Intervention de Pierre-Henri Dumont

Réunion du mardi 30 novembre 2021 à 18h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Henri Dumont, rapporteur :

Notre attachement à l'espace Schengen est commun. Il faut rappeler que la fin des contrôles aux frontières intérieures de l'UE est fortement liée à la bonne tenue de nos frontières extérieures.

Les États de première entrée doivent s'acquitter de cette obligation dans le respect et les obligations internationales qui incombent à tous les pays de l'Union. Je pense notamment au principe de non refoulement, énoncé par la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés. Cette frontière extérieure est en quelques sortes un bien commun pour tous les européens. Il est donc naturel que l'Union européenne apporte un soutien opérationnel et financier aux États concernés. A ce titre, nous saluons le renforcement du mandat et du budget de Frontex dans le nouveau cadre financier pluriannuel, qui atteint désormais 5,6 milliards d'euros. Il faut également souhaiter que l'augmentation de ses effectifs (qui doivent atteindre 10 000 garde-frontières et garde-côtes d'ici 2027) pourra effectivement avoir lieu. Toutefois, la solidarité européenne ne doit bien évidemment pas s'en tenir là.

Le Pacte propose un mécanisme de solidarité dans le traitement des demandes d'asile qui doit permettre de répartir la charge entre les États membres. En cas de pression migratoire, voire de crise, le mécanisme devient obligatoire pour éviter la surcharge des pays de première entrée. Cette solidarité est nécessaire et elle doit être le fruit d'une responsabilité commune. Pour mettre en œuvre ce mécanisme, la Commission européenne a imaginé une procédure de filtrage aux frontières extérieures. Les demandes d'asile seront identifiées et soumis à un contrôle sanitaire, puis redirigé vers la procédure adéquate. Les ressortissants des pays pour lesquels le taux de reconnaissance du statut de réfugié est inférieur à 20% seront dirigés vers une procédure accélérée, qui doit avoir lieu sur place. Les autres intégreront une procédure normale et pourront être redirigés vers un autre État membre pour voir leur demande examinée. Le filtrage a pour objectif de mettre fin au dévoiement de la procédure d'asile qui a trop souvent été utilisé comme une porte d'entrée vers l'Europe par des personnes qui devraient relever d'autres voies d'accès, par exemple au titre de la migration du travail. Pour être pleinement efficace, il est nécessaire qu'il se déroule dans un cadre fermé. Nous sommes à ce titre satisfaits du fait que la Commission européenne ait suivi la position française sur l'existence de centres dans lesquels les demandeurs seront retenus le temps de l'examen de la demande. Les États membres doivent assumer ce choix en y mettant les moyens pour que les délais de privation des libertés soient le plus ramassés possible. Le texte parle de 12 semaines, ce qui est un maximum et certainement pas un objectif.

Là encore, la future Agence européenne pour l'asile aura un rôle de soutien aux États de première ligne, sur les territoires desquels se trouveront ces centres fermés. Mieux elle sera dotée, plus cet examen pourra s'effectuer dans des conditions respectueuses des droits humains. Par ailleurs, je souhaite revenir sur la nécessité pour l'UE de faire valoir ses intérêts dans ses rapports aux pays tiers, qu'ils soient d'origine ou de transit en terme de migration.

Les évènements actuels à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie sont à déplorer. Ils nous rappellent que les migrants peuvent faire l'objet d'instrumentalisation et que les pays qui tiennent la frontière extérieure sont alors bien démunis. C'est à l'UE d'apporter une réponse ferme en utilisant les instruments qui marchent réellement. La politique des visas en fait partie et il faut saluer son inclusion dans l'arsenal que la commission européenne entend mobiliser pour négocier des partenariats avec les États tiers. J'ai la conviction qu'il faut également utiliser la diversité des leviers de négociation dans le cadre des rapports futurs avec le Royaume-Uni, car la situation des migrants dans la région de Calais n'est plus tenable. La semaine dernière encore un drame a eu lieu lors d'une traversée de la manche, ce qui est profondément inacceptable.

Nous ne pouvons pas collectivement maintenir les conditions de la prospérité des passeurs qui sont l'échec de notre politique d'asile et d'immigration. Aussi, nous souhaitons affirmer notre soutien à l'adoption du pacte. La France doit pleinement assumer son rôle de facilitateur des débats et des accords dans le cadre de sa présidence au Conseil. Nous invitons également l'exécutif à maintenir une ouverture à l'adoption échelonnée du pacte. Toute avancée sera un pas vers le renforcement de la préparation de l'Union aux prochaines situations de pression migratoire qui ne manqueront pas d'arriver. Il appartient aux Européens de s'y préparer afin de sauvegarder leurs valeurs et leurs intérêts. Nous vous remercions de votre attention.

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