Intervention de Jean-Luc Reitzer

Réunion du jeudi 5 avril 2018 à 11h10
Groupe de travail sur le statut des députés et leurs moyens de travail

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Reitzer :

Il est certain que cette situation n'est pas facile pour un député. Pour ma part je ne suis pas concerné, puisque j'ai atteint l'âge de la retraite. Mais j'ai connu des collègues qui ont vécu ce traumatisme. Trois mandats laissent certes le temps de réfléchir, mais l'échec est souvent imprévisible. De nombreux députés ont été battus voilà près d'un an. Ils se retrouvent dans une situation extrêmement difficile. Psychologiquement, comme vous l'avez indiqué, c'est une situation d'échec. Même si des paramètres nationaux et politiques entrent en jeu dans une élection, il y a aussi des données personnelles. En l'occurrence, l'absence de réélection est vécue comme un échec personnel. C'est un traumatisme.

Qui plus est, on ne peut pas être et avoir été. Avant d'être élu député à l'âge de trente-cinq ans, je travaillais chez Peugeot. Le lendemain de mon élection, j'ai été reçu par mon patron qui m'a félicité et m'a fait part de la fierté de la maison de compter un député en son sein, tout en me remettant une lettre de démission à signer et mon solde de tout compte. Si j'avais été battu cinq ans après, je ne sais pas ce que j'aurais fait. Pourtant, j'étais apprécié dans cette entreprise, où j'avais fait une belle carrière. Je gagnais d'ailleurs bien mieux ma vie chez Peugeot que comme député, permettez-moi de le dire en passant – car l'on se fait beaucoup d'illusions à ce sujet. Les gens me disaient de ne pas m'inquiéter car je connaissais tout le monde et tout le monde me connaissait. Mais lorsque l'on n'est plus député, on n'est plus rien. C'est extrêmement difficile. C'est un vrai traumatisme. Je me rappelle un collègue, qui avait été employé comme technicien chez Peugeot, et qui s'est retrouvé sans travail durant près de deux ans et dans l'incapacité de rembourser sa maison. À l'époque, son histoire avait fait l'objet d'une pleine page dans France Soir pour illustrer la situation d'un député qui avait perdu son poste, qui ne retrouvait pas d'emploi et qui était dans une situation personnelle et financière vraiment difficile. C'est un élément qu'il faut prendre en compte. On ne le dit pas assez.

Je pense qu'il faudrait insister sur ce point. Certes, notre fameuse indemnité dégressive, mise en place par Jean-Louis Debré, nous a été largement reprochée. « Encore un avantage, un privilège que les parlementaires se sont octroyé ! » Mais en fait, c'était à peu près ce que nous aurions perçu dans le privé, pas plus. Les obstacles à franchir sont nombreux. C'est extrêmement difficile pour un député, parce que, comme vous l'avez dit, en dépit de nos contraintes – de plus en plus nombreuses –, nous avons aussi une liberté de gestion de notre emploi du temps et la possibilité d'être notre propre patron. Repasser, ensuite, sous l'autorité de quelqu'un d'autre ne doit pas être facile.

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