Intervention de André Chassaigne

Réunion du mardi 18 janvier 2022 à 17h20
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne, rapporteur :

Je partage ces réflexions et souhaite vous présenter les pistes que nous avons identifiées pour renforcer la capacité nationale et européenne de réponse aux crises.

Nos propositions partent d'un constat : les situations dans lesquelles nous aurons besoin les uns des autres vont se multiplier, se rapprocher, s'aggraver. La concomitance des feux de forêt et des inondations l'été dernier nous a montré qu'avec le dérèglement climatique, nous devrons faire face à de graves catastrophes naturelles, et ce dès maintenant. Il ne s'agit plus d'un avenir hypothétique, mais bien de notre sécurité collective immédiate.

Il faut donc agir à deux niveaux : l'échelon national et l'échelon européen.

L'échelon national est indispensable car le MPCU repose encore très largement sur les contributions des États. Nos entretiens avec les responsables de la protection civile suédoise nous ont permis de comprendre comment, en 2014 et en 2018, ce pays a été surpris et débordé par les importants feux qui ont frappé son territoire. Ces épisodes dramatiques auront eu au moins une vertu : la Suède n'est plus du côté des pays frugaux quand il s'agit de financer la protection civile européenne. Cela a aussi entraîné une montée en gamme des services suédois, qui ont acquis du matériel et remis l'accent sur des pans de la formation des pompiers qui avaient été négligés.

Ce que nous voulons tirer de l'exemple suédois, c'est une leçon pour l'avenir : il ne faut pas attendre d'être débordé par une catastrophe pour agir. Les risques rares mais d'une gravité exceptionnelle, qu'on appelle les cygnes noirs, sont par nature impossibles à prévoir avec exactitude. Cependant, lorsqu'ils se produisent, la préparation et l'entraînement sont au cœur de la résilience collective.

Il faut agir également au niveau du MPCU, ce qui m'amène à mon deuxième point, qui porte sur l'échelon européen. Ces fameux cygnes noirs sont particulièrement coûteux à anticiper. Il s'agit des catastrophes nucléaires, des attaques bactériologies, ou encore des crises simultanées. Leur cartographie implique un travail de recoupement des connaissances scientifiques : c'est le travail du Centre des connaissances en matière de gestion des risques de catastrophe, qui appartient à la DG ECHO.

Lorsqu'un risque est identifié, les États membres peuvent ensuite décider d'échanger leurs connaissances théoriques et leurs techniques opérationnelles, au sein de centres d'expertises thématiques pluridisciplinaires. Nous souhaitons mettre ces centres en avant car le premier d'entre eux a la France pour cheffe de file, sous l'égide de la Commission européenne. Il s'agit du projet Nemausus, centré sur la réponse aux feux de forêt : il s'appuiera sur l'expertise développée autour de la base de sécurité civile de Nîmes-Garons.

Si ce projet est une réussite, ce dont nous ne doutons pas, il faudra s'inspirer de ses méthodes pour faire essaimer d'autres centres d'expertise à travers l'Union européenne.

Les efforts en matière de développement des connaissances doivent être complétés par des investissements capacitaires adéquats. Sans rentrer ici dans le détail des matériels et engins, il nous semble pertinent de continuer à acquérir les moyens les plus lourds en commun avec les États participants au MPCU. De ce fait, la base rescEU continue de se développer avec l'intégration prochaine de deux canadairs, qui stationneront en France et seront mis à disposition directe du mécanisme de protection civile européen.

Il faut aller au-delà, en se dotant, par exemple, de capacités de décontamination nucléaire, toujours en s'appuyant sur l'expertise des États membres. Là aussi, la France a un rôle à jouer. Naturellement, ces investissements ne pourront se faire que si le budget du MPCU, qui a fortement augmenté dans le cadre de la pandémie, maintient sa dynamique.

Enfin, le rapport met l'accent sur la prévention, afin que le citoyen devienne réellement acteur de sécurité civile, car les situations d'urgence ne trouvent pas toujours une réponse des services de l'État. La formation des plus jeunes est un volet encore trop peu exploré : la sensibilisation aux gestes qui sauvent demeure facultative dans l'enseignement secondaire, ce à quoi nous proposons très simplement de remédier, en s'appuyant notamment sur les nombreuses associations compétentes en la matière pour dispenser des formations obligatoires à tous les élèves.

Face aux menaces naturelles, anthropiques et sanitaires, la résilience des populations est une donnée clé pour que les situations d'urgence ne dégénèrent pas en situations de crise. Les acteurs publics, privés, nationaux et européens ont beaucoup à gagner à travailler ensemble. Ce travail aura été, pour nous, l'occasion de mieux les connaître, mais aussi de mieux les faire connaître.

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