancent malgré tout, mais la nomenclature n'est pas encore stabilisée. Il faut notamment distinguer le Covid long de la forme ambulatoire de la maladie, ce qui demeure difficile : pour la Haute Autorité de santé, on parle de Covid long lorsqu'au moins un symptôme persiste après plus d'un mois ; pour le Royaume-Uni, cette durée est de trois semaines ; pour l'OMS, tout est mis sous le vocable large d'« affection post-Covid ».

Il n'y a pas non plus de consensus sur la prévalence. Dans certaines cohortes de personnes hospitalisées, on trouve jusqu'à 50 % de patients présentant au moins un symptôme au bout de 6 mois. En ambulatoire, les choses sont un peu différentes, mais la difficulté tient ici à ce que les patients n'ont pas tous eu les mêmes symptômes et qu'il est compliqué de constituer une cohorte de suivi cohérente.

Dans ce contexte, la loi récemment promulguée créant une plateforme de référencement aidera à améliorer le suivi. En effet, à partir d'une cohorte plus large, il sera possible de faire des sous-groupes et de mieux identifier la prévalence du Covid long.

Les symptômes de l'état post-Covid apparaissent peu spécifiques. Un seul est vraiment caractéristique, la persistance de l'anosmie, souvent associée à l'agueusie, mais il n'est pas le plus fréquent. Le grand nombre de symptômes possibles – asthénie, céphalées, dyspnée, myalgie, toux – rend l'état post-Covid très polymorphe, avec une symptomatologie peu spécifique.

On sait par ailleurs que plus la forme initiale a été bruyante et sévère, plus les symptômes persistent. On sait également que la prévalence de l'état post-Covid augmente quand l'âge augmente, et qu'il est plus courant chez la femme. Certains éléments communs aux patients post-Covid commencent à être identifiés, mais ce travail est compliqué.

Il y a enfin des spécificités pédiatriques : ceci est important dans la mesure où le Covid pédiatrique étant souvent asymptomatique, il n'y a pas eu de diagnostic initial dans la plupart des cas. Une cohorte de 220 000 jeunes de 11 à 17 ans a été suivie au Royaume-Uni et l'on a constaté chez 14 % d'entre eux la persistance de deux symptômes après 15 semaines. On trouve souvent chez les enfants des céphalées et de la fatigue, mais aussi de la déscolarisation, des problèmes de suivi des cours à l'école, des troubles de l'attention. Il y a enfin les PIMS, ces processus inflammatoires dont on ignore encore la façon dont ils sont liés au Covid.

Une dernière question reste prégnante : le post-Covid est-il un état post-infectieux ? Après la grippe espagnole, certaines maladies ont été identifiées, parmi lesquelles ces fameux syndromes inflammatoires chroniques. Les PIMS pourraient relever de cette même catégorie de syndromes que l'on verrait apparaître à l'occasion de pandémies ou d'épidémies, ou au moment de l'apparition de nouveaux virus. Mais il semble qu'avec le SARS-Cov-2, ces états soient plus fréquents et plus graves qu'après la grippe. A-t-on donc identifié une pathologie différente ou est-ce un ensemble de pathologies que l'on peut regrouper sous le même vocable ?

Sur le plan physiopathologique, les questions et les hypothèses demeurent très nombreuses. Comment faire la part entre les symptômes réels et des troubles fonctionnels supposés ? C'est l'une des grandes difficultés du diagnostic. Il semble toutefois qu'au cœur du Covid long, il y ait des mécanismes immunitaires inappropriés puisque les interactions sont nombreuses sur le plan immunitaire et qu'il est même possible de produire des auto-anticorps. À ce titre, on peut aussi considérer que le fait de recevoir des injections répétées de vaccin peut constituer un élément perturbateur, puisqu'il est avéré désormais, notamment avec le variant Omicron, qu'une personne vaccinée avec trois doses peut avoir un Covid bruyant – je viens d'en faire moi-même l'expérience. L'immunité ou la réaction immunitaire inadaptée deviendra une dimension importante du sujet.

D'autres hypothèses évoquent l'existence d'un réservoir caché tel qu'on peut en trouver avec le virus d'Epstein-Barr (EBV) ou les virus de l'herpès, comme les varicelles et les zonas plus tard, ou le cytomégalovirus. L'hypothèse d'une hypoxie initiale, avec une hypoxie du système nerveux central, a aussi été avancée mais elle ne permettrait d'expliquer qu'une partie des Covid longs.

En résumé, les hypothèses ont peu évolué. Il faut donc poursuivre l'effort de recherche avec des financements spécifiques de l'ANRS-Maladies infectieuses émergentes. C'est essentiel pour pouvoir adapter au mieux la prise en charge des patients, où beaucoup de progrès restent à faire. Il y a en France une grande marge de manœuvre ouverte aux initiatives locales. Cela signifie que selon le lieu de résidence, on a ou non accès à une prise en charge de qualité, une bonne information, un bon diagnostic.

Le dépistage est un sujet important. Il faut former les patients et les professionnels, notamment les médecins généralistes qui sont souvent la porte d'entrée dans le diagnostic. Il faut aussi standardiser la mesure des échelles de symptômes et mettre en place des grilles de lecture, comme cela a été fait dans un parcours de soins à Genève. À Montpellier, les professionnels de santé ont organisé un véritable parcours de soins ambulatoire avec un panel de moyens diagnostiques permettant d'obtenir une évaluation complète de l'état de santé du patient en vue d'une prise en charge adaptée, notamment la rééducation fonctionnelle et la rééducation à l'effort.

Nous avons repris les préconisations de la Haute Autorité de santé (HAS) concernant la mise en place de cellules de coordination. Mais un certain nombre de départements en sont aujourd'hui encore dépourvus, alors que ces cellules devaient être adossées aux CHU. Beaucoup de travail reste donc à faire pour qu'il y ait une égalité d'accès aux soins sur tout le territoire. Il devrait y avoir au moins une cellule de coordination par département, qui est une échelle intermédiaire de proximité ; certains départements auront d'ailleurs besoin de deux ou trois cellules. Commençons donc déjà par en installer une par département, et surtout un parcours de soins avec des référents identifiés. Le Covid long a une dimension anxiogène ; il est donc important que les patients soient accompagnés de la façon la plus sereine qui soit et que les modalités pratiques de la prise en charge soient réglées.

Le problème de la reconnaissance de la maladie reste entier. Reconnaissance médicale en premier lieu : selon les territoires, les professionnels de santé et les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), la réalité du Covid long et des conséquences qu'il a sur la vie des patients est plus ou moins reconnue. Une harmonisation est nécessaire.

En matière de réparation, il n'existe toujours pas d'ALD (affection de longue durée) spécifique au Covid long. Pour l'instant, trois cas de figure existent : soit le patient avait déjà une pathologie relevant d'une ALD et le Covid vient s'y greffer ; soit il y a eu une détresse respiratoire, qui peut entrer dans les ALD, même temporairement ; soit la maladie a pris une forme très invalidante au bout de six mois et elle peut alors entrer dans les ALD. Certains autres patients présentent toutefois des symptômes invalidants nécessitant des prises en charge qui peuvent être coûteuses. Il faut donc prendre une décision sur la question d'une ALD spécifique pour le Covid long.

La reconnaissance en maladie professionnelle se heurte encore à deux écueils. Le premier tient au fait que le diagnostic initial du Covid contracté en milieu professionnel n'a pas toujours été posé. Or le Covid long est la conséquence de ce Covid initial. La deuxième difficulté est que la maladie professionnelle initiale n'est reconnue que si le patient a eu une détresse respiratoire, une prise en charge avec une oxygénothérapie. Or on sait qu'un grand nombre de cas de Covid ont des conséquences fonctionnelles et symptomatologiques importantes quand bien même ils n'auraient pas nécessité d'oxygénothérapie.

Comment caractériser le Covid long dans le cadre d'une maladie professionnelle ? Le fait que l'on n'ait pas les idées claires sur la pathologie n'aide pas à la reconnaissance officielle. À l'inverse, si un Covid long est reconnu comme étant une conséquence de l'exercice professionnel, c'est aussi la réalité de la maladie en elle-même qui se trouve de ce fait reconnue. Certains professionnels de santé ont été identifiés comme étant potentiellement victimes du Covid du fait de leur activité. Mais un grand nombre d'entre eux qui ont contracté le Covid dans l'exercice de leur métier ne bénéficient pas de cette reconnaissance.

Les patients se sont activement mobilisés et se sont organisés en réseau. Ils participent ainsi à la reconnaissance du Covid long, notamment épidémiologique, et à l'amélioration de la prise en charge, y compris sur le plan sanitaire.

Il existe donc plusieurs leviers pour avancer : organiser le parcours de soins et le structurer avec une prise en charge thérapeutique adaptée, notamment dans un objectif de remise à l'effort car l'asthénie et la désocialisation font partie des risques importants de cette maladie, qui ne sont pas uniquement sanitaires. Une prise en charge psychologique est nécessaire, de même que former et accompagner les professionnels de santé, et aussi les administrations, c'est-à-dire le secteur médico-social dans son acception vaste, de façon à ce que tout le monde ait les mêmes référentiels. De leur côté, les patients doivent être informés de façon adaptée.

Nous émettons cinq préconisations. La première est l'égalité d'accès aux soins, quel que soit le territoire. La télémédecine devrait être mise à contribution. Mais il faudra surtout des consultations pluridisciplinaires et un réseau de prise en charge adapté de façon à ce qu'il n'y ait pas de perte de temps, que les patients ne soient pas laissés à eux-mêmes et que leurs syndromes ne prennent pas d'autres formes que la forme pathologique initiale. Je pense notamment au risque important de désocialisation et, pour les enfants, à la déscolarisation. L'information des soignants et des médecins généralistes est essentielle mais elle n'est pas encore entrée dans une phase très active. Il faut enfin sensibiliser le public, ce qui exige qu'on considère le Covid long comme une vraie maladie.

Un cadre clair doit être posé pour les ALD et les maladies professionnelles, ainsi qu'en matière de reconnaissance médico-sociale et de réparation. Sur le plan de la recherche, il faut cibler les financements et faire en sorte d'avoir une cohorte de suivi la plus large possible. Les cohortes sont suivies à six mois : on est donc relativement fixés sur les symptômes, l'histoire de la maladie, la prise en charge, le suivi. Mais plus elles seront larges, plus nous aurons les idées claires et plus nous serons efficaces sur le plan médical et physiopathologique, en matière de reconnaissance, qu'elle soit sociale ou en maladie professionnelle, et en qualité de prise en charge.

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