Intervention de Pascale Courcelle

Réunion du jeudi 9 mai 2019 à 9h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Pascale Courcelle, directrice du financement de l'immobilier et de l'énergie environnement BPI France :

En tant que filiale de la Caisse des dépôts, Bpifrance peut reprendre à son compte la plupart des propos qui viennent d'être tenus par les deux précédentes intervenantes.

Plus spécifiquement, Bpifrance, qui a vu le jour en 2013, donc assez récemment, intervient sur six principaux axes en matière de transition énergétique : le cofinancement, en tant que banque de place qui intervient avec les banques commerciales ; le financement de projets par des prêts classiques, qui concerne l'ensemble des énergies renouvelables ; la garantie octroyée aux banques sur leurs financements ; des prêts sans garantie dédiés à des filières énergétiques spécifiques sur lesquelles je reviendrai ; le financement de l'innovation en partenariat avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et enfin, depuis plus récemment, l'accompagnement d'entreprises permettant notamment à des PME d'atteindre le statut d'entreprise de taille intermédiaire (ETI), voire d'établissement de plus grande taille.

Certains de ces dispositifs sont très récents, et nous réfléchissons en permanence à leur adaptation. Quant à notre action, elle est d'envergure, puisque, depuis notre création, c'est plus de 11,4 milliards d'euros qui ont été investis, dont 55 % dans du financement de projets, soit 1,4 milliard pour 2018, ce qui représente un triplement de notre effort en trois ans. Tous dispositifs confondus, ce sont 2,5 milliards d'euros sur les 11,4 milliards qui ont été engagés en 2018, soit une augmentation de 10 % par rapport à l'année précédente.

Les efforts fait en direction des énergies renouvelables sont prioritaires et concernent aussi bien les filières matures que celles plus complexes. Nos interventions sur fonds propres sont également importantes, que ce soit au travers de sociétés sponsors ou de fonds de fonds. Bpifrance a ainsi investi 280 millions d'euros dans treize fonds qui couvrent tous les secteurs-clés de la transition énergétique et écologique, des énergies renouvelables aux clean tech, en passant par la chimie verte et la smart city.

Si notre action est aussi massive, c'est qu'elle est décentralisée, qu'il s'agisse de nos compétences techniques, sectorielles, juridiques ou financières. Nous disposons d'une quarantaine d'équipes implantées régionalement, ce qui est d'autant plus important que les entreprises qui participent aujourd'hui à la transition énergétique en développant de la production d'énergie, sont les entreprises implantées dans les territoires. Ces équipes sont pilotées à un niveau plus central, qui donne les orientations des politiques de risque et d'accompagnement. Cette organisation a prouvé son efficacité, puisqu'elle a permis à Bpifrance de multiplier par trois ses interventions en trois ans, et qu'elle nous permet également d'avoir un rôle d'entraînement auprès des banques commerciales.

Pour ce qui concerne les principaux enjeux d'avenir, nous entendons renforcer les aides à l'innovation afin d'accélérer le développement de solutions contribuant à la transition énergétique, sachant qu'autour des développeurs d'énergies environnementales, gravitent une série d'entreprises connexes, qui participent à ce développement grâce aux solutions innovantes qu'elles proposent, par exemple en matière d'autoconsommation ou de stockage.

Nous souhaitons également déployer une offre de crédit incitative, pour permettre aux entreprises d'investir dans l'amélioration de leurs performances énergétiques. S'il est important en effet de financer les énergies renouvelables, il est primordial d'investir dans l'efficacité énergétique et la réduction de la consommation d'énergie. Pour cela, il nous appartient d'abord de trouver un successeur au dispositif « Prêt vert », soit un nouveau prêt destiné à couvrir 500 millions d'euros de financements, pour lesquels nous avons besoin d'une dotation de 60 millions via un fonds de garantie qui crée un effet de levier. Ce nouveau dispositif pourrait être consacré à la rénovation énergétique industrielle.

Nous avons par ailleurs proposé il y a un an la mise en place d'une autre forme de crédit incitative, qui s'apparente à une sorte de crédit-bail immobilier, destiné à améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments des entreprises, laquelle est souvent externalisée par ces dernières à des acteurs dont c'est le métier et qui constituent une cible dont l'étroitesse est selon nous un frein à la transition énergétique.

Nous souhaitons donc mettre en place une offre de financement dédié, qui permettrait aux entreprises de s'approprier cette question de l'efficacité énergétique et de participer ainsi à la réduction des gaz à effets de serre émis par les bâtiments industriels, les bâtiments commerciaux et les bâtiments du tertiaire. Cette offre de crédit-bail immobilier a fait l'an dernier l'objet d'une conférence fiscale. Si la direction générale du Trésor (DGT) a pointé certains obstacles juridiques, ou constitutionnels, notamment l'inégalité devant le financement, l'idée a néanmoins été reprise dans le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale sur les outils publics encourageant l'investissement privé dans la transition écologique, remis le 30 janvier dernier. Nous avons donc fait réaliser par un cabinet d'avocats spécialisé en droit public, une étude, qui a démontré que notre proposition n'était pas contraire au principe d'égalité.

Concernant les filières d'énergie renouvelable émergentes, nous avons déployé, avec l'appui du ministère de l'agriculture, un système de prêts sans garantie destiné à financer la méthanisation à la ferme, et nous espérons aussi pouvoir déployer un mécanisme similaire pour la méthanisation par voie d'injection : nous travaillons avec un grand acteur privé sur ce périmètre, mais nous aurons besoin de bailleurs complémentaires.

Notre ambition est également de déployer plus largement notre accélérateur PME, qui permet aux entreprises de grandir grâce à des audits stratégiques, des audits de gouvernance ou des audits technologiques.

Nous avons lancé en 2009, une première promotion de 30 PME et ETI, que nous avons fait accélérer, et nous envisageons également le lancement d'un fonds « éco-tech »de 150 millions d'euros, dans le cadre du programme d'investissements d'avenir, sachant que nous gérons déjà les fonds « Ville de demain » et « Écotechnologies », qui nous ont été confiés par l'ADEME.

J'en terminerai par un mot sur les freins à la transition énergétique. Il nous semble qu'ils sont moins liés aux questions de financement qu'au manque d'investissement. Il est en effet complexe aujourd'hui pour les entrepreneurs d'investir dans le secteur de l'éolien, où les projets nécessitent des années de portage, ou d'investir dans le solaire, domaine dans lequel les ambitions de la programmation pluriannuelle de l'énergie sont très importantes mais pour lequel il n'est pas simple de trouver des réceptacles.

D'autres freins tiennent également au manque de visibilité des dispositifs qui évoluent en permanence. On est ainsi passé d'un système d'arrêtés tarifaires à un système d'appels d'offres. Ainsi, dans le cas de l'éolien, les appels d'offres doivent à l'heure actuelle concerner les projets de fermes éoliennes de plus de six éoliennes de 3 mégawatts chacune, mais un projet vise à réduire ce seuil. C'est problématique pour les développeurs, qui travaillent sur des temps longs, et il arrive que les appels d'offres ne soient pas pourvus en totalité.

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