Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du mercredi 26 janvier 2022 à 15h05
Commission des affaires sociales

Olivier Dussopt, ministre délégué :

Pour ce qui concerne l'articulation entre la loi de programmation des finances publiques et les lois de financement de la sécurité sociale, si nous sommes très attachés à ce que la proposition de loi organique aboutisse, c'est précisément parce qu'elle renforcera ce lien. Il en va de même, s'agissant des lois de finances, pour la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. La conception des annexes budgétaires, le compteur des écarts – en ce qui concerne la loi de financement de la sécurité sociale –, la coordination des dates de dépôt ainsi que le débat commun sur l'ensemble des finances publiques et la soutenabilité de la dette permettront d'avoir une vision beaucoup plus complète et intégrée des finances publiques, qu'il s'agisse du budget de l'État ou de celui de la sécurité sociale.

Je souhaite également que les lois de financement de l'année soient examinées dans un cadre connu, c'est-à-dire celui d'une loi de programmation des finances publiques adoptée aussi rapidement que possible. Il est vrai que cet exercice dépendra du résultat des échéances démocratiques qui nous attendent. Quoi qu'il en soit, il est de meilleure politique de connaître le cadre pluriannuel des finances publiques avant d'examiner les lois de finances annuelles. Cela permet d'ailleurs au Haut Conseil des finances publiques de jouer son rôle, à savoir évaluer l'action du Gouvernement et interroger celui-ci quant à d'éventuels écarts entre la prévision pluriannuelle et les projets de loi de financement qui lui sont soumises.

La question de la règle d'or est souvent posée dans ce domaine, ainsi que, parfois, celle de la primauté de la loi de programmation des finances publiques par rapport aux lois de financement de l'année. Sur le plan constitutionnel, cette primauté n'est pas envisageable. Nous nous en tiendrons donc aux dispositions prévues dans la loi organique adoptée et la proposition de loi organique appelée à l'être.

En ce qui concerne la règle d'or, au-delà de la difficulté intrinsèque de l'exercice et du caractère un peu virtuel de son application en cas de crise, je serais curieux de voir quelles conséquences en tireraient ses promoteurs au moment de déposer des amendements – car la discipline s'imposerait aussi bien au Gouvernement qu'aux parlementaires.

Le HCAAM a élaboré quatre scénarios pour le redressement des comptes : le premier envisage des réformes sans modifier le périmètre, le deuxième propose une assurance privée obligatoire universelle et mutualisée, et le troisième un taux de remboursement de la sécurité sociale revu à la hausse – quant au quatrième, ses modalités m'échappent à cet instant, je l'avoue. Le Gouvernement n'a pas choisi entre ces scénarios, qui sont d'ailleurs relativement opposés. Ce sont des pistes de travail qu'il convient d'étudier et d'intégrer dans les discussions qui présideront à l'élaboration des futures lois de financement de la sécurité sociale comme de la prochaine loi de programmation des finances publiques.

Vouloir séparer le traitement des déficits annuels de la dette est une forme d'illusion, dans la mesure où la dette n'est rien d'autre que l'accumulation des déficits annuels. Je reprends à mon compte l'expression du président de la commission des finances : il faut d'abord et avant tout mettre fin à la voie d'eau, ce qui passe par des mesures de redressement. Apurer le passif suppose que celui-ci cesse d'augmenter.

Nous n'avons pas d'inquiétude particulière quant à la soutenabilité de la dette. D'abord, la dette de la France, de manière générale, est soutenable. Les taux auxquels nous empruntons sont extrêmement bas et nous sommes vigilants quant à leur évolution. Ensuite, la dette sociale, telle qu'elle a été définie par la loi organique de 2020, fait l'objet d'un apurement par la CADES. Celle-ci a mis en place un programme d'émissions sociales – c'est ce que l'on appelle les social bonds. La première a été un succès : 10 milliards d'euros ont été empruntés à dix ans à des taux très avantageux. Lors de l'opération, 270 investisseurs ont manifesté leur intérêt, pour un ordre cumulé de 16 milliards. Depuis lors, d'autres émissions ont eu lieu pour faire face aux échéances que j'ai évoquées. Elles se sont déroulées dans de bonnes conditions, avec des taux avantageux. Si la soutenabilité de la dette est évidemment un sujet d'attention, comme tout ce qui concerne les taux d'intérêt, ce n'est donc pas un sujet d'inquiétude. Cela ne signifie pas que la dette doit continuer à augmenter, bien au contraire : un retour à l'équilibre s'impose.

Monsieur de Courson, la dette sociale est cantonnée de manière systématique ; c'est celle de l'État qui ne l'est que de manière exceptionnelle, pour la part attribuable au covid. Le mécanisme de la CADES est une forme de cantonnement : il s'agit d'identifier une dépense particulière – le remboursement de la dette – à laquelle est affectée une recette spécifique. J'appelle à la prudence, ou en tout cas à la nuance, dans l'utilisation du chiffre de 300 milliards d'euros qui apparaît dans le rapport du HCFiPS, car il est purement conventionnel. C'est le résultat qui serait obtenu si aucune mesure de régulation, d'économies ou de réforme n'était prise. Le chiffre doit donc être remis en question à l'aune d'une trajectoire de réforme.

Certes, les exonérations s'élèvent à 75 milliards, mais elles sont compensées à plus de 95 %. Cela étant, il n'est jamais inutile d'évaluer les dispositifs d'exonération – c'est vrai en matière fiscale comme en matière sociale. La proposition de loi organique contient des mécanismes permettant d'évaluer et d'actualiser la pertinence des exonérations consenties dans le cadre de nos finances sociales. Le texte apportera donc des outils nouveaux et certainement nécessaires pour mieux définir notre politique en la matière.

La question de la souveraineté accompagne souvent celle de la soutenabilité. Or la composition de la dette de la France est relativement protectrice : 25 % seulement de son encours sont détenus par des investisseurs étrangers établis hors de l'Union européenne, 50 % relèvent soit d'investisseurs nationaux souverains ou d'investisseurs privés, soit d'investisseurs européens, et 25 % sont détenus directement par la Banque de France au titre des programmes de rachat. Malgré le montant de la dette, la question de la souveraineté et celle de la soutenabilité ne nous paraissent donc pas particulièrement inquiétantes, même s'il convient d'y être attentif.

Le choix de ne pas présenter de projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale est délibéré. D'une part, ce n'est pas obligatoire. D'autre part, cela nous a permis d'aller vite tout en répondant aux besoins de financement de la sécurité sociale. Nous avons préféré consacrer le temps parlementaire disponible à l'examen de textes qui, eux, étaient obligatoires – je pense en particulier aux projets de loi de finances rectificative (PLFR). Du reste, la proposition de loi organique contient des dispositions qui amélioreront l'information du Parlement sur les modifications apportées par le Gouvernement, qu'il s'agisse des dépenses de la sécurité sociale ou de celles de ses agences. Certes, on peut considérer qu'il vaut mieux disposer d'un projet de loi rectificative, mais bien souvent celui-ci a pour principal intérêt la révision du cadrage macroéconomique, qui est l'objet de l'article liminaire – à l'image de celui qui figure dans les PLFR.

Les modalités de contrôle sont un enjeu dont nous nous préoccupons, bien entendu. Les caisses de sécurité sociale consacrent déjà plus de 4 000 équivalents temps plein au contrôle et à la détection de la fraude. Le nombre de cas constatés n'a fait qu'augmenter au cours des dernières années, du fait de l'efficacité accrue des systèmes de contrôle. Nous continuons à améliorer ces derniers et veillons à la bonne application des dispositions des LFSS pour 2021 et 2022. L'introduction de données biométriques, en particulier, permet d'accroître l'efficacité.

Monsieur Belhaddad, les versements du FRR vont baisser à partir de 2025 : ils ne s'élèveront plus alors qu'à 1,45 milliard d'euros, avec la perspective d'une extinction des versements en 2033, en même temps que la fin de l'activité de la CADES. D'un point de vue budgétaire, les recettes tirées d'un versement du FRR ne sont pas considérées comme des recettes en comptabilité nationale. Si on les met en face de dépenses nouvelles, autres que l'apurement de la dette, il y a donc une aggravation du déficit. Ce n'est pas de ce côté-là que nous trouverons les actifs nécessaires pour faire face au déficit du régime de retraites.

S'agissant de la prévention, 5,4 milliards d'euros annuels y sont consacrés hors crise, ce qui représente un effort important.

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